Est-il toujours illusoire de prendre ses rêves pour des réalités ?
Publié le 05/02/2004
Extrait du document
- Se demander s'il est possible - du moins parfois - qu'à force de "prendre" ses rêves pour des réalités ils deviennent des réalités.
- Encore convient-il de savoir comment "prendre" ses rêves pour des réalités.
- En un certain sens, nos rêves ne seraient-ils pas "des réalités" ?
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Le rêve comme puissance transformatrice de la réalité
Prendre ses rêves pour des réalités, c'est néanmoins ce que doit faire quiconque espère contribuer aux progrès de lasociété dans laquelle il vit.Le rêve, durant les temps d'oppression peut avoir une vertu consolatrice, voire mobilisatrice.
Il donne espoir.Anatole France assurait que l'utopie «est le principe de tout progrès.
[...] De rêves généreux, ajoutait-il, sortent lesréalités bienfaisantes» (Discours aux étudiants, 1910).
L'élaboration d'une utopie n'est pas seulement une façon de répondre aux aspects négatifs du réel par unesatisfaction imaginaire ; elle consiste aussi à dénoncer le réel lui-même, et à suggérer qu'il peut être modifié, entout ou en partie.
La dénonciation peut être directement politique, ou plus précisément morale, comme chez Moreen particulier.
Son existence suffit à indiquer que toutes les possibilités de la réalité n'ont pas encore été explorées,et c'est en cela que la dénonciation possède une efficacité minimale, puisqu'elle invite son lecteur à modifier ou àfaire varier sa propre conception du monde.On répliquera qu'une telle efficacité reste bien idéaliste, et qu'elle ne saurait suffire pour « changer le monde ».
Et,dans les reproches classiques que l'on adresse aux constructions utopiques, on souligne que les organisationspolitiques qu'elles prétendent proposer sont bien souvent trop artificielles pour avoir la moindre chance de voir unjour un début de réalisation.
La cité utopique est en général présentée comme à l'écart de toute autre réalité : elleest protégée - c'est souvent une île - de tout contact avec d'autres systèmes, vit en autarcie ; dans laprésentation qu'on en donne, il est fréquent qu'on l'ait découverte par hasard, après une tempête - tous élémentsfictifs qui interdiraient de la prendre trop au sérieux.Pire : certains esprits utopistes seraient carrément nostalgiques de sociétés restreintes bien impossibles désormais :petites collectivités à la Fourier (les phalanstères), micro-sociétés fondées sur une combinatoire des passions oudes conduites sans doute intéressante ou amusante du point de vue théorique ou intellectuel (littéraire), mais quis'affirme immédiatement comme étrangère à toute histoire.
On comprend pourquoi Marx a pu critiquer les socialistes utopistes : c'est qu'ils lui paraissaient refuser ce qui était à ses yeuxfondamental, le devenir historique.
À trop rêver de société parfaite, nerisque-t-on pas de se désintéresser du réel, de le supporter passivement, etde ne plus être un acteur de l'histoire ? La rêverie utopique ferait le jeu desforces conservatrices au moment même où elle prétend les critiquer : elle neserait que de l'idéologie, dont l'efficacité, en tant que telle, serait exactementl'inverse de celle qu'elle prétend offrir.
De telles condamnations, que résume à sa façon la définition de l'utopiecomme « rêve inutile », ont toutefois le tort de sous-estimer les apports durêve lui-même.
Sans qu'il soit nécessaire de considérer l'utopie comme untexte qui demanderait à être interprété à la façon d'une production oniriquedont s'occupe le psychanalyste, on peut admettre que l'imaginaire qui s'ydéploie a au moins l'avantage d'enseigner que la pensée possible, sur leshommes, la société ou le réel, n'est pas achevée.Paradoxalement, la critique marxiste des utopies du XIXe siècle aboutit à unequasi-contradiction : c'est au nom d'une « science » énonçant une véritédéfinitive sur ce que peut être le socialisme (et mettant ainsi fin, d'unecertaine manière, à l'Histoire) que sont dénoncées les rêveries anhistoriquesdes autres socialistes.
Et l'ironie de l'Histoire, mais réelle cette fois, et tellequ'elle a eu lieu au XXe siècle, veut que le socialisme marxiste soit finalement apparu comme aussi utopique, ou irréalisable, que les autres...C'est pour éviter que le marxisme ne se transforme précisément en dogme répétitif qu'Ernst Bloch a tenté d'ensouligner la dimension ; qu'il qualifiait lui-même d'utopique, entendant par cet adjectif qu'aucune réalisationrévolutionnaire ne pourrait jamais suffire pour satisfaire la totalité du désir humain (Bloch tient compte également deFreud).
On peut retenir de cette tentative de définition le principe selon lequel le réel est toujours décevant : end'autres termes, il doit être inlassablement repensé et réorganisé.De ce point de vue, l'utopie peut se redéfinir de manière plus positive elle désigne la relance permanente d'unepensée, lorsqu'elle essaie de se mettre à l'écoute du désir.
Le réel tel qu'il est - et, doit-on dire, quel qu'il soit - nepeut jamais satisfaire le désir.
La pensée utopique peut alors revendiquer sa dimension irréaliste comme une qualitéoffensive l'utopie est précisément ce qui entend ne jamais se contenter du donné.
Elle correspondrait ainsi, dansl'homme, à son ouverture sur un avenir dont les éléments ne sont jamais intégralement déterminés..
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