Est-il raisonnable de vouloir maîtriser la nature ?
Publié le 21/01/2004
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HTML clipboard• Vouloir maîtriser la nature humaine, c'est ainsi vouloir comprendre l'autre. Mais parce qu'il est libre, l'homme est toujours capable de faire dévier le cours ordinaire des choses, d'innover, de créer ses propres lois. Envisager la nature à laquelle il appartient en général, et une éventuelle « nature humaine « en particulier, d'un point de vue déterministe, revient donc à nier cette liberté pourtant si évidente. • Mais même si l'on considère la nature en exceptant l'homme, le projet de la maîtriser apparaît comme téméraire voire insensé. Car l'homme ne doit pas faire tout ce qu'il peut. Maîtriser les phénomènes au point de pouvoir les recréer de façon complètement artificielle, peut entraîner des désastres. En témoignent les nombreuses catastrophes écologiques qui ont eu lieu au cours de ces dernières décennies.
«
II.
Le projet de maîtrise de la nature n'est raisonnable qu'à la condition d'être motivé par le respect.
• L'homme fait certes partie de la nature.
Mais sa faculté de pensée l'enexcepte et lui donne la capacité de la comprendre : « L'homme n'est qu'unroseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant (...) parl'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensée,je le comprends » (Pascal, Pensées).
L'homme n'est qu'unroseau, le plus faibledes roseaux, maisc'est un roseaupensant.
(Pensées)
On retrouve dans cettephrase le thème pascalien dela misère de l'homme, faiblecomme un roseau parce quemortel, et de la grandeur del'homme parce qu'il dispose dela raison.
Cette nouvelle vision que l'homme a de lui-même a pour principales originesles découvertes scientifiques qui mettent ou mettront bientôt la nature à ladisposition de l'homme, croit-on, ainsi que l'enseignement de nombreuxpenseurs et philosophes modernes qui ont mis en évidence les spécificitéshumaines.
Comme le souligne Pascal dès l'âge classique, l'homme n'est que leroseau "le plus faible de la nature" mais il est "pensant".
Ainsi, grâce à lapensée, pure virtualité, de son infériorité l'homme tire sa grandeur.
On observe alors une double spécificité del'homme : il est inférieur par son manque d'instinct et ses faibles prouesses physiques, mais la conscience qu'il a delui-même, de sa mortalité, de l'univers et de sa propre infériorité le place définitivement au-dessus de l'Univers quil'écrase.
Ainsi, même lorsque certains animaux semblent faire preuve d'un comportement humain, ils ne répondentqu'à un instinct déterminé, admirable certes, mais qui ne repose pas sur aucun projet qu'ils aient eux-mêmesélaboré.
L'homme étant le seul animal à pouvoir conceptualiser des pensées abstraites inactuelles, et donc le futuret ses éventualités, il est le seul à pouvoir employer une technique consciemment finalisée, à partir d'éléments quine sont pas forcément disponibles dans la nature.
Ainsi un castor construira certes un barrage de manièreadmirable, mais sera incapable d'avoir l'idée de fabriquer une ampoule - ou son équivalent - pour l'éclairer.
L'hommeest également le seul animal à se "révolter" contre la nature, ce dont aucun autre être naturel n'aurait l'idée : enfixant des conventions mondaines, un savoir-vivre, l'homme ne bride-t-il pas ses impulsions naturellesvolontairement ? La préciosité des manières exprime tout aussi bien le refus de s'abandonner passivement audéterminisme des caractères et des situations.
La liberté humaine trouve une illustration dans le recours auxartifices, par lesquels l'homme tente de s'arracher aux données naturelles.
Ainsi, les hommes qui prônent la protection de la nature, et affirment l'infériorité de l'espèce humaine par rapport àelle, se fourvoient à leur insu dans un étrange paradoxe : en se croyant investi d'une mission protectrice à l'égardde la nature, l'homme reste ainsi prisonnier du fantasme anthropocentrique de supériorité par rapport à la nature.L'homme ne peut s'auto proclamer protecteur de la nature tout en refusant d'assumer une position supérieure parrapport à celle-ci.
On peut donc penser que les écologistes ne défendent pas tant la nature qu'un certain ordre dumonde dans lequel l'homme continue d'occuper la place dominante.
Cette attitude est cependant intéressante carelle illustre la conscience unique qu'a l'homme de son environnement dans son ensemble, ainsi que de sa fragilité,vision généraliste qu'aucun être vivant ne partage avec lui.
Ce faisant, l'homme est également le seul à tenter de sesituer dans et par rapport à l'univers dans lequel il vit, et donc à opérer une distanciation par rapport à ses besoinsimmédiats.
La situation de l'homme dans la nature est donc très difficile à appréhender : inférieur, supérieur, égal ou absent ?Concernant ce dernier point, on ne peut nier que la majeure partie des activités de l'homme est rendue possible etinfluencée par son corps, une "machine", comme disait Descartes, au fonctionnement similaire a celui des animaux.L'influence biologique est donc trop importante pour détacher totalement l'homme de la nature à qui il doit ce corps.
On peut donc penser que l'homme a une place dans la nature, le tout étant de savoir laquelle ! La fragilité physiquede l'homme et son manque d'instinct, particulièrement celui de conservation, l'empêchent d'occuper un rang plusélevé que celui des autres animaux.
Il est en effet incontestable que l'homme ne semble pas être l'espèce la mieuxplacée pour perdurer à long terme et, malgré ses formidables capacités d'adaptation, son extinction arriveraprobablement bien avant celle d'autres espèces mieux "armées" pour survivre.
Ainsi, l'homme occupe bel et bien uneplace particulière dans la nature : celle d'inférieur.
Mais de cette même situation d'infériorité découle la grandeur del'homme : confronté à sa faiblesse physique, il n'a très tôt eu d'autre recours que de développer son psychisme etsa ruse.
L'arme principale de l'homme dans la lutte pour la survie est ce qui ne doit rien à personne d'autre qu'àl'homme lui-même : le recours aux artifices.
L'homme naturel occupe une position d'infériorité dans la nature, maisaidé par l'homme psychique, il devient capable d'appréhender cette nature, de l'étudier et la comprendre, pourfinalement la dominer.
• Vouloir maîtriser la nature humaine, c'est ainsi vouloir comprendre l'autre.
Mais parce qu'il est libre, l'homme est.
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