Etre libre, est-ce ne dépendre que de soi ?
Publié le 09/09/2005
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APPROCHE ENVOYEE PAR L'ELEVE: Si l'on définit la liberté par la capacité à faire ce que l'on veut, alors on peut facilement en déduire que l'homme libre l'est d'autant plus que ses désirs ne le poussent pas à faire appel à d'autres forces que les siennes. Dépendre des autres représente toujours un risque de refus, d'obstacle, de contrainte. Mais peut-on vraiment ne dépendre que de soi? Il faut imaginer la condition d'une humanité dispersée et non socialisée pour pouvoir concevoir un homme s'en tenant toujours à ses seules forces. Un tel individu aurait des désirs limités à ses besoins les plus élémentaires et devrait avoir la chance de vivre dans un milieu naturel hospitalier. Ce tableau, plutôt fruste, voire animal, de la vie libre ne correspond pas à celui de l'humanité que nous connaissons qui est toujours engagée dans l'expérience sociale. Si l'on va jusqu'à définir l'homme par le lien à l'autre, autrement dit par son caractère social et culturel, il devient impossible de concevoir qu'il puisse ne dépendre que de lui-même. Les Anciens répètent à l'envi que l'autarcie est une condition divine et non pas humaine. Celui qui erre «sans feu ni lieu« est soit un dieu, soit un monstre. Ce qui lie les hommes n'est pas seulement la nécessité d'une coopération sociale en vue d'une production suffisante de richesses. Ce n'est pas tant l'utilité que l'amour qui peut rendre un individu indispensable à un autre. Aimer, c'est précisément ne plus dépendre que de soi. Qu'il s'agisse de l'amour de l'amant, du père ou de la mère, du patriote ou de l'ami, quand on aime, on place son bonheur sous condition. Est-ce à dire que l'amour est asservissement? Faut-il choisir entre aimer ou être libre? ll faut se dégager de la conception commune de la liberté pour pouvoir la concilier avec l'amour. Car s'il est vrai que la dépendance amoureuse exclut toute forme d'indépendance, en revanche ce lien arrache le sujet à une existence solitaire, centrée sur elle-même et dans laquelle il ne peut que s'enfermer. Savoir se représenter ses intérêts, avoir la sagesse de ne désirer que ce qu'il faut, être efficace dans la conduite de ses affaires..., tout cela caractérise un individu libre de faire ce qu'il veut. Mais dans un univers ainsi réglé et sans surprise, où rien ne résiste, où la vie coule dans le plaisir des éternelles satisfactions, quelque chose pèse: comment supporter de ne vivre que pour soi, sur soi, en l'exil intérieur d'une âme irréductiblement à distance des autres? La liberté ne surgit-elle pas quand vient à se briser le cours de cette existence solitaire, par exemple quand elle se laisse envahir par la passion? L'amour, en m'aliénant à l'autre, me libère de moi-même. II me plonge dans le désir exacerbé d'une présence dont je ne me contente jamais et qui me tourne vers l'avenir, à force de promesses. C'est dans la fièvre amoureuse que je découvre qu'il y a de l'autre. Cette découverte n'est possible qu'en devenant étranger à soi-même: l'amour nous change, nous rend imprévisibles, nous fait faire ce que n'aurions jamais imaginé pouvoir faire. C'est dans la relation à l'autre que la liberté s'éprouve, non pas comme le pouvoir abstrait de faire ce que l'on veut mais dans l'expérience intime d'une existence qui cesse d'être figée et qui s'invente de nouveaux possibles. L'élan amoureux ne nous asservit donc pas à l'être aimé. C'est au contraire dans la tension vers l'autre, vers l'inconnu qu'il représente, que je me libère du poids de ma propre subjectivité, de mon identité et que mon existence trouve du sens et de la légèreté. Ne dépendre que de soi, c'est se condamner à rester prisonnier de soi-même.
INTRODUCTION: La liberté, ce n’est pas la licence, c'est-à-dire la faculté de réaliser, à l’envie, ses désirs particuliers. Etre libre, ce serait donc être capable de manifester son indépendance à l’égard de soi même en tant que sujet de désir. Nous verrons, avec Rousseau, qu’être libre, c’est en effet savoir renoncer à sa volonté particulière, à son intérêt privé. En nous appuyant sur Kant, grand lecteur de Rousseau, nous montrerons comment la liberté, loin d’être synonyme d’indifférence, n’est en fait possible que lorsque l’autonomie de la volonté est garantie. Toutefois, le formalisme de la pensée kantienne nous conduira à nous tourner vers une conception de la liberté en acte, dont nous verrons qu’elle consiste peut-être elle aussi, mais d’une tout autre façon, à ne dépendre que de soi.
«
Chaque individu peut avoir une volonté contraire aux autres, et surtoutdifférente de la majorité des opinions exprimées et retenues.
Chacun vise sonintérêt particulier qui n'est pas directement celui de l'intérêt et du biencommuns.
L'individu peut estimer que ce qu'il donne à la communauté, estsans contrepartie, et qu'un manque à gagner pour la communauté pèse moinspour elle, que pour lui qui se prive personnellement H peut voir en l'Etat unsimple être de raison qui lui conférerait des droits, mais à l'égard duquel ilimporterait peu qu'il s'acquitte de ses devoirs.
L'individu a tendance à oublierque le pacte ou contrat social est un engagement réciproque qui lui confèredes droits parla contrepartie de ses devoirs.
Il s'ensuit que "quiconquerefusera d'obéir à la volonté générale, y sera contraint par tout le corps : cequi ne signifie autre chose qu'on le forcera d'être libre".
De même, toutes lesfois que la communauté est consultée pour choisir des élus qui représenterontla volonté générale et établiront des lois, il n'est pas demandé d'exprimer savolonté particulière et ses propres intérêts, mais la volonté générale, à savoirle bien de toute la communauté.
Quand un avis contraire au mien l'emporte,cela signifie que je m'étais trompé sur le contenu de la volonté générale.L'individu et sa volonté particulière doivent donc disparaître au profit de laconscience de la volonté générale.
Dans un célèbre passage, Rousseau déclare, à propos du citoyen récalcitrant, qu'il faudra « le forcer d'êtrelibre », c'est-à-dire le contraindre à se soumettre à la volonté générale.
Cette formule oxymorique permet à l'auteurde souligner le fait qu'être libre, c'est justement ne pas dépendre de soi comme sujet désirant, c'est être capable des'obliger à obéir aux lois.
Ne pas savoir renoncer à sa volonté particulière c'est aussi en demeurer prisonnier ; laliberté, en tant qu'opposée à la licence, nécessite de renoncer à l'égoïsme.
II- La liberté n'est possible que grâce à l'autonomie de la volonté.
Loin d'être un objet de jouissance, la liberté serait donc une valeur morale, marquée du sceau de laresponsabilité.
Mais il faut se garder de croire que la liberté consiste à dépendre d'autre chose que de soi.
Bien plus,être libre, c'est ne dépendre que de soi en tant que sujet non sensible.
Pour Kant, l'homme est un être à la foisphénoménal, sensible et nouménal, capable de se détacher de ses affections pathologiques, c'est-à-dire de sesdésirs sensibles.
C'est cette capacité au détachement, cette faculté de débarrasser sa volonté de motifs sensibles,qui fait de l'homme un être libre.
Aussi, la liberté exige comme condition de possibilité l'autonomie de la volonté.
La volonté est diteautonome lorsque le sujet n'agit en fonction d'aucun motif sensible, c'est-à-dire non pas pour son propre intérêtmais en fonction d'un intérêt supérieur.
Ce dernier est thématisé chez Kant, dans Les Fondements de la métaphysique des mœurs , comme « impératif catégorique ».
Il consiste à agir de telle sorte que la maxime de notre action puisse être en même temps érigée en loi universelle de la nature.
Par exemple, le mensonge, quel que soit lasituation où je suis engagé, est immoral.
En effet, érigé en loi universelle de la nature, il détruirait la possibilité detout langage.
Il n'y aurait pas de langage possible si la contradiction, la dissimulation, en étaient les fondations.
Le principe de la moralité réside donc dans l'autonomie, soit la faculté de se déterminer soi-même de par unelégislation rationnelle.
L'homme est lié à son devoir par une loi qui ne lui est pas extérieure.
Aucun intérêt ne vient leforcer à faire son devoir, aucune force étrangère à sa propre volonté ne vient le contraindre.Si le devoir procédait d'une contrainte, l'homme ne serait pas libre mais hétéronome, c'est-à-dire sous ladépendance d'une loi qui ne procède pas de lui-même.
Le devoir ne se définit que par l'autonomie de la volonté.
Êtrelibre et moral, c'est agir conformément à sa propre volonté législatrice universelle.Cette loi du devoir, bien qu'en nous, vise l'universalité.
Le principe suprême du devoir est inconditionné et absolu.
Lavolonté n'y est pas intéressée, et elle n'est pas non plus motivée par la crainte d'un châtiment ou d'une sanction s'ily a désobéissance.
Dans l'accomplissement du devoir, la volonté est fondée sur un principe d'autonomie :"L'autonomie de la volonté est cette propriété qu'a la volonté d'être à elle-même sa loi (indépendamment de toutepropriété des objets du vouloir).
Le principe de l'autonomie est donc : de choisir de telle sorte que les maximes denotre choix soient comprises en même temps comme lois universelles dans ce même acte de vouloir." L'autonomie de la volonté implique l'indifférence du sujet à l'égard des résultats de son action.
C'estpourquoi seule la bonne volonté du sujet compte, peu importe que son action réussisse ou échoue.
Cetteindifférence garantit la liberté du sujet, la certitude que ce dernier n'a pas agit comme sujet désirant, c'est-à-direvisant tel but.
III- Etre libre, c'est ne dépendre que de soi, de son « moi profond ». Or, comme Nietzsche l'a souligné dans La Généalogie de la morale , l'impératif catégorique est tout à fait impersonnel, l'autonomie de la volonté c'est en même temps la dissolution du sujet en tant que sujet réel, c'est-à-dire précisément capable de désir.
Pour Nietzsche, l'impératif est donc une fiction, la liberté qui en est corrélativeest purement formelle.
C'est en nous tournant vers la philosophie bergsonienne que l'on trouve la possibilité depenser la liberté comme pure dépendance à l'égard de soi, mais, comme soi sensible et non pas intelligible..
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