Est-il raisonnable de croire au libre arbitre ?
Publié le 06/09/2005
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Deux question : a) N'avons-nous que l'argument d'introspection pour justifier l'admission du libre-arbitre ? b) Que vaut, sur le plan de cet argument, l'affirmation déterministe qui sert de sujet à la dissertation ?
REMARQUES PREALABLES. I. — Nous supposons définitivement écartée la confusion assez grossière, commise fréquemment par certains débutants en philosophie, entre la liberté au sens psychologique et la liberté au sens moral et social. La seconde répond à la question : « Avons-nous le droit de faire ceci ou cela ? « (« je suis -libre de dire mon avis «, etc.) la première se demande si telle ou telle de nos actions a été amenée par une sorte de nécessité intérieure (poussée de notre hérédité, de notre subconscient, etc.). II. — Soutenir l'existence de la liberté n'est pas prétendre que notre volonté ne subit pas des pressions plus ou moins fortes (du tempérament, des habitudes, de la vie sociale, etc.). Elle n'est pas une divinité olympienne, étrangère à nos conflits (« liberté d'indifférence « de certains auteurs). Cependant, on peut penser qu'en dehors de certains cas relativement rares (troubles mentaux d'une certaine nature, passion brutale, émotion intense) nous pouvons infléchir notre pensée et notre conduite en échappant à la contrainte des facteurs internes ou externes (« liberté d'indétermination «, à ne pas confondre avec la précédente). Ceci posé, voyons sur quoi repose la croyance à la liberté, en exposant les arguments classiques, dont l'un au moins (le premier) est généralement ignoré, passé sous silence, ou déformé. Soit : 1) Preuve rationnelle par la liberté du jugement pratique; 2) Preuve d'introspection; 3) Arguments moraux.
«
morales, etc.) ? Certains auteurs le nient et prétendent que cette méthode est sans valeur (Taine).
D'autres nefont appel qu'à elle (les pragmatistes).
En réalité, cette argumentation n'est pas suffisante, elle ne porte pas surl'essentiel (vérité ou fausseté intrinsèque d'une théorie) mais elle est néanmoins légitime dans la mesure où onadmet que la philosophie ne doit pas être séparée de la vie, qu'il n'y a pas une vérité pour le philosophe et unevérité pour l'ensemble du genre humain.
D'où :
a) Point de vue positif : existence des conseils (il ne s'agit pas de suggestionner brutalement) ; s'engager àaccomplir telle ou telle action plus tard (contrat commercial, engagement militaire, mariage, vœu religieux, etc.).Tout ceci suppose l'admission d'un minimum de liberté pour pouvoir résister aux obstacles internes ou externes quipeuvent surgir dans l'avenir.
b) Point de vue négatif : Si nous ne sommes pas libres, nous ne sommes pas responsables de nos actes.
Ceci enlèvetout fondement moral aux sanctions (punitions ou récompenses).
Celles-ci ne subsistent plus qu'à titre de dressage: c'est la destruction de la moralité.
Or,, on peut prouver par ailleurs que la morale est, en droit, quelque chosed'essentiel à cet animal raisonnable qu'est l'homme.D'ailleurs, les déterministes, en tant qu'hommes, ne se font pas faute de faire des reproches moraux à autrui.
Deplus, Mac Dorgall a insisté sur les méfaits pratiques des conceptions déterministes d'esprit matérialiste diffusées, auxU.
S.
A.
par le journal, la radio, etc..., en fait de criminalité (indulgence excessive de l'opinion et des juges, etc.).
Application de ce qui précède à la question posée : Nous voyons dès lors que la croyance au libre-arbitre repose sur tout autre chose que l'ignorance de nos motifs d'action.
Nous allons nous en convaincre en observant de plusprès la difficulté.Celle-ci, formulée par plus d'un auteur déterministe (Spinoza en particulier) est, tout d'abord, gratuite.
Elle consisteà dire : « Si vous vous croyez libre, c'est parce que vous ne saisissez pas les facteurs cachés de votre action.
»Mais, par définition, puisque ceux-ci sont cachés, comment parler d'eux ? Plus précisément : cette objection neconstitue pas, en réalité, une réfutation de la croyance au libre-arbitre : elle est une application du déterminismequ'on suppose déjà valable par ailleurs : Si le monde psychique, comme le monde matériel, est régi par undéterminisme strict, la croyance à la liberté ne peut être qu'une illusion, avant tout examen On tâchera donc de laliquider, de l'expliquer comme on pourra.
Mais que vaut, précisément, le déterminisme absolu et universel ? De bonsphilosophes, et de nombreux savants, se refusent à l'accepter (sans pour cela nier l'existence des lois scientifiques,ni même de « lois » psychologiques en un certain sens).
En tout cas, soulignons l'attitude qui consiste à préférerune hypothèse (le déterminisme absolu) à une donnée immédiate (l'intuition de la liberté).
Elle nous paraîtirrationnelle.Ajoutons que, si l'objection était fondée, nous devrions nous croire d'autant plus libre que nous avons moinsconscience de nos motifs d'action.
Or, s'il est un fait, c'est bien la solidarité entre notre lucidité introspective, lasaisie de nos motifs, et la conscience de choisir librement.
Loin de s'opposer, ces deux éléments sont, en un sens,en raison directe l'un de l'autre.Une difficulté spéciale est tirée de l'hypnotisme.
Elle a eu grand succès dans certains milieux, surtout au XIXe siècle: le sujet hypnotisé se croirait libre, tout en étant mû par une force invincible.Cet argument nous paraît extrêmement contestable.
Signalons d'abord que certains psychiatres mettent en doutel'existence même de l'hypnose, comme état distinct de la simple suggestion Exemple : « II n'y a pas d'hypnotisme.
Ilpeut se présenter trois possibilités, et trois seulement : ou le sujet ne dort pas, et simule consciemment le sommeil;ou bien il s'assoupit et s'imagine avoir dormi; ou enfin il finit par s'endormir réellement » (Dr Hartenberg).
« Un jeu desociété, l'hypnose n'est guère plus autre chose; c'est à ce rôle que l'ont réduite progressivement la critique pluspénétrante et l'expérience mieux informée des médecins » (Dr Logre).
Il y aurait bien d'autres témoignagesanalogues à citer.Au surplus, même si l'hypnotisme était une réalité, il faudrait se demander si le sujet hypnotisé a vraiment l'illusionde la liberté; ou s'il est encore vraiment libre, quoiqu'influencé; ou s'il a conscience d'obéir à une force surpassant lasienne (dans ce cas, il n'y aurait pas illusion de liberté).
Là-dessus, on a discuté abondamment (Beaunis, Richet,Ribot) et on discute encore, preuve que rien de certain ne peut être tiré de ces expériences pour la question quinous occupe.Enfin, si même il y avait dans ce cas exceptionnel et anormal, croyance non fondée à la liberté, on n'auraitaucunement le droit d'en tirer argument contre la généralité des actes psychiques normaux, pas plus qu'on ne prendprétexte de l'existence des malades ou des aliénés pour nier l'existence de la santé physique ou mentale.
Concluonsdonc que l'assertion déterministe n'est pas fondée..
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