Explication de texte B.RUSSEL, Problèmes de philosophie pp.84-84
Publié le 08/11/2011
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Texte ------------------------------------------------- ------------------------------------------------- « Si on nous demande pourquoi nous croyons que le soleil se lèvera demain, il est clair que nous répondrons tout naturellement « parce qu’il s’est levé jusqu’ici chaque jour «. Nous croyons fermement qu’il se lèvera à l’avenir, parce qu’il s’est ainsi levé dans le passé. Mis au défi d’expliquer pourquoi nous croyons qu’il continuera à se lever comme auparavant, nous invoqueront peut-être les lois du mouvement : la terre, répondrons-nous, est un corps en rotation libre, et un mouvement de ce genre ne cesse qu’en cas d’interférence d’une force extérieure au système ; or une telle interférence avec la terre est exclue entre aujourd’hui et demain. On peut bien sûr se demander si nous sommes vraiment certains qu’aucune interférence n’aura lieu, mais ce n’est pas le point intéressant. Ce qu’on peut mettre en doute, c’est l’idée que les lois du mouvement s’appliqueront encore demain. […] ------------------------------------------------- Or la seule raison de croire en la permanence des lois du mouvement réside dans le fait que les phénomènes leur ont obéi jusqu’à présent, pour autant que notre connaissance du passé nous permette d’en juger. […] Mais la vraie question est celle-ci : est-ce qu’un nombre quelconque de cas passés conformes à cette loi constitue une preuve que la loi s’appliquera à l’avenir ? Si la réponse est non, notre attente que le soleil se lèvera demain, que le pain au prochain repas ne nous empoisonnera pas, se révèle sans fondement : et de même pour toutes les attentes à peine conscientes qui règlent notre vie quotidienne. Il faut remarquer que ces prévisions sont seulement probables ; ce n’est donc pas une preuve qu’elles doivent être confirmées, que nous avons à rechercher, mais seulement une raison de penser qu’il est vraisemblable qu’elles soient confirmées. « ------------------------------------------------- ------------------------------------------------- B. RUSSELL, Problèmes de philosophie pp.84-85
«
pas de tourner entre aujourd’hui et demain (et donc le soleil se lèvera.) ce raisonnement est formellement valide, etl’auteur ne le critique guère, il se contente de remarquer qu’on ne peut réellement savoir si « aucune interférencen’aura lieu », (en effet, on est pas à l’abri qu’un astéroïde colossal heurte de plein fouet la planète bleu entreaujourd’hui et demain, entraînant une dislocation de la planète et l’extermination de sa faune et sa flore).Cependant l’auteur ne s’intéresse pas à une éventuelle interférence, quelle qu’elle soit, mais ce qu’il remet en doute,c’est « l’idée que les lois du mouvement s’appliqueront encore demain.
» En fait, il admet qu’une interférence peutavoir lieu (un astéroïde par exemple), mais cette interférence sera liée à l’expérience et ne remettra nullement enquestion la théorie, alors que l’auteur souhaite montrer au contraire qu’une théorie peut tout à fait être réfutée etmonter soudainement des défauts.
La phrase «ce qu’on peut remettre en doute, c’est l’idée que les lois dumouvement s’appliqueront encore demain » marque une transition très nette, elle clôt d’ailleurs le premierparagraphe, c’est la fracture qui annonce la thèse de l’auteur qui tâchera de démontrer qu’on ne puisse êtreabsolument certain d’une théorie.
L’auteur amorce sa thèse en expliquant d’abord pour quelle raison les foules estiment que le soleil se lèvera : « laseule raison de croire en la permanence des lois du mouvement réside dans le fait que les phénomènes lui ont obéijusqu’à présent.
» C'est-à-dire que les foules ont constaté une adéquation du réel avec les lois du mouvement, nulcontre-exemple n’a été trouvé à ce jour : elles estiment donc que ces lois acquièrent nécessairement la pérennité,et pour ces gens-là il est tout bonnement inconcevable que ces lois cessent soudainement de s’appliquer.
Notonsque le mot « seule » fut mis en italique, sans doute afin de surligné la puérilité de pareille croyance qui se fonde surune raison bien fragile.(Une digression simpliste pour expliciter la faiblesse de cet argument : imaginons un monde oùdes siamois ne seraient jamais nés, on aurait probablement admis comme loi que l’humain a une tête, et depuis dessiècles, l’expérience vérifierait cette loi, mais un beau jour ensoleillé, une femme met au monde un siamois à deuxtêtes (quoique étrange, c’est déjà arrivé): la loi est détruite par un seule contre-exemple, alors que durant desdécennies nous n’avions jamais vu cela.) L’auteur introduit en outre une nuance, indiquant qu’on ne peut savoir sices lois se sont appliquées sans trêve dans le passé, lorsqu’il écrit : « pour autant que notre connaissance du passénous permettre de juger », car comment savoir si ces lois étaient effectives du temps de l’homo erectus ? Et c’estseulement après avoir souligné le caractère vaporeux de la justification des foules et mit en exergue faiblesse deces « croyances » que l’auteur quitte momentanément son exemple solaire afin d’exprimer clairement le véritableproblème.La conjonction de coordination « mais » marque cette rupture avec l’argument isolé et fragile de la foule, et l’auteurpose sans embarras la « véritable question », à savoir : « est-ce qu’un nombre quelconque de cas passés conformesà une loi constitue une preuve que la loi s’appliquera à l’avenir ? » C’est en réalité la différence entre particulier etuniverselle qui est mise au jour : qu’importe que mille exemples furent conformes, cela ne constitue pas le moins demonde une preuve, et c’est ce en quoi l’opinion commune se trompe, puisqu’elle considère à tort qu’à partir dumoment où l’on n’a point trouvé de contre-exemple à une théorie, on devrait en déduire que cette théorie seraitéternellement valable.
Il est à noter que l’auteur ne donne pas une réponse explicite à cette problématique, puisqu’ilannonce son avis par un énoncé hypothétique : «si la réponse est non..
».
Naturellement, l’auteur estime que laréponse est non et qu’on ne fonde pas une loi sur des exemples : en ce sens les mathématiques sont tout à faitreprésentatif, car une démonstration ne s’appuie nullement sur des exemples, et tant bien même que dans « n » casune affirmation serait vraie, on ne peut savoir si le « n+unième » cas ne serait pas un contre-exemple.
En physiquecomme en mathématiques, les exemples en adéquation avec la loi ne peuvent en aucun cas la prémunir d’unéventuel contre-exemple, qui signerait fatalement le glas de l’affirmation.
D’où la nécessité dans les mathématiquesbasiques de démontrer à l’aide de lettre, par exemple avec le « x » qui peut être potentiellement tous les nombres :ainsi, l’on démontre une chose universellement et non pas par une surabondance d’exemples particuliers.
Enphysique, nous ne pouvons évidemment démontrer une chose de manière universelle, la physique étant liéeintrinsèquement aux faits, la physique est concrète, et donc constituée de faits particuliers, une loi de la physiquene sera donc jamais universelle puisque nous ne sommes point à l’abri de découvrir un contre-exemple rendantcaduque ladite loi.
En conséquent, l’auteur nous dit qu’on ne peut être certain que « le soleil se lèvera demain », ouencore, que le pain que nous avons toujours mangés sans danger ne soit pas fortuitement cause de notre décès.Nous lisons clairement que « Notre attente […] se révèle sans fondement », car ce n’est pas une preuve en soi quele soleil se soit toujours levé auparavant : car tous ces jours où il se leva constitue autant d’exemples particuliers,et non une loi universelle.
Ce n’est pas donc pas un argument recevable que d’affirmer que le soleil se lèvera enraison que « les phénomènes ont obéi jusqu’à présent ».Notons d’ailleurs que l’auteur, admets une multitude d’exemples à part le pain et le soleil, puisqu’il dit lui-même : « etde même pour toutes les attentes à peine conscientes qui règlent notre vie.
».
Qu’en dire ? Toutes nos certitudessont en quelque sorte remise en question, et je ne puis plus être certain de rien, peut-être que demain, le sol surlequel je marche deviendra spongieux et vaseux, m’engloutissant irrémédiablement, il peut être que l’air soitsoudainement irrespirable, que l’eau devienne glace malgré la température élevée, que ma femme ait un éclair degénie : comme on le voit, tout devient réellement possible, même des faits surprenant contrecarrant nos évidencesles plus naturelles.
(D’où les attentes « à peine conscientes.
» Lorsque je mets un pied devant l’autre sur de lapierre, il est tellement évident que je ne traverserai pas la pierre que je n’y pense même pas.Mais il ne faut pas penser que l’auteur nous mette en garde contre l’impensable (il ne faut pas s’attendre à traverserla pierre ou attendre que le soleil ne se lève pas), puisqu’il nous dit que ces pronostiques (que le soleil se lèvera,que le pain ne me tuera pas et cætera.) sont « simplement probables », au sens où ces phénomènes se produirontprobablement selon les lois de la nature pensées par les hommes, mais ces phénomènes ne sont pas des véritésinaltérables et éternelles, et comme il le dit, l’homme ne doit pas perdre son temps à trouver une « preuve qu’ellesdoivent être confirmée », puisqu’une pareille preuve ne peut exister, de part la nature de ces phénomènes quidemeurent des cas particuliers, de simples exemples illustrant cette loi et ne pouvant nullement lui servir defondement, mais comme il le dit, il faut plutôt rechercher « seulement une raison de penser qu’il est vraisemblable.
»
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