Est-il raisonnable de lutter contre le temps ?
Publié le 06/09/2004
Extrait du document
Est a priori ce qui est indépendant de toute expérience. « Le temps n'est pas un concept discursif, ou, comme on dit, un concept général, mais une forme pure de l'intuition sensible. « Kant, Critique de la raison pure, 1781. « Je ne suis pas dans l'espace et dans le temps, je ne pense pas l'espace et le temps; je suis à l'espace et au temps, mon corps s'applique à eux et les embrasse. « Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945. « L'étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance. « Lagneau, Célèbres Leçons et Fragments, 1950 (posth.) « C'est l'homme tout entier qui est le temps incarné, un temps à deux pattes, qui va, qui vient et qui meurt : aussi l'homme n'a-t-il aucune prise sur le temps; nous ne pouvons que substituer au temps ce qui n'est pas lui, le confondre avec ces compteurs sociaux que sont les horloges et les calendriers. « Jankélévitch, Quelque part dans l'inachevé, 1978.
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Pour Nietzsche, l'idée qu'il faille luter contre le temps est symptomatique d'une vie pauvre en volonté.
En effet, lutter contre le temps n'a de sens que parce que l'on déplore notre finitude et que l'on est incapable d'assumer que rien ne dure.
Alors nous dit Nietzsche, on invente le royaume des idées ou celui d'un paradis où la vieest éternelle parce que l'on ne dispose pas de suffisamment de ressources pour faire face au monde fuyant quicaractérise le réel et le présent.
En effet, le monde se caractérise par le devenir, qui est mouvement, changement, glissement incessant d'instants se succédant, de sorte que toute pensée d'un monde autre est nécessairement une illusion visant àconsoler les natures faibles du monde tel qu'il est ; on peut dire ainsi que c'est un désir d'impossible qui motive toute lutte contre le temps .
Il n'est donc pas raisonnable de lutter contre le temps : cela reviendrait à annuler ce qui caractérise la vie, à vouloir le rien.
[Transition] Mais on voit alors que le temps est aussi indissociable d'une certaine manière qu'a la subjectivité d'appréhender la réalité davantage que quelque chose existant hors de nous et se dérobant à notre volonté.
Sicomme le pensent les stoïciens, nos représentations sont les seules choses absolument en notre pouvoir, ne peut-on alors lutter contre le temps, non pas en construisant l'illusion d'un monde idéal échappant à toute corruption,mais en travaillant à modifier le sentiment que nous avons à son égard ?
2- IL EST RAISONNABLE , ET MÊME SOUHAITABLE , DE LUTTER CONTRE LE TEMPS
a) contre le fatalisme
Mais avant d'examiner en quoi consiste ce travail personnel et intime nous permettant de lutter contre une représentation tragique du temps, il convient d'abord de remarquer en quoi il est nécessaire de faire droit à l'idéed'une lutte du temps comme raisonnable.
En effet, si le temps était absolument hors de notre pouvoir, si, vraiment,il est impossible d'agir sur lui, quel sens y a-t-il encore à vouloir ou espérer dans l'avenir ? Si ce qui doit arriverarrive ( = fatalisme, doctrine selon laquelle tout est réglé d'avance par les dieux qui décident à notre place de notredestin), autant ne rien faire.
Voilà pourquoi il semble nécessaire de ne pas faire de la lutte contre le temps uneconduite déraisonnable et absolument vaine.
b) le temps est subjectif : lutter contre lui ou contre la pensée de la mort ?
C'est souvent dans la vieillesse, à l'approche de la mort que la volonté de lutter contre le temps est à son comble : en effet le temps ici se fait meurtrier : le néant est ce qui attend chacun.
Aussi, le moyen le plus raisonnable pour lutter contre le temps semble être la réflexion d'Epicure selon laquelle la mort n'est rien pour nous : l'angoissante idée du néant, de nous même n'existant plus, n'a pas à être sourced'angoisse puisque ne plus être = ne plus penser ni même sentir.
La mort n'étant réellement rien, la recommandationd'Epicure est célèbre : « carpe diem », dit-il, « cueille le jour ! »
Transition :
Le temps n'est destructeur, non pas en lui-même, mais parce que nous l'éprouvons comme tel.
Lutter contre letemps est donc une attitude raisonnable pour autant qu'elle nous délivre de l'angoisse de mourir, de la peur dunéant.
Finalement, à la pensée selon laquelle le temps est destructeur, non pas par essence, mais parce que nous lepercevons ainsi, ne faut-il pas aller plus loin et montrer que la manière la plus efficace et complète de lutter contrele temps ( = abolir totalement cette pensée d'un temps corrupteur et effrayant) est encore de se concentrerexclusivement sur son aspect créateur ?
3- LE TEMPS EST -IL UN ENNEMI (= ESSENTIELLEMENT DESTRUCTEUR ) ?
Que le temps soit fuite ou passage, nul ne saurait le nier.
Pourtant, il y a dans ce passage, comme le montre Aristote (I-1) engendrement , génération.
L'intérêt de la pensée bergsonienne est précisément d'avoir mis l'accent sur cet aspect souvent ignoré de l'écoulement du temps.
Pour Bergson, non seulement le temps est subjectif, mais il est aussi créateur.
En effet, lesdébut de l'évolution créatrice explique que nous avons tendance à découper le temps en parties extérieures et imperméable les unes aux autres de telle sorte que le temps peut être divisé selon un avant et un après.
Un teldécoupage est pratique au sens d'utile à l'action.
Mais pour Bergson, cette géométrisation du temps éludel'essentiel : la durée.
La durée se caractérise par une interpénétration mutuelle de chaque instant, coexistence desparties retenues par la conscience.
Ce faisant, le temps n'est pas d'emblée une entité mathématique pouvant êtresoumis à une mesure objective.
Cette subjectivité essentielle du temps et le fait que le temps est indissociable d'une histoire personnelle, individuelle, permet à Bergson d'argumenter en faveur d'un temps créateur : rien ne se reproduit jamais deux fois àl'identique contrairement au postulat de la science et au principe de causalité qui soutient le prévisibilité desphénomènes (une cause donnée, l'effet s'ensuit nécessairement, partout et toujours).
Pour moi, chaque chose est.
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