Est-il utopique de penser que la technique puisse etre un instrument de libération ?
Publié le 07/09/2005
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Etymologiquement l’utopie signifie absence de lieu, le qualificatif « utopique « par extension est synonyme d’irréalisable ou d’impossible. Cet attribut se réfère au verbe penser. Il s’agit donc de savoir s’il est possible ou non de penser la technique comme étant libératrice. Le verbe penser ne signifiant pas ici une simple opinion mais contient une part critique permettant de juger de la qualité de son objet, dans le sujet il s’agit de la technique. Le sujet ne porte pas sur ce qu’est la technique mais sur les qualités ou les défauts qu’elle peut avoir. Par technique il faut entendre une capacité à produire des outils en vue de fins. Cette capacité est spécifiquement humaine en tant qu’elle est accompagnée de science ou d’intelligence. La relation entre des moyens et des fins, qui est sous-jacente à la technique, met en évidence qu’elle est une activité utile, à la différence de l’art qui lui ne vise pas l’efficacité mais la beauté. La technique se différencie également de la nature en tant qu’elle est production à partir de l’homme d’objets qui sont artificiels. Selon le mythe de Prométhée et d’Epiméthée la technique est ce qui permet de distinguer l’homme des autres animaux, elle est l’origine de son invention et est le seul moyen qu’il possède pour se protéger contre les dangers extérieurs, alors que l’ours par exemple et l’aigle, pour se conserver, sont munis respectivement de griffes et d’ailes. La technique en tant qu’elle permet de libérer l’homme de la tutelle des autres animaux (par l’utilisation du feu qui effraie les animaux par exemple) possède une vertu émancipatrice. Elle permet à l’homme de fabriquer des moyens lui permettant de trouver une solution au caractère inhospitalier de la nature. En ce sens il n’y aurait rien d’impossible à conférer à la technique cette fonction libératrice. Cependant la remise en cause de la technique dans l’histoire contemporaine atteste que l’utilisation de la technique par l’homme peut dévier et devenir une aliénation de l’homme par l’homme. Les moyens créés par l’homme (la bombe atomique) dépasse l’homme et échappe à son contrôle. En ce sens même si la technique a pu libérer l’homme de la tutelle de la nature pour autant elle aboutit à une autre forme d’aliénation. Comment est-il possible de concilier ces deux caractéristiques de la technique ? Tout d’abord il s’agit de montrer dans quelle mesure la technique nous permet de sortir d’une aliénation naturelle. Ensuite d’exposer dans quelle mesure l’homme plonge par la technique dans une autre forme d’aliénation. Enfin de tenter de résoudre ce problème par une réflexion sur ce que devrait être la technique et comment l’homme devrait l’utiliser.
«
éprouver en diverses difficultés particulières, j'ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien ellesdiffèrent des principes dont on s'est servi jusqu'à présent , j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu'il est en nous 1, le bien général de tous les hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieude cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle,connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps quinous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrionsemployer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres etpossesseurs de la nature.
Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraientqu'on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement detous les autres biens de cette vie.
» DESCARTES, Discours de la méthode, sixième partie.
Descartes pose, dans ce texte, les fondations d'une nouvelle physique.
Celle-ci lui fait entrevoir quel pouvoir une science enfin rationalisée peut donner à l'homme, et « qu'il est possible de parvenir à des connaissances quisont fort utiles à la vie ».Il faut donc renoncer à cette « philosophie spéculative » de l'enseignement scolastique qui tourne le dos àl'expérimentation et s'enferme dans les raisonnements creux de la logique d'Aristote.
Descartes lui oppose unescience (ou philosophie pratique), « par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, desastres, des cieux [...] nous les pourrions employer [...
] à tous les usages auxquels ils sont propres », pour améliorernotre vie.Le mot « actions » qu'utilise Descartes ne doit pas toutefois nous tromper, et correspond à ce que nous appelonsaujourd'hui un « effet ».
La nature n'est pas une déesse qui « agit » avec conscience et volonté, mais un ensemblede phénomènes régis par le principe de causalité (la relation de la cause et de l'effet).La finalité qu'assigne Descartes à cette science alliée à la puissance technique, rappelle les idées que le philosopheFrancis Bacon avait déjà exprimées au XVIe siècle : il nous faut « vaincre la nature », affirmait-il.
Descartesconclut, lui, que par la science nous pouvons nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature ».
Le «comme » indique bien que l'homme n'en sera pourtant jamais totalement le maître, titre qui convient à Dieu seul,mais dont la science doit nous permettre d'imiter quelque peu la puissance.À l'aube des Temps modernes, alors qu'apparaît au XVIe siècle une nouvelle forme de technique, celle des machinescomplexes (ou « automates ») fondée sur la maîtrise des lois de la nature, Descartes exprime donc l'idéal d'unescience conquérante qui est aujourd'hui encore le nôtre.
Une science qui se propose de découvrir une « infinitéd'artifices » comme, outre ceux des arts mécaniques, ceux qui doivent accélérer les progrès de la médecine ettriompher de la maladie.
Avec un siècle d'avance sur l'idéologie des Lumières, Descartes nous annonce alors sa foien la science triomphante.
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Transition : La technique permet à l'homme de se libérer de l'aliénation de la nature.
Par son esprit d'invention il tend à devenir maître de la nature.
Le progrès de la technique a-t-il une fin ou doit-il continuerindéfiniment ? Si tel est le cas l'absence de limites ne constitue-t-elle pas un obstacle à l'émancipation de l'hommepar l'apparition d'une nouvelle subordination ?
Deuxième partie : L'apparition d'une nouvelle aliénation.
2.1 La disproportion des moyens fait que la technique n'est plus contrôlée par la fin qu'elle était censée servir.
« Les instruments de la violence ont désormais atteint un tel point de perfection technique qu'il est devenu impossible de concevoir un but politique qui soit susceptible de correspondre à leur puissance destructive ou quipuisse justifier leur utilisation au cours d'un conflit armé [...] Du fait que la violence – distincte du pouvoir, de laforce ou de la puissance – exige toujours des instruments (comme Engels l'avait autrefois souligné), la révolutiontechnologique, révolution dans la fabrication des outils, a revêtu une importance particulière dans le domainemilitaire.
L'action violente est elle-même inséparable du complexe des moyens et des fins dont la principale caractéristique, s'agissant de l'action de l'homme, a toujours été que les moyens tendent à prendre uneimportance disproportionnée par rapport à la fin qui doit les justifier et qui, à leur défaut, ne peut pas êtreatteinte .
» Hannah ARENDT, Du mensonge à la violence, Sur la violence.
2.2 La technique est devenue une composante essentielle de la vie humaine.
« Dans ces temps anciens la technique était, comme nous l'avons vu, une concession adéquate à la nécessité et non la route vers le but électif de l'humanité – un moyen avec un degré fini d'adéquation à des finsproches, nettement définies.
Aujourd'hui, sous la forme de la technique moderne, la technè s'est transformée enpoussée en avant infinie de l'espèce et en son entreprise la plus importante.
On serait tenté de croire que lavocation de l'homme consiste dans la progression, en perpétuel dépassement de soi, vers des choses toujours plusgrandes et la réussite d'une domination maximale sur les choses et sur l'homme lui-même semblerait êtrel'accomplissement de sa vocation.
Ainsi le triomphe de l'homo faber sur son objet externe signifie-t-il en mêmetemps son triomphe dans la constitution interne de l'homo sapiens, dont il était autrefois une partie servile.
End'autres termes : indépendamment même de ses oeuvres objectives, la technologie reçoit une signification éthiquepar la place centrale qu'elle occupe désormais dans la vie subjective des fins humaines.
Sa création cumulative, àsavoir l'environnement artificiel qui se propage, renforce par un perpétuel effet rétroactif les forces particulières qui.
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