Explication de texte: le Banquet de Platon - Le discours de DIOTIME
Publié le 06/11/2011
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Ce texte est un extrait du Banquet de Platon, récit d'un célèbre banquet qui eut réellement lieu à l'époque de Socrate, mêlant, dont entre autres ce dernier, de célèbres figures de l'époque, et durant lequel chacun des convives dut prononcer un discours sur l'amour. Le passage étudié maintenant est tiré du discours de Socrate, qui, à l'en croire, rapporte son entretien avec Diotime, femme savante de Mantinée qui enseigna au jeune Socrate sa vision de l'amour. Après avoir défini les origines, les manifestions et les fins d'Éros, Platon, au travers de la bouche de Diotime et de Socrate, va analyser la fonction fondamentale de l'acte d'amour (qui est de tenter de gagner, pour un être mortel, l'immortalité), et, dans un contexte de questionnement élargi, réfléchir sur le rôle de l'amour dans le cycle de la vie. Il va alors exposer sa vision particulière à l'époque du statut identitaire et du sens de l'existence des mortels, et tenter de résoudre le problème de la mort, généralement source d'effroi chez les grecs, tout comme dans nombre de civilisations d'ailleurs.
«
que la mort de l'individu s'inscrit, à une échelle plus grande, dans le même phénomène explicité précédemment.
C'esten faisant un parallélisme entre ces deux situations, c'est à dire en développant et problématisant l'un des deux cas(celui de l'individu à l'échelle de sa vie) qu'elle conclura que son raisonnement est de même manière applicable àl'autre, puisqu'elle a établi qu'ils appartenaient au même système (la nature mortelle) et obéissaient aux mêmes lois(éléments périssables qui se reproduisent et se sacrifient pour la survie de leur progéniture, permettant laperpétuation d'un élément plus global dans lequel ils s'inscrivent, l'espèce pour l'individu, ...).
Ainsi, Diotime pose laquestion suivante : qu'est ce que rester le même « de l'enfance à la vieillesse » quand tout dans notre corps, notreâme et notre intelligence a changé ? En effet, puisque, au bout d'une certaine période, aucun aspect de notrepersonne n'est plus composé des mêmes éléments, pourquoi nous considérons nous toujours comme le mêmeindividu qu'autrefois ? (voir premier paragraphe).
En fait, il est faux de dire que chaque être mortel reste, à l'imagede l'être divin, exactement le même ; cela lui est effectivement impossible vu que, pour se conserver et seperpétuer le plus longtemps possible, il est obligé de remplacer ce qui vieillit en lui par des éléments nouveaux, quiressemblent aux anciens (« qui ressemble à ce qu'il était lui-même »).
Pourtant cet être, bien qu'évolutif, gardetoujours en lui une certaine unité, du moins sur une durée limitée, due au fait que, justement, les éléments mortssont remplacés par d'autres qui s'en rapprochent le plus possible ; les éléments disparus perdent leur identité,puisque morts, mais l'ensemble de ces éléments forme non seulement la vie mais aussi l'identité (lescaractéristiques) d'un autre plus grand, les globalisant.
Ainsi leur renouvellement modifie, à long terme, l'identité deleur structure, sans pour autant la bouleverser brusquement.
Notons que ces modifications dues à la substitution devieux éléments par d'autres non identiques sont, à long terme, bénéfiques et même indispensables à la survie de lastructure car elles lui permettent de s'adapter aux exigences de son environnement, évolutif.
Diotime conclut que cerenouvellement continuel des éléments constituant une structure est le seul moyen de perpétuer l'existence decette structure (« C'est ainsi que tout être mortel se conserve ») ; l'idée conventionnelle d'identité que nous nousfaisons de notre personne propre et de celle d'autrui nous apparaît alors comme incomplète, fausse et inadaptée àla réalité puisque généralement nous nous considérons comme un être stable, autonome et fidèle à lui-même, àl'image du dieu immortel, et nous oublions de prendre en considération le système duquel nous sommes dépendants,celui de la nature mortelle.
Nous sommes effectivement totalement inclus dans celui-ci : nous ne sommes pasdispensés de la loi de la procréation ; nous constituons, en notre personne, une structure dont l'identité est donnéepar les divers et nombreux éléments inclus dans celle-ci, mais, point souvent négligé par notre considérationindividualiste de notre vie, nous existons également, à une autre échelle, en tant qu'élément appartenant à unestructure plus générale, notre espèce, mortelle elle aussi et incluse dans un système écologique déterminé.Appartenant à celle-ci, formant son identité, notre mort apparaît alors comme nécessaire à la survie de l'espèce qui,pour évoluer et se perpétuer, doit remplacer ses vieux éléments par d'autres plus jeunes, combatifs, et mieuxadaptés au monde actuel.
L'amour (application de la loi de la procréation) et la mort (que l'on a tort d'opposer à lavie) jouent donc un rôle fondamental dans la perpétuation de la vie.
« Voilà par quel moyen le mortel participe àl'immortalité, dans son corps et dans tout le reste.
»
Platon traite dans ce passage le problème de la mort d'une manière originale ; ordinairement, la mort nous effraieénormément car nous l'appréhendons comme une fin, sinon de notre existence, de notre vie sur Terre, dont l'amourest tellement enraciné dans le cœur des hommes.
En effet, nous avons toujours connu notre état d'union denotre âme et de notre corps, et nous avons toujours été habitué à exister aux yeux d'autrui, à occuper une certaineplace dans une société : ce tout constitue notre identité, notre plus grand bien.
C'est pourquoi l'idée de notre mort,marquant à nos yeux la perte de cette identité, nous est angoissante, voire insupportable.
Cela parce que nousn'avons qu'une vision assez individualiste de notre existence, limitée à notre vie charnelle d'être mortel.
Évidemment,si nous considérons notre existence de façon si matérielle et si égocentrique, alors notre mort est effectivement laperte et la fin de soi.
Mais si, au contraire, nous élargissons notre pensée et essayons de comprendre lefonctionnement de toute nature mortelle, quelque échelle que ce soit, il nous apparaît clairement que nousn'existons pas en tant que quelque chose d'unitaire et de donné, mais que nous sommes constitués d'élémentsnombreux, formant la structure de notre personne comme chaque individu semblable forme une espèce, et commetoutes les espèces, sur un modèle similaire, forment un écosystème.
Beaucoup de ces éléments nombreux quiconstituent notre personne se reproduisent, meurent et sont remplacés par d'autres plus jeunes, chaque jour pourassurer la survie du corps et de l'âme ; ainsi; une partie de nous-mêmes meurt chaque jour et nous permet de cettefaçon d'évoluer, sans que cela ne nous paraisse un drame, puisque les morts sont bien vite remplacés et que lamachine continue de fonctionner.
A vrai dire, nous ne nous en apercevons même pas la plupart du temps, étantdonné que nos cellules mortes sont substituées par leurs progénitures identiques, si bien que nous ne distinguonspas de différences et que nos cellules nous semblent vivre tous le temps de notre vie, ce qui n'est pas tellementfaux car, si l'on y réfléchit, les cellules défuntes continuent d'exister en tant élément intégré dans une structureglobale, y jouant un rôle précisément défini, au travers de leurs progénitures-successeurs, en quelques sortes«excroissance » d'elles-mêmes.
L'être mortel étant attaché plus que tout à sa vie, il va naturellement désirer etchercher à obtenir l'immortalité avec ardeur.
Celle-ci, bien entendu, lui sera toujours refusée s'il se cantonne à uneimage restreinte de son identité, donc de son existence.
Si, pourtant, il s'instruit et arrive à percevoir la nature quilui impose ses lois et son existence de manière moins terre à terre et moins centrée sur lui même, il comprendra quesa mort est un événement banal et nécessaire car il est devenu trop vieux et nuisible à son espèce ; il apprendrapeu à peu à l'accepter, comme étant naturelle et utile parfois même pour sa personne, lorsqu'elle abrège ses vieuxjours pénibles et douloureux ; il comprendra également qu'il peut, dans la mesure de ses moyens, tendre versl'immortalité, voire la jeunesse, sinon éternelle, durable, en vivant, par exemple, dans le souvenir et dans lacomposition génétique, qui présente à fortiori de nombreux points communs avec la sienne, de ses descendants.Notre progéniture incarne notre immortalité, et c'est pourquoi nous l'adorons - d'un amour purement égoïste - etnous nous sacrifions pour elle.
Ainsi Platon, en commençant à analyser le problème de la finalité de l'amour, en arrivetout naturellement et logiquement au problème de la mort et de la recherche de la mortalité ; l'un et l'autre sont.
»
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