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Exemple de dissertation entièrement développée sur une citation d'André Malraux

Publié le 21/05/2024

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« Sujet de dissertation André Malraux « Intriguer tend toujours à « faire croire » quelque chose à quelqu’un ; toute intrigue est une architecture de mensonges ; croire à l’intrigue, c’est croire d’abord qu’on peut agir sur les hommes, par leurs passions qui sont leurs faiblesses.

» Analyse du sujet - - Intriguer : le contexte (la préface des Liaisons dangereuses) renvoie ici au vocabulaire de la fiction.

Les personnages intriguent, càd qu’ils mènent des actions secrètes pour obtenir un avantage ou pour nuire à qqu’un.

Ce sens peut être appliqué également aux personnes réelles qui intriguent (pour inclure Arendt). « Faire croire » qqch à quelqu’un : le principe même du fait d’intriguer consiste à manipuler les croyances et à croire qu’on peut tromper et dominer en faisant croire, en proposant un ensemble coordonné de mensonges. Plus précisément, la manipulation porte précisément sur les passions (éty.

Les passions s’imposent à l’homme, elles le gouvernent et l’homme devient passif face à ses émotions qui le contrôlent).

Celui ou celle qui intrigue agit donc sur les passions (l’orgueil, la colère, etc.) qui sont ici « la faiblesse » des humains.

Il y a un dominant / un dominé, qq’un qui agit, qq’un qui est passif. « croire à l’intrigue » : donc celui qui intrigue est lui-même soumis à une croyance. Plus largement, intriguer désigne également l’activité même du romancier, qui construit (architecture) son roman et sa fiction… et agit sur le lecteur par ses passions… NB : On peut considérer que Malraux nuance le rapport de force entre l’intriguant et celui qui subit l’intrigue, car l’intriguant se soumet aussi à une croyance qui peut se révéler une illusion.

Comme cette idée est seulement sous-entendue, on pourra l’utiliser pour problématiser le sujet.

C’est là une tension féconde qui pourra servir à animer la réflexion. Éléments de problématisation - Est-ce que la dynamique du faire croire repose de façon aussi manichéenne sur un trompeur et un trompé, un actif et un passif.

On peut interroger le rôle du trompé et inversement la part de passivité de celui qui intrigue, lui-même soumis à ses mensonges. Jouer sur les passions des autres est certes possible, mais ce jeu peut toujours se retourner contre celui qui intrigue, tant les effets des passions et les réactions des autres sont difficilement prévisibles.

Partant, croire au pouvoir de l’intrigue relève en partie de l’illusion.

En revanche, dans l’espace de la fiction, l’auteur peut quant à lui utiliser la fiction pour interroger précisément les croyances … y compris la croyance en l’intrigue ! Le verbe « intriguer » désigne étymologiquement les fils que l’on mêle et embrouille et permet de définir une action compliquée, qui reflète bien les différents fils complexes qui s’enchevêtrent dans le roman épistolaire de Choderlos de Laclos.

Dans la préface qui commente Les Liaisons dangereuses, André Malraux s’intéresse au terme « intriguer » : « Intriguer tend toujours à « faire croire » quelque chose à quelqu’un ; toute intrigue est une architecture de mensonges ; croire à l’intrigue, c’est croire d’abord qu’on peut agir sur les hommes, par leurs passions qui sont leurs faiblesses.

» La citation d’André Malraux donne une définition du verbe intriguer, qui permet d’évoquer à la fois les personnages dans la fiction qui manipulent autrui et le romancier qui fait croire à son lecteur.

Le verbe repose pour lui sur une dynamique qui établit une hiérarchie entre le trompeur et le trompé, celui qui ment et celui qui croit, celui qui agit et celui qui est passif.

En effet, si celui qui intrigue joue sur les passions, c’est bien au sens premier : il agit sur ce qui nous rend passif, sur nos « faiblesses », en instrumentalisant nos émotions.

L’intrigant est architecte, constructeur, agissant : il maîtrise donc l’autre. Pourtant, celui qui intrigue est lui-même soumis à la croyance : il croit en son pouvoir, ce que l’auteur de la fiction peut tout à fait interroger par l’architecture de sa fiction.

De plus, Malraux esquisse que les rapports de pouvoir ne sont pas aussi manichéens qu’on peut l’imaginer à première vue et que l’intrigant est lui-même dans l’illusion des croyances, à savoir le pouvoir de sa propre intrigue et de ses mensonges.

En quoi le rapport de pouvoir entre intrigant et intrigué peut-il être renversé et éclairé par l’auteur de fiction, qui interrogerait en ce sens les stratégies du faire-croire et de l’intrigue au sens de la manipulation ? À partir de l’étude des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, de Lorenzaccio d’Alfred de Musset ainsi que de « Vérité et politique » et « Du mensonge à la violence » d’Hannah Arendt, nous exposerons en quoi l’intrigue peut être une action manipulatrice et mensongère, visant par l’art de faire croire à dominer autrui par le biais de ses passions.

Puis, nous proposerons de réviser les logiques de domination dans les rapports de croyance.

Enfin, bien que les termes « mensonges et « faiblesses » employés par Malraux soient péjoratifs, nous verrons également que l’action manipulatrice de celui qui intrigue n’est pas nécessairement corruptrice. I) Intriguer : faire croire et mentir pour manipuler par les passions humaines. I.1 / Agir et manipuler autrui : faire croire en manipulant les passions humaines.

Intriguer est d’abord faire croire quelque chose à quelqu’un, explique André Malraux, afin d’agir sur lui.

Les personnages principaux de nos deux fictions sont des intrigants puisqu’ils construisent un tissu de mensonges.

Lorenzo se fait passer pour un débauché et un pleutre pour devenir le favori du Duc, obtenir qu’il ne se méfie pas de lui et fomenter le complot de son assassinat.

Il lui fait croire qu’il sait lire le vice chez les jeunes filles (I,1, la scène avec Gabrielle, cf.

intro) et qu’il est faible.

Il est même prêt à se laisser traiter de « femmelette » en feignant la couardise (I, IV : Sire Maurice enrage devant les insultes de Lorenzo et tire son épée.

Lorenzo joue alors un rôle dont se délecte le duc : « Regardez Renzo, je vous en prie ; ses genoux tremblent, il serait devenu pâle, s’il pouvait le devenir.

[…] Allons chez Lorenzetta, fais-toi emporter chez ta mère »).

Lorenzo joue donc un rôle pour paraître insignifiant. Son rôle réussit, si bien que le duc n’écoutera aucun de ceux qui lui rapportent qu’il faut prendre garde de Lorenzo (Le Cardinal Cibo, Sire Maurice, par ex IV, 10).

Par ailleurs, Lorenzo agit sur les passions du duc : libertin, le Duc a la faiblesse de se laisser aller à tous ses plaisirs.

Il tombe ainsi dans le piège de Lorenzo qui lui fait croire que Catherine Ginori va le retrouver le soir même : Lorenzo en profite alors pour le tuer.

De même, le Vicomte de Valmont et la Marquise de Merteuil sont de fins intrigants qui parviennent à agir sur les hommes. Madame de Merteuil, comme une romancière, invente une intrigue pour Danceny à propos duquel elle écrit dans la lettre 63: « Il lui faut donc des obstacles à ce beau héros de roman, et il s’endort dans la félicité ! » Elle suit d’ailleurs les conseils de Valmont.

Pour ajouter des obstacles, elle révèle à Madame de Volanges l’existence d’une correspondance entre Cécile et Danceny ; ce dernier devrait voir sa passion amoureuse s’accroître, ce qui l’incitera donc non seulement à séduire Cécile, mais également à coucher avec elle.

La réflexion d’Hannah Arendt sur le menteur dans La Crise de la culture est proche de ce qu’avance André Malraux, en affirmant que le menteur est un homme d’action qui veut changer le monde, elle défend elle aussi que celui qui intrigue est actif et croit en sa possibilité de faire faire quelque chose à quelqu’un ; pour la philosophe, l’habile menteur joue surtout sur l’aspect séduisant du mensonge, souvent moins surprenant que le réel. I.2/ Dès lors, intriguer revient à construire, à être architecte.

André Malraux insiste également dans sa citation sur la construction en parlant d’ « architecture de mensonges » : l’intrigant construit un système complexe qui bâtit une fiction.

Hannah Arendt parle de « la fabrication » d’images par le politicien qui doit être soutenue par « l’art de faire croire en la réalité de cette image ».

Un édifice de mensonges se forme donc qui se superposent pour fonder une construction fragile faite d’illusions, à l’image du village Potemkine dont elle fait mention dans « Vérité et politique ».

Le village Potemkine fait allusion à un personnage historique qui aurait dissimulé la pauvreté derrière des façades de carton-pâte mimant l’opulence et la richesse.

Cette métaphore architecturale rejoint très précisément celle de l’architecture dont parle Malraux.

Le complot qu’organise de même Lorenzo repose sur un amoncellement de mensonges, patiemment construits et organisés : la construction de l’image de faiblesse et de débauché, le vol de la cotte de maille, le faux rendez-vous avec Catherine, le baudrier entortillé qui empêche l’épée de sortir du fourreau (alors qu’il prétend qu’il place son arme sous son chevet.... »

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