Explication d'un texte d'Aristote : l'opinion des philosophes
Publié le 14/12/2012
Extrait du document
«
personne : ni pour un autre que lui, ni pour lui » (171c).
L'opinion de Protagoras n'est pas propre à cet
auteur, mais est aussi, selon Aristote, celle de Démocrite, d'Empédocle, de Parménide, d'Anaxagore et
même d'Homère, c'est une opinion commune aux physiciens.
Ils ont cru, voyant le changement dans les
sensibles, qu'il pouvait y avoir coexistence des contradictoires, et en sont donc venu à nier le principe de
non contradiction.
En 4 , ce principe a été établi par la mise en œuvre d'une réfutation, ou plutôt d'une
démonstration élenctique (1006a11-12 ; car, pour qu'il y ait « réfutation », il faut un syllogisme, Premier
analytiques , II, 20), mais la même méthode ne saurait valoir pour des interlocuteurs différents.
Au début
du chapitre 5, Aristote distingue deux méthodes dans la discussion (1009a17-22), qui sont la contrainte et
la persuasion : la première a été utilisée dans le chapitre précédent contre ceux qui ne parlent que par
amour du discours (et est reprise en 6 ) , la seconde est mise en œuvre en 5 , car il s'agit cette fois de
critiquer l'opinion de ceux qui on sincèrement cherché la vérité (1009b33-35) et mis en place une doctrine,
et qui, confrontés à une aporie, ont commis des erreurs.
Ce texte s'articule selon deux grands moments.
Dans le premier, qui va du début à « … le faire une fois ! », Aristote remonte à la cause de l'opinion
concernant les sensibles, et montre à quelles conclusions extrêmes elle aboutit.
Dans le second, qui va de
« Nous répondrons… » à la fin, il met en place un ensemble de distinctions sur les différents sens du
changement, afin de poser sa critique de l'opinion.c
Ce texte apparaît comme un exemple de méthodologie de la persuasion qui apparaît en filigrane à
l'occasion de l'examen d'une « opinion » ( doxès , 1010a1) concernant les sensibles.
Quelle est l'opinion
dont il est question ici ? C'est celle des penseurs qui, rangés par Aristote autour de la figure de Protagoras,
ont prôné l'existence simultanée des contraires dans les choses.
Selon eux (1009b), on ne peut décider du
vrai par majorité, et, les choses apparaissant contraires à différents individus dans la sensation, et même à
chaque individu, le vrai est ce qui apparaît dans la sensation à chaque individu.
De plus, les contraires se
succédant dans la chose en mouvement, et rien ne provenant du non-être, ils en ont déduit que les
contraires coexistaient dans la chose.
Alors que la démonstration élenctique supposait précédemment une
étude de la signification, c'est à partir de l'examen des sensibles que se joue ici la persuasion, et elle
s'adresse à ceux qui défendent des opinions de physiciens, auxquels peut être assimilé Protagoras, ainsi
que le remarque A.
Jaulin ( Eidos et ousia , Klincksieck, p.
50, n.
63).
Il est important de noter ici la
méthode particulière qu'Aristote met en œuvre dès le début de ce passage, car il ne s'agit pas tant de porter
le discours sur l'énoncé même de l'opinion que sur sa cause ( aition ), sa « raison », et elle apparaît être une
réduction du champ des « êtres » aux seuls « choses sensibles » ( aistheta ), ce qui conduit ensuite à
extrapoler abusivement du genre des sensibles à l'ensemble de l'être.
Après avoir vu les conséquences de
l'opinion de Protagoras ( 4 , 1007b18-25), il s'agit donc à présent de mettre en évidence sa cause, et celle-
ci s'explique du fait de la méconnaissance de l'être en puissance, « que nous avons reconnu plus haut », en
1009a30-36 mais surtout en 1007b28-29.
La conjonction « or » insiste sur le fait que la cause de l'opinion
peut être comprise car il y a effectivement de l’ « indéterminé » ( aoriston ) dans les choses sensibles, mais
cette indétermination réside dans l'être en puissance de la chose, non dans son être en acte : ainsi, ceux qui
croient, comme par exemple Anaxagore, traiter de l'être, s'occupent en fait du non-être particulier qu'être
l'être en puissance, qui est l'indéterminé (1007b29).
Selon l'opinion, rien ne peut provenir du non-être et,
donc, si la chose peut être elle-même et son contraire, c'est que ces contraires coexistent dans la chose
(1009a25-26).
L'être peut cependant se dire selon divers sens, et, par cette distinction il est possible de
montrer que la même chose peut être en même temps les contraires selon l'être en « puissance » ( dunamei )
mais non selon l'être « en acte » ( entelekheia ) (1009a32-36).
La cause de l'opinion nous apparaît alors
comme double, car à la réduction de l'être aux seuls êtres sensibles vient s'ajouter une ignorance des
différents sens de l'être, qui masque le fait que l'indétermination des choses vient de cette sorte d'être
particulière qu'est la puissance, qui est aussi, du point de vue de l'acte, un non-être.
Cette recherche de la
cause nous apporte néanmoins une meilleure connaissance de l'opinion, de la même manière que la.
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