Est-il vrai que la science commence où la technique échoue ?
Publié le 12/01/2010
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Toujours créer, fabriquer, aménager, tout cela forme un ensemble d'opérations définies, un ensemble de procédés techniques, ayant pour but une adaptation toujours plus grande, et des choses extérieures offertes par la nature et de l'homme lui-même à l'égard de la nature. L'animal, poussé par ses instincts, accomplit des actes précis, coordonnés mais invariables, stables mais limités et arrive à une certaine transformation des choses qui l'entourent. Le développement des techniques, chez l'homme, prend une forme différente. L'homme a perdu la stabilité imposante, mais servile, des instincts animaux ; mais il a autre chose, la main, le cerveau, et surtout la vie sociale. Il devient novateur, inventeur des techniques. Depuis l'outil qui est le prolongement de la main, un schéma d'action, jusqu'aux instruments techniques les plus perfectionnés d'aujourd'hui, l'homme a témoigné de la plus grande ingéniosité. Mais il est arrivé un moment dans l'histoire des techniques où il n'est plus question de la simple ingéniosité manipulatrice de l'homme, car s'est introduite une autre forme de pensée rationnelle, d'où va naître la science. Et, dès lors, la technique va changer complètement d'allure : aujourd'hui elle ne tâtonne plus, elle se pénètre de connaissances scientifiques. Ce moment mérite notre attention. Comment pouvons-nous expliquer ce passage de la technique à la science, ou plutôt comment la science est-elle apparue ? On peut penser que ce sont les échecs de la technique et ses difficultés qui, précisément, ont abouti à cette stimulation de l'esprit de l'homme pour donner naissance à la science. Est-il vrai ainsi que « la science commence où la technique échoue « ?
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C'est à partir d'un échec technique que la science naît.
Ainsi, Pasteur découvre les propriétés de la fermentationquand un fabricant de bière lui fait part des anomalies techniques qu'il a rencontrées.
Galilée et Torricelli ont étudiéet fait naître la notion de la pression atmosphérique quand, à Florence, les fontainiers ne purent faire monter l'eau àplus de 10 m 33.
Le but des fontainiers, c'était de réussir à faire monter l'eau par quelque moyen que ce soit.
Acette finalité pratique, s'oppose l'attitude de Galilée : il mesure la colonne d'eau, il réfléchit et cherche àcomprendre.
Son but n'est pas de faire monter l'eau, c'est de savoir pourquoi l'eau ne monte pas.
Ses découvertesou plutôt ses hypothèses sur la pression atmosphérique n'améliorent pas forcément la technique de pompagedirectement, mais elles contribuent à éclaircir le fait, la cause de l'échec technique.Il semble donc vrai ici que la technique échouant, cela a donné naissance à la science, c'est-à-dire une étude plusapprofondie, plus abstraite, des lois qui apparaissent à travers les phénomènes naturels perçus constituant l'échec.Notons cependant un point : c'est que, dans ces cas, toujours le technicien et le savant sont deux personnesdistinctes.
Le plus souvent le technicien propose ses difficultés au savant, et celui-ci, disposant de sesconnaissances, réfléchit et pose le problème dans sa généralité.Est-ce que la science commence toujours là où la technique échoue ? Nous avons dit que non puisque la technique,mécanique, même réussie, a son perfectionnement interne.D'ailleurs il n'y a pas d'échec définitif de la technique elle progresse sans cesse et réussit si on la considère dansune grande échelle.La deuxième question : est-ce que la science commence seulement là où la technique échoue ? Ce n'est vrai que sil'on admet que le savant se désintéresse de son point de départ, l'échec technique.
Il oublie, au moinsmomentanément, la technique.La science est un esprit nouveau, son idéal est de juger librement toute chose, et de trouver la vérité dans uneintelligibilité de l'esprit.
Ainsi, il n'est pas nécessaire d'échouer dans ses entreprises pratiques pour voir apparaître lanécessité de la science.
Chaque homme a toujours besoin de connaître clairement et son esprit exige la rationalité,la compréhension des faits par les lois universelles.
C'est ainsi qu'on peut penser que la science prend naissancesurtout par exigence de la raison humaine, plutôt que par les échecs auxquels la technique s'est vouée.Si nous prenons nos exemples précédents, nous remarquons que la correspondance bière et fermentation faite parPasteur n'est due qu'à un hasard heureux, puisque tout débute par une rencontre du fabricant avec le savant.
Lesfaits rapportés exigent naturellement chez le savant compréhension.
L'échec technique aurait sans doute passé, etsans doute Pasteur ou un autre savant découvrirait-il, après, sans les difficultés de la bière, les propriétés de lafermentation.
De même, si Gaulée n'avait pas vécu à Florence.L'échec technique ne stimule l'esprit scientifique que si le niveau de connaissance atteint par la science la rendcapable de poser en termes intelligibles le problème proposé.
Sinon l'échec technique ne donne naissance qu'à lapensée magique et mystique.Poursuivons, après cette discussion, l'évolution de la technique après l'apparition de la science.
Sans aucun doute lefait le plus important serait l'introduction des mathématiques dans les sciences, ce qui conduit à une application deces idées mathématiques au réel, c'est-à-dire de la technique.De nos jours, la technique a complètement changé de forme : elle n'est plus tâtonnante, aveugle et irrationnellecomme autrefois, elle a une base solide, suit et sert fidèlement la science.
Du même coup, les nouvelles inventionstechniques ne sont plus des inventions, ce sont des applications de la science.
La théorie et la pratique ensemblesavent où elles vont.L'effort théorique et l'effort pratique ou technique se répondent à différents niveaux au cours des siècles.Aujourd'hui ils se pénètrent, la technique est théoricienne par nécessité, mais elle se préoccupe peu desfondements, des principes de sa théorisation.
La science garde toujours l'aspect d'une recherche fondamentale.
COMMENTAIRE
Un aspect caractéristique de ce développement, c'est la ' volonté de ne pas se laisser enfermer par le sujet dansdes limites trop étroites.Il y a un avantage.
On sent que la réflexion existe, appuyée sur des connaissances disponibles : la notion d'instinct,l'outil et son avènement, le rôle du langage, etc.
Donc une certaine ampleur de la vision.Il y a un inconvénient.
A cause même de la diversité des thèmes évoqués, ceux-ci restent dans un halo d'allusion etparfois même dans une formulation assez obscure.On constatera que la ligne de développement suivie est assez floue.
Cela tient au mouvement de la pensée, sansdoute.
Celle-ci ne manque-t-elle pas parfois de fermeté ?La discussion qui constitue la troisième partie du devoir représente un effort honnête d'explication.
Il reste un peudécousu et sommaire.Ont été respectées des maladresses de formulation.
Les corriger entraînerait non seulement à modifier l'expression,mais aussi à préciser l'analyse..
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