Explication de texte: Spinoza, Traité théologico politique
Publié le 09/09/2018
Extrait du document
Expliquer le texte suivant :
La fin de l’Etat n’est pas de faire passer les hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une raison libre, pour qu’ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les autres. La fin de l’État est donc en réalité la liberté. [Et], pour former l’État, une seule chose est nécessaire : que tout le pouvoir de décréter appartienne soit à tous collectivement, soit à quelques-uns, soit à un seul. Puisque, en effet, le libre jugement des hommes est extrêmement divers, que chacun pense être seul à tout savoir et qu'il est impossible que tous opinent1 pareillement et parlent d’une seule bouche, ils ne pourraient vivre en paix si l’individu n’avait renoncé à son droit d’agir suivant le seul décret de sa pensée. C’est donc seulement au droit d’agir par son propre décret qu’il a renoncé, non au droit de raisonner et de juger ; par suite nul à la vérité ne peut, sans danger pour le droit du souverain, agir contre son décret, mais il peut avec une entière liberté opiner et juger et en conséquence aussi parler, pourvu qu’il n’aille pas au-delà de la simple parole ou de l’enseignement, et qu’il défende son opinion par la raison seule, non par la ruse, la colère ou la haine.
Spinoza, Traité théologico politique
1. Opiner : formuler une opinion.
Centrage : La philosophie politique se doit de préciser ce que peut être le but de l'État, ainsi que les relations qu'il peut entretenir avec ses membres. En ses débuts, elle souligne surtout que le pouvoir doit être tout-puissant ou absolu, et ne se préoccupe guère de ce que peut être la liberté. Problématique : Spinoza, avec son Traité théologico-politique, inaugure une réflexion bien différente : s'il affirme que l'État est bien souverain au sens où c'est de lui que provient la loi que tous doivent respecter, il conçoit aussi qu'il a pour fin la liberté des « sujets ». Ces derniers, pour que l'État puisse être instauré, ont pourtant renoncé à n'agir qu'en fonction de leur propre désir. Mais il convient que l'État leur reconnaisse la liberté d'énoncer leur opinion, et de la défendre, pourvu que ce soit uniquement par la raison, c'est à dire sans introduire de violence ou de désordre.
«
Les
clés pour réussir
Bien comprendre le texte
Plan du texte
• Deux premières phr ases : défi nition de la fin de l'État : la liber té.
• Deux phrases suivantes : condition pour que l'État soit établi : que
ch acun renonce à agir « suiv ant le seul décret de sa pensée ».
• Fin du texte: ch acun n'en conserve pas moins son droit de raisonner
et de juger librement, à la cond ition qu'il ne défende son opinion que par
la raison, sans introduir e de désordre.
Ana lyse du texte
• Spi noza montre ici qu'il est possible de conci lier la souver aineté de
l'État et une liberté réelle de pensée et d'expre ssion.
• En effet, s'il est nécessaire, pour que l'État exis te et étant donné qu'il
doi t conci lier des intérêts divergen ts, que chacun renonc e à n'agir qu' en
fo nction de ce qu'il pense, cela n'imp lique pas que chacun renonce du
même coup à libremen t penser .
• Il n'es t donc pas question, d'une part, d'ag ir contre les déci sions du
souv erain ; mais il n'est pas davantage question, d'autre part, d'interdire
la libre pensée et la libre parole, pour vu qu'elles soient raisonnable s.
Utiliser ses conna issances
• Ce texte s'inscrit en rupture par rapport aux théories antérieures qui
affi rmen t qu'un pouvoir absolu doit tout contr ôler.
• Détaillez les fonctions de l'État signalées au début : sécurité, liber té de
la raison, paix civile, coexistence.
• Vous pouvez signaler comment le Traité de Spinoza est en lui-même
un exemple de la liberté d'opinion affirmée à la fin du texte (même si sa
parution a provoqué un certain scandale ...
).
Les pièges à éviter
• Si vous faites allusion à la concep tion spino ziste de la liberté co mme
co nnais sance de ce qui nous déterm ine, n'en faites pas le principal de
la copie.
• Le texte n'est pas un simple éloge de la démocratie (le pouv oir de
décréter est ici conçu comme pouvant appart enir à tous, à quelq ues-uns
ou à un seu l).
• Ne vous hâtez pas d'établir une comparaison avec Rousseau : il n'y
a pas ici d'allusion au Contrat social, ni à la puis sance physique de
chacun ....
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