Explication de texte: Nietzsche et le travail
Publié le 24/02/2021
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Explication détaillée d’un texte philosophique (I) (1) Chercher un travail pour le gain est maintenant un souci commun à presque tous les habitants des pays civilisés ; (2) le travail est leur moyen, il a cessé d’être un but en lui-même ; (3) aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix pourvu qu’ils aient gros bénéfice. (II) (1) Mais il est des natures plus rares qui aiment mieux périr que travailler sans joie ; des difficiles, des gens qui ne se contentent pas de peu et qu’un gain abondant ne satisfera pas s’ils ne voient pas le gain des gains dans le travail même. (2) Les artistes et les contemplatifs de toute espèce font partie de cette rare catégorie humaine, mais aussi ces oisifs qui passent leur existence à chasser ou à voyager, à s’occuper de galants commerces ou à courir les aventures. (3) Ils cherchent tous le travail et la peine dans la mesure où travail et peine peuvent être liés au plaisir, et s’il le faut le plus dur travail, la pire peine. (III) (1) Mais, sortis de là, ils sont d’une paresse décidée, même si cette paresse doit entraîner pour eux la ruine, le déshonneur, les dangers de mort ou de maladie. (2) Ils craignent moins l’ennui qu’un travail sans plaisir : il faut même qu’ils s’ennuient beaucoup pour que leur travail réussisse. Pour le penseur et l’esprit inventif, l’ennui est ce “calme plat” qui précède la croisière heureuse, les vents joyeux ; il faut qu’il supporte ce calme, en attende l’effet à part lui. C’est là précisément ce que les moindres natures ne peuvent pas obtenir d’elles. (3) Chasser l’ennui à tout prix est vulgaire, comme de travailler sans plaisir. Nietzsche, Le Gai savoir *** Dans ce texte extrait du Gai Savoir, Nietzsche oppose deux catégories de travailleurs : ceux qui travaillent pour le gain, attitude critiquable selon lui, et ceux qui travaillent par exigence intérieure, par plaisir. Nietzsche nous livre ainsi une définition aristocratique du travail, faisant de lui une valeur noble : le travail bien compris est une activité exigeante et joyeuse, qui a pour autre face la paresse. Certes, l’homme passe une part considérable de son existence à travailler, et Nietzsche a raison de souligner que ne le considérer que comme un moyen est une attitude courante qui peut être critiquable. Cependant, le philosophe adopte une position élitiste, en valorisant ceux qui ne semblent pas représenter au mieux le « travailleur » : les artistes, contemplatifs et oisifs. Ne juge-t-il pas trop rapidement le « vulgaire », qui, peut-être, subit plus qu’il ne le choisit un travail sans plaisir, et dont la seule satisfaction est dès lors le salaire ? La situation n’est-elle pas alors plus triste que méprisable ? Autrement dit, il s’agira de se demander si l’on peut faire, en toute sincérité, la critique du labeur sans joie comme si c’était une responsabilité individuelle, alors que ceux qui l’exécutent sont peut-être des victimes sociales. Nietzsche établit sa démonstration en trois étapes. Dans la première phrase, qui constitue un premier moment, il expose, dans le monde moderne, le rapport qu’entretiennent la plupart des hommes avec le travail. Dans un deuxième temps, il lui oppose la conception du travail propre à une élite, ce qui lui permet, dans les trois dernières phrases, de faire l’éloge d’une certaine paresse. Il s...
«
pour sa survie, mais aussi son confort.
Or, cela n’a pas toujou rs été le cas.
Pendantlongtemps,
le travail a été simplement vécu comme une activité indispensable à la vie : il fallait bien
travailler pour vivre et on vivait directement des fruits de son travail, et on échangeait
l’excédent, par le troc ou par l’argent .
Les hommes se reconnaissaient donc aisément dans le
travail qu’ils faisaient, il s’agissait d’abord de transformer la nature de manière consciente pour
vivre, c’était un besoin ressenti comme directement vital.
Mais avec le développement du
salariat, les hommes ont valorisé l’argent, et donc recherché la propriété et la richesse que le
travail permet d’obtenir : le travail n’est plus qu’une activité rémunérée qui ne répond plus à
une nécessité interne mais sociale.
Ainsi, Nietzsche débute par un constat, un diagnostic de
son présent : le fait de travailler pour le « gain » est propre à la modernité des pays développés.
2.
Dès lors, le travail est devenu un moyen, il n’est plus une fin en soi.
Les hommes, en
effet, vivent leur travail comme une activité pén ible, subie.
L’étymologie même du terme nous
ramène à cette idée : le mot est formé sur le latin « tripalium », instrument de torture à trois
pieux.
Le travail n’est alors qu’un moyen d’obtenir une satisfaction différée : le plaisir intervient
après le tra vail, dans ce que l’argent permet d’acheter.
Les hommes ne se reconnaissent plus
dans ce qu’ils font, c’est devenu un passage obligé pour gagner de l’argent, et c’est dans l’argent
qu’ils se reconnaissent désormais.
Et cela est toujours plus vrai aujourd’h ui, près d’un siècle et
demi plus tard : avec le développement du machinisme, les hommes ont travaillé de moins en
moins, la productivité et les salaires ont augmenté, et avec eux les désirs se sont multipliés.
La
société de consommation est née.
Le travai l étant donc instrumentalisé, réduit à un moyen, la
satisfaction recherchée n’est plus dans l’activité elle - même.
3.
Ces travailleurs sont dès lors « peu difficiles » sur le travail lui -même.
Ils ne sont pas
exigeants dans le choix de leur métier puisque celui -ci ne peut, selon eux, les épanouir,
compenser leur sacrifice, puisqu’il est subi.
Le travail n’est qu’un pis -aller, et ils sont prêts à
tout faire pour obtenir le plus gros gain.
Ils ne sont donc pas non plus difficiles envers eux -
mêmes puisqu’ils acceptent de passer la plus grande partie de leur temps à une activité qui
leur est un fardeau.
Ils sont matérialistes au sens où c’est l’argent qui prime désormais pour
eux : l’avoir l’emporte, ils pensent que posséder leur permet d’être heureux.
Ainsi, l es hommes
ne choisissent pas leur travail pour ce qu’ils y feront, mais pour ce qu’ils gagneront.
II.
CEPENDANT, IL RESTE DES HOMMES QUI ONT UNE ATTITUDE
ARISTOCRATIQUE FACE AU TRAVAIL.
1.
Ces « natures plus rares » visent la joie.
La joie est une émotion qui nous fait sortir
de nous -mêmes car nous nous réalisons dans ce que nous faisons.
Le travail n’est plus
considéré ici comme un moyen dont il faut bien s’accommoder pour obtenir une joie différée,
mais la joie est dans le travail lui -même.
La conception du travail de ces hommes est donc
totalement opposée à la représentation courante qu’on peut en avoir : le travail doit leur
correspondre et être digne d’eux.
Si ces hommes travaillent, c’est donc parce qu’ils s’y
accomplissent et s’y expriment pleinement .
Leur travail leur ressemble et est une exigence
intérieure.
Pour résumer, le travail est pour eux une fin en lui -même, et non un simple moyen
d’obtenir des biens qui leur sont étrangers.
2.
Mais qui sont ces hommes, et de quel type de travail s’agit -il ? Nietzsche en donne
trois exemples.
D’abord, les « artistes », qui sont, par définition, des créateurs.
Ils inventent
un style dans le domaine qui leur est propre et ne se contentent pas de répéter ce qui a été
dit ou fait : ils expriment ainsi leur génie. Les « contemplatifs », eux aussi, sont des créateurs.
Contempler, c’est s’absorber dans l’étude des êtres et des choses, et l’on oppose souvent la
contemplation à l’action.
Les philosophes, les scientifiques font partie de ces hommes, qui,
pour les travai lleurs du quotidien, sont, comme les artistes, des rêveurs : ils créent des
concepts, des interprétations, découvrent des lois, et, réfléchissant, ne semblent pas travailler
tout le temps.
Enfin, les « oisifs » composent cette troisième « espèce » d’hommes rares.
Les.
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