Explication de texte: Sénèque, Entretiens
Publié le 09/09/2018
Extrait du document
Expliquer le texte suivant :
La compassion est une impression maladive produite par les misères d’autrui ou encore un chagrin causé par les maux d’autrui, que nous trouvons immérités ; or le sage n’est sujet à aucune maladie morale ; son esprit est serein et nul événement au monde n’est capable de l’ assombrir. En outre, rien ne sied à l’homme autant que la grandeur des sentiments : or ceux-ci ne peuvent être à la fois grands et tristes ; le chagrin brise l’ âme, l’abat, la resserre.
C'est ce qui n'arrivera point au sage même à l’occasion de ses propres malheurs ; tous les traits de la fortune acharnée contre lui feront ricochet et se briseront à ses pieds ; il gardera toujours le même visage, calme, impassible, ce qui ne lui serait pas possible si le chagrin avait accès en lui.
Ajoute que le sage sait prévoir les choses et qu’il a dans son esprit des ressources toujours prêtes : or jamais une idée claire et pure ne vient d’un fond agité. Le chagrin sait mal discerner la vérité, imaginer des mesures utiles, éviter des dangers, apprécier équitablement les dommages ; donc Je sage n’a point de commisération, puisque ce sentiment ne peut exister sans misère morale.
Tout ce que j’aime voir faire aux personnes compatissantes, il le fera volontiers et d’une âme haute ; il viendra au secours de ceux qui pleurent, mais sans pleurer avec eux ; il tendra la main au naufragé, donnera l’hospitalité au banni, l’aumône à l’indigent, non point cette aumône humiliante que jettent la plupart de ceux qui veulent passer pour compatissants - en montrant leur dédain pour ceux qu’ils assistent et leur crainte d’être souillés par leur contact -, mais il donnera comme un homme qui fait part à un autre homme des biens communs à tous.
Sénèque, Entretiens
Centrage : On n'a pas besoin de faire de longues études de sociologie pour savoir que certains hommes vivent dans la misère.
Problématique : La morale la plus élémentaire demande qu'on les aide, mais est-ce en fonction d'un sentiment ? On dit volontiers qu'il convient d'être compatissant: en analysant d'une certaine façon la compassion et ses effets, Sénèque montre ici qu'elle ne fait que propager la confusion d'esprit et une certaine impuissance de la pensée. S'il convient néanmoins de porter secours aux miséreux, ce sera donc sans ressentir de compassion, par l'équivalent d'un devoir liant les hommes les uns aux autres, et sans que se manifeste la moindre différence entre la dignité des uns et celle des autres, mais comme la confirmation d'une appartenance à une seule humanité.
«
Les clés pour réussir
Bien comprendre le texte
Plan du texte
• Prem ier parag raphe : défi nition de la compassion comme maladie de
l'âme incom patible avec le sage (stoïcien).
• Deuxième et troi sième paragraphes : oppositi on entre l'impas sibilité
et la pensée efficace du sage et la conf usion introduit e par le chagrin
dans la pensée.
• Quatrième paragraphe : ce qu'ac compli t la compas sion peut être
mieux fait en son absen ce, ce qui affirme l'égal ité entre les perso nnes,
à la plac e du déd ain.
Anal yse du texte
Thèse soutenue par l'auteur : la compassion n'est recommand able ni
pour le compatis sant (don t elle trouble la pensée) ni pour le seco uru,
qu' elle abaisse.
• Compatir , c'est souffrir avec ou à la place d'un autre, ce qui, pour un
stoï cien, ne saur ait être recommandable : cela abou tit en effet à une
pensée maladiv e et troublée.
• Puis qu'il reste impas sible face à ses propr es malheur s, pourquoi
serait-il perturbé par les malheurs d'un autre 7
• Cette impassi bilité n'est pas indifférence, car le sage secourt l'homme
mal heur eux, mais en respectant sa dign ité.
Utiliser ses conna issances
• Les fondements du sto ïcisme : tout est bien.
Donc on «suppor te» tout
avec indif férence (apath ie).
• Peut-on comparer la compassion dont il est question avec ce que
Rousseau nomme la « pitié ,, ?
• Y a-t- il dans la compassion une part d'h ypocrisie, ou une attitude
fondée en réa lité sur l'amou r-propre (cf.
La Rochefou cauld) ?
Les pièges à éviter
• Ne développez pas une morale d'inspiration chréti enne, étrangèr e au
texte.
La fin de l'extrait interd it d'au tre part d'y lire une préfi guration de
la morale nietzsch éenne des « maîtres » ...
• Le dédain à l'égard des assistés n'est sans doute pas obligatoire ; il se
réfère à la soci été romaine de l'époque.
• Développez clairement les implications de la derni ère proposition :
l' affi rmation d'une« humani té,, univ erselle qui singular ise le stoïc isme.
Élaborer un plan
1.
Commen t la compassion peut-elle avoir des effets négatifs 7
Il.
La mis ère produ ite par la compassion est aussi inte llectu elle
Ill.
Commen t po rter secours sans compatir ?.
»
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