Explication de texte : Les Aveux (Confessions), Saint Augustin (§26, Chapitre XVII)
Publié le 09/10/2014
Extrait du document
«
platonicienne entre le monde sensible et le monde intelligible – ce der nier renvoyant à une réalité plus
authentique que le premier en renfermant les « objets de savoir ».
Par contraste, les objets sensibles
(« tous les corps ») sont présents dans la mémoire sous forme d'images représentées.
Il reste les
sentiments, qui y son t conservés en tant que « notions ou notations » et qui témoignent peut -être le
mieux de la « force immense » de la faculté mnésique : je me souviens de sentiments que je ne ressens
plus .
Je connais ce qui n'est pas.
Augustin explore cet espace foisonnant qu'est sa mémoire et n'y trouve pas de limite.
Il est infini.
Plus encore, le souvenir, car il rend présent ce qui est passé, car il fait communiquer l'être avec ce qui
n'est pas, dépasse les bornes qui séparent les dimensions temporelles.
La mémoire rappe lle à l'homme
ce qui est hors du temps.
Elle est signe d'éternité.
Ainsi, au dernier paragraphe, la « si grande […] force de la vie » qui désignait la mémoire laisse place
à ce qu'Augustin nomme sa « vraie vie » : Dieu.
La réflexion sur la mémoire avait fi nalement un but
ultime : celui de l'accès au divin, condition de possibilité de la confession.
Si je suis capable de
convoquer le monde, tel que je l'ai perçu, si la mémoire semble posséder des pouvoirs illimités, si
tout ce que je suis en acte et en puiss ance y est contenu, c'est bien parce que Dieu est en moi, qu'il y
a dans l'intériorité un appel et un cheminement possible vers Lui.
Néanmoins, la mémoire est une
force à dépasser pour « atteindre et [s']attacher » à Dieu.
Dieu ne peut pas être la mémoire, ni même
l'esprit qui la contient puisqu'il est leur Créateur.
Il faut aller là « où il est possible » de l’atteindre.
Mais le « où » ne renvoie en aucun cas à de l'espace, tout comme le « au -dessus » que vise l’élévation
n'est spatialisé que par la contra inte du langage.
Dieu est à la fois au -dessus, au -dessous et dans le
« moi », et même dans aucune de ces localisation, en témoigne l'insistance de l'auteur plus tard dans
le livre concernant la non -spatialité du divin (§37 : « Rien à voir avec un lieu.
On s'éloigne, on
s'approche.
Rien à voir avec un lieu » p.355).
Il faut donc prendre garde à ne pas voir le cheminement
vers Dieu comme une ascension verticale qu'on aurait tendance à rattacher à de la spatialité, sous
peine de retomber dans la doctrine manic héenne : le cheminement est ontologique (ou théologique) ;
il est un passage par plusieurs « niveaux d'être » pour arriver à l'être suprême.
On comprend alors l'importance de la question de la mémoire dans l'entreprise augustinienne des
Aveux. Se dire au présent présente un double problème : qu'est -ce que c'est que « soi » et comment le
dire dans l'instant ? Car je ne trouve en moi que multiplicité, et l'instant ne m'apporte qu'un
changement de plus dans la suite de variations qu'indique ma mémoire.
Il fa ut donc finalement, par
l'esprit, réussir à passer outre la temporalité qui enferme l'homme pour contempler cette « lumière
douce » qui est le principe de toutes les vérités, et parmi elles celle de ma « nature »..
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