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Est-on capable de se juger soi-même ?

Publié le 27/02/2008

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C?est alors (dans le cadre d?une expérience de la honte d?avoir été surpris) que ma jalousie prend consistance (et par là-même aussi mon être comme jaloux); elle n?est plus seulement une manière diffuse d?agir dans ce monde: elle est cette qualification de ma personne, ce jugement sur moi porté par un tiers. Je suis quelqu?un, je ne suis plus une pure ouverture sur le monde: on me détermine comme un homme jaloux (on me donne une "nature?, je deviens ?quelque chose? sous le regard de l?autre (autrui me chosifie). Mais au moment où je deviens quelqu?un, je suis dépossédé de moi-même: c?est à l?autre de décider si je suis un curieux, un jaloux ou encore un vicieux.           II ? Jugement moral et jugement juridique   Dans son application, la notion de jugement renvoie à deux sphères distinctes : la morale et le droit. En ce qui concerne la morale, sa spécificité tient à l?importance qu?elle donne au jugement de droit sur le jugement de fait. Alors que celui-ci renvoie à ce qui est (« la Terre est ronde »), le jugement de droit renvoie à ce qui doit être (« Tu ne tueras point » = « Tu ne dois point tuer »). Cependant, il est toujours possible pour l?individu de ne pas se conformer à la morale et de n?adopter aucune norme du bien, c?est-à-dire de ne consentir à aucun devoir et de ne pas se plier à un quelconque devoir-être. Cependant, si en matière de morale l?individu peut faire le choix de l?immoralité et celui du mal au détriment du bien, il est susceptible de rencontrer sur sa route la justice. Celle-ci fixe sous la forme de lois positives, dont l?application est policée, une limite qui n?est proprement pas morale. La justice est rendue sous la forme d?un jugement et de facto l?on ne se juge pas soi-même, mais l?on se plie au jugement d?un tiers : le juge.

« « Imaginons que j'en sois venu, par jalousie, par intérêt, à coller mon oreillecontre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seul […] Celasignifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pour habiter ma conscience.

Rien donc,à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier.

Ils ne sont nullementconnus, mais je les suis et, de ce seul fait, ils portent en eux-mêmes leurtotale justification.

Je suis pure conscience des choses […].

Cela signifie que,derrière cette porte, un spectacle se propose comme « à voir », uneconversation comme « à entendre ».

La porte, la serrure sont à la fois desinstruments et des obstacles : ils se présentent comme « à manier avecprécaution » ; la serrure se donne comme « à regarder de près et un peu decôté », etc.

Dès lors « je fais ce que j'ai à faire » ; aucune vuetranscendante ne vient conférer à mes actions un caractère de donné surquoi puisse s'exercer un jugement : ma conscience colle à mes actes, elle estmes actes ; ils sont seulement commandés par les fins à atteindre et par lesinstruments à employer.

Mon attitude, par exemple, n'a aucun « dehors », elleest pure mise en rapport de l'instrument (trou de la serrure) avec la fin àatteindre (spectacle à voir), pure manière de me perdre dans le monde, de mefaire boire par les choses comme l'encre par un buvard […].Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

Qu'est-ceque cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être et quedes modifications essentielles apparaissent dans mes structures […].D'abord, voici que j'existe en tant que moi pour ma conscience irréfléchie. C'est même cette irruption du moi qu'on a le plus souvent décrite : je me vois parce qu'on me voit, a-t-on pu écrire[…] ; pour l'autre je suis penché sur le trou de la serrure, comme cet arbre est incliné par le vent.

[…] S'il y a unAutre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moique par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle c'est l'existence del'autre.

» Sartre, « L'Etre et le Néant », Gallimard, pp.

305-306.

Le texte de Sartre décrit clairement deux états de la conscience.

Dans le premier, une conscience solitaire estoccupée, par jalousie, à regarder par le trou d'une serrure ce qui se passe derrière la porte.

Cette conscience estalors entièrement livrée à la contemplation du spectacle jusqu'à s'y fondre; elle est tout entière ce spectacle qu'elleregarde, elle est la série des actes motivés par la jalousie (se pencher, ne pas faire de bruit, regarder).

Cetteconscience ne se connaît même pas comme jalouse (ce qui supposerait un recul réflexif): elle est rapport au mondesur la mode de la jalousie.

La conscience n'a pas de consistance propre qui lui permette de s'appréhender commemoi; elle se confond immédiatement avec toutes ces choses sur lesquelles elle s'ouvre.Brusquement surgit un autre (j'entends des pas, on me regarde): je suis surpris, il va penser que moi, je suis jaloux.C'est alors (dans le cadre d'une expérience de la honte d'avoir été surpris) que ma jalousie prend consistance (etpar là-même aussi mon être comme jaloux); elle n'est plus seulement une manière diffuse d'agir dans ce monde: elleest cette qualification de ma personne, ce jugement sur moi porté par un tiers.

Je suis quelqu'un, je ne suis plus unepure ouverture sur le monde: on me détermine comme un homme jaloux (on me donne une "nature”, je deviens“quelque chose” sous le regard de l'autre (autrui me chosifie).Mais au moment où je deviens quelqu'un, je suis dépossédé de moi-même: c'est à l'autre de décider si je suis uncurieux, un jaloux ou encore un vicieux.

II – Jugement moral et jugement juridique Dans son application, la notion de jugement renvoie à deux sphères distinctes : la morale et le droit.

En ce qui concerne la morale, sa spécificité tient à l'importance qu'elle donne au jugement de droit sur le jugement de fait.Alors que celui-ci renvoie à ce qui est (« la Terre est ronde »), le jugement de droit renvoie à ce qui doit être (« Tu ne tueras point » = « Tu ne dois point tuer »).

Cependant, il est toujours possible pour l'individu de ne pas se conformer à la morale et de n'adopter aucune norme du bien, c'est-à-dire de ne consentir à aucun devoir et de nepas se plier à un quelconque devoir-être. Cependant, si en matière de morale l'individu peut faire le choix de l'immoralité et celui du mal au détriment du bien, il est susceptible de rencontrer sur sa route la justice.

Celle-ci fixe sous la forme de lois positives, dontl'application est policée, une limite qui n'est proprement pas morale.

La justice est rendue sous la forme d'unjugement et de facto l'on ne se juge pas soi-même, mais l'on se plie au jugement d'un tiers : le juge. En matière morale, si le jugement impartial, du moins correct, passe par autrui qui établit la juste distance entre moi et moi, en matière juridique, il ne s'agit plus d'une incapacité à se juger, mais d'une incompétence.

Seul lejuge est reconnu compétent et apte à juger.

Il empêche donc que l'on se juge soi-même, c'est-à-dire qu'on se livreà une justice privée, même s'il ne peut empêcher que l'on se juge soi-même, au sens où l'on porte un jugement sursoi.

C'est le cas du condamné, qui considère qu'il n'a commis aucun crime : il est jugé coupable, mais ne se juge pastel lui-même. Conclusion :. »

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