EXPLICATION DE TEXTE : DESCARTES
Publié le 04/07/2015
Extrait du document
Lorsque nous avons la première fois aperçu en notre enfance une figure triangulaire tracée sur le papier, cette figure n'a pu nous apprendre comme il fallait concevoir le triangle géométrique, parce qu'elle ne le représentait pas mieux qu'un mauvais crayon une image parfaite. Mais, d'autant que l'idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d'un triangle peint, de là vient qu'ayant vu cette figure composée nous ne l'avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle. Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont tracés et arrangés, de telle sorte qu'ils représentent la face d'un homme, alors cette vue n'excite pas tant en nous l'idée de ces mêmes traits que l'idée d'un homme : ce qui n'arriverait pas ainsi si la face d'un homme ne nous était connue d'ailleurs, et si nous n'étions plus accoutumés à penser à elle que non pas à ses traits, lesquels assez souvent même nous ne saurions distinguer les uns des autres quand nous en sommes un peu éloignés. Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit n'en avait eu l'idée ailleurs.
DESCARTES
Un triangle dessiné ne vaut pas mieux, relativement à la réalité du triangle géométrique, qu'un « mauvais crayon « (c'est-à-dire un dessin maladroit) relativement à « une image parfaite « (qui désigne ici la perfection d'une image mentale). Puisqu'il existe un tel déficit du dessin tel qu'on le perçoit, l'enfant ne peut lui-même prendre appui sur sa perception pour apprendre ou découvrir comment le triangle doit être conçu, ce dernier terme évoquant une activité intellectuelle : la mise au point d'un véritable concept, strictement (ou, si l'on préfere : clairement et distinctement) défini. Pat rapport au concept, le perçu n'est jamais suffisamment clair et distinct.
Il faut alors s'interroger sur la provenance d'une raison ainsi pourvue. On entrevoit qu'il n'y a sur ce point qu'une possibilité de réponse : c'est Dieu qui nous la donne. Ce qui indique dès lors que l'idée de triangle est, avec quelques autres, déjà en Dieu lui-même, et a pour conséquence, comme l'affirme Descartes, qu'il est aussi nécessaire que la somme des angles d'un triangle soit égale à « deux droits « qu'il l'est de concevoir la présence d'une vallée à côté d'une montagne... Ce qui sera contredit par l'histoire de la géométrie et par la mise au point de géométries non euclidiennes.
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