Expliquer le texte suivant :Russell, Problèmes de philosophie
Publié le 11/02/2019
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Expliquer le texte suivant :
Il semble assez évident que, s’il n’y avait pas de croyance, il ne pourrait y avoir rien de faux ni rien de vrai, dans le sens où le vrai est un corrélatif du faux. Si nous imaginons un monde uniquement matériel, il n’y aurait là aucune place pour le faux et bien qu’il dût contenir ce qu’on peut 5 appeler « des faits », il ne contiendrait pas de vérités dans le sens où le vrai est une entité du même ordre que le faux. En réalité, le vrai et le faux sont des propriétés que possèdent les croyances et les affirmations ; par conséquent, dans un monde purement matériel qui ne contiendrait ni croyances, ni affirmations, il n’y aurait place, ni pour le vrai, ni pour le 10 faux.
Mais, comme nous venons de le remarquer, on peut observer que la conformité ou la non-conformité d’une croyance à la vérité dépend toujours de quelque chose qui est extérieur à la croyance même. Si je crois que Charles Ier d’Angleterre est mort sur l’échafaud, je crois à quelque 15 chose de vrai, non par suite d’une qualité intrinsèque de ma croyance, qualité qui pourrait être découverte simplement en analysant ma croyance, mais à cause d’un événement historique qui s’est passé il y a plus de trois siècles. Si je crois que Charles Ier est mort dans son lit, l’objet de ma croyance est faux ; la force d’une telle croyance ou le soin pris 20 pour la former ne peuvent empêcher l’objet d’être faux, encore une fois à cause de ce qui s’est passé en 1649 et non à cause d’une qualité intrinsèque de ma croyance. Ainsi, bien que la vérité ou la fausseté soient des propriétés de la croyance, ces propriétés dépendent des rapports existant entre les croyances et les autres choses et non d’une qualité inté-25 rieure des croyances.
Russell, Problèmes de philosophie, © Editions Payot, 1989.
Russell propose dans le premier paragraphe de son texte une hypothèse qui peut paraître déroutante, tant nous sommes accoutumés à nous concevoir comme présents dans le monde : imaginons un « monde purement matériel », c’est-à-dire démuni de tout esprit capable de le considérer et d’en parler. Un tel monde ne serait constitué que de faits bruts et muets, et il ne posséderait en lui-même aucune vérité»
Cela doit d’abord nous rappeler que la vérité n’est pas une qualité de l’existence en elle-même. Des faits, constitutifs de la « réalité », ne peuvent être qualifiés, dans leur seule présence, de « vrais ». Pour que cet adjectif apparaisse, il faut l’intervention d’un jugement, formulé par un esprit extérieur aux faits et qui les considère comme « objets » de son discours.
«
•
Analyse du sujet
- Ce texte porte en apparence sur la « croyance», mais ce que Russell
nomme ainsi concerne plus généralement les « affmnations >> ou les juge
ments.
- Russell montre que la vérité des croyances dépend, non de r adhé
sion que peut y mettre J'esprit, mais de leur relation aux« faits » qu'eUes
désignent, c'est-à-dire à leurs référents.
- ll en résulte que Je vrai ou le faux sont des « propriétés » ou qualités
des croyances, mais qu'on ne peut les apprécier par la seule analyse
interne de ces dernières, et qu'il faut dans tous les cas examiner les rap
ports existant entre les croyances et les faits qui leur sont extérieurs.
• Pièges à éviter
- Ne pas prendre « croyance » pour un simple synonyme de vérité mal
élaborée, ou d'opinion : il existe, dans le contexte que propose Russell,
des croyances vraies.
- Ne pas sous-estimer l'importance de l'hypothèse d'un monde «uni
quement matériel » que propose le premier paragraphe : bien cerner ce
que désigne l'expression, en particulier l'absence de croyances qui le
caractériserait.
- Ne pas s'en tenir au seul exemple de la mort de Charles l": on a inté
rêt à en construire d'autres, qui prouvent que l'on comprend correctement
le texte.
CORRIGÉ
[Introduction] En toute sincérité, une personne peut énoncer une proposition fausse :
sa bonne foi ne saurait être mise en cause.
Mais son erreur provient de la
non-correspondance entre ce qu'elle formule et les faits auxquels se réfère
sa proposition.
Lorsqu'on confond les concepts de vérité et de réalité, on
sous-entend que la vérité est une qualité du monde lui-même, que l'esprit
n'aurait qu'à reproduire.
Mais en lui-même, le monde n'est ni vrai ni
faux : il est simplement là.
C'est pourquoi la vérité ou la fausseté d'un
jugement en désignant un aspect ne vient ni de lui, ni de l'adhésion de
l'esprit à son propre jugement, que Russell nomme : dans.
»
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