Éthique, IV, 17, démonstration et scolie.
Publié le 22/03/2015
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«
Textes commentés 39
Cette proposition
et son scolie montrent les limites de la puissance de la 1
Raison sur les passions.
Un désir né d'une connaissance vraie du bien et du mal 1
(c'est-à-dire de l'utile et du nuisible) peut en effet être impuissant face au désir
d'un plaisir immédiat.
Je peux connaître par exemple le danger qu'il y a à j
fumer : à terme, fumer peut me faire perdre certaines aptitudes corporelles et !
spirituelles, donc être cause de tristesse.
Cette connaissance, en tant qu'elle ·
aide ma puissance d'agir à lutter contre ce qui lui est contraire, est elle-même
une Joie, dont peut naître un Désir (celui de m'arrêter de fumer).
Cependant, la vraie connaissance du bien
et du mal a souvent trait à des
choses contingentes: selon IV, déf.
3, ne sont pas contingentes les choses dont
l'essence pose nécessairement l'existence (Dieu) ou l'exclut nécessairement (un
cercle carré, un arbre qui parle).
Mais est contingent le fait que
mon Corps soit
détruit
par ce corps étranger qu'est la cigarette.
De surcroît, cette connaissance
du bien et du mal regarde le futur : elle est donc véritablement sans poids face
au désir d'une chose présentement agréable (IV, 16).
La dimension du temps (présent ou futur), et la modalité de la chose perçue
(contingence ou nécessité) déterminent donc les rapports de force entre affects
1
contraires qui nous tiraillent.
Et ces flottements de l'âme se résolvent toujours à
l'avantage des Affects les plus puissants.
«Je vois le meilleur et l'approuve, je
fais le pire », peut donc dire Spinoza à la suite d'Ovide.
Je vois vraiment le
1 meilleur, puisque j'ai une connaissance vraie du bien et du mal ; je l'approuve,
puisque cette connaissance est en même temps une volition (Il, 49) ; mais
je
fais le pire, puisque le désir le plus fort est celui de la chose présentement
agréable.
« Le pire » est donc ce qui objectivement est le plus nuisible, mais qui, dans
l'immédiat,
se présente comme une Joie : c'est pourquoi je le désire.
Par
conséquent, les Affects qui s'affrontent en moi sont des Joies : l'une est une
passion (j'imagine
ma puissance d'agir aidée ou accrue); l'autre est une action
(j'ai une connaissance vraie).
La Raison semble donc pouvoir être vaincue par l'imagination.
Et cette
défaite ne
peut avoir lieu sans une certaine tristesse, puisque c'est une Joie,
celle de la connaissance, qui est vaincue.
Dès lors, connaître le vrai et ne pas
pouvoir le désirer, parce qu'est plus fort le désir du pire (sous la forme d'une
joie immédiate), est encore plus douloureux que désirer le pire sans le savoir :
dans
ce dernier cas, il n'y a que la Joie de la passion, alors que dans le premier,
cette
passion est jointe à une idée inefficace de la Raison, nous invitant
pourtant à nous abstenir d'un bien présent pour éviter un plus grand mal futur.
Spinoza peut alors faire sienne une formule qui semble aller à contre-courant.
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