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Est-il possible d'expliquer l'oeuvre d'art ?

Publié le 22/02/2012

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Dans notre société actuelle de biens de consommation, tout objet se vendant cher dans une galerie est estimé comme une oeuvre d'art, c'est-à-dire comme expression plastique ou physique de la beauté même: en effet notre société de consommation a pour échelle de valeur celle de son porte-monnaie. Ce n'est plus l'idée de beau que l'on recherche à travers l'art mais en tant qu'incitation à la réflexion de l'esprit. L'art n'est plus esthétique mais philosophique ; il a une orientation cognitive, et la valeur de l'objet d'art réside bien plus dans le rôle qu'il a joué dans (et pour) l'histoire que dans le jugement esthétique que l'on pourrait en avoir. Il devient donc important de se poser la question : Peut-on expliquer une oeuvre d'art ? En a-t-on la capacité, dans quels domaines ? En a-t-on seulement le droit ? Ainsi nous verrons tout d'abord en quoi il est possible d'expliquer le pourquoi d'une oeuvre d'art : la dimension historique de l'oeuvre, le contexte dans lequel elle s'inscrit…mais est-ce le seul domaine où une part d'explication est possible ? Nous aborderons par la suite l'explication de la forme que prend l'oeuvre : le travail technique réalisé avant sa constitution, la symbolique, les règles des différents mouvements artistiques…mais qu'en est-il du fond de l'oeuvre, de son sens profond : peut-on l'expliquer ? En a-t-on seulement le droit ? Nous terminerons donc par la notion de mystère qui entoure une oeuvre d'art et nous verrons que l'expliquer, c'est en quelque sorte la démystifier : dès lors, même si l'explication est possible, ne vaut-il pas mieux laisser une place à l'interprétation personnelle plutôt que de figer le sens en le considérant pour vrai ? La notion de paradigme qui fait avancer la science s'applique-t-elle également à l'art ?               Expliquer, c'est faire connaître les raisons. Dès lors, expliquer une oeuvre d'art, c'est en transmettre la dimension historique : une oeuvre sortie de son contexte perd de son sens, l'oeuvre a pu subir des modifications au cours de l'Histoire… et ces notions sont, pour la plupart du temps, connues.

« En musique également, l'oeuvre peut subir des altérations au cours du temps : au-delà même du changementd'auditoire qui écoute avec l'oreille de son époque, d'autres modifications peuvent survenir.

En effet, il est courantque les éditeurs de partitions de musique apportent quelques retouches par rapport à l'original.

Ces retouchespeuvent être rythmiques ou mélodiques ou pire encore : il arrive que l'auteur place des nuances à exécuter, desappoggiatures, des liaisons qui figent dès lors l'interprétation, caractère essentiel d'une oeuvre.

Si toutes lesinterprétations étaient figées par avance, alors le métier de concertiste n'aurait plus lieu d'être et seul celui decompositeur serait valable : le charme de l'inédit d'un concert se perdrait et on ne pourrait plus parler de boninterprète.

Au-delà des modifications musicales, on peut également trouver des modifications plus techniques.

Cen'est pas par simple caprice de diva que Callas ou Montserrat Caballé ont pu se plaindre de la montée du diapasonde l'orchestre.

Dans la Reine de la Nuit , sommet s'il en est de l'euphorie lyrique, il faut savoir que lorsque Mozart écrivit La Flûte enchantée , le diapason de l'orchestre s'établissait à 404 hertz.

Or celui-ci, évolution du goût et des technologies oblige, est aujourd'hui de 445 hertz ; que la soprano tienne pendant 10 secondes le contre-fa que toutamateur attend, ses cordes vocales subissent alors 1300 vibrations de plus qu'en 1791.

La fatigue vocale qui enrésulte est alors indéniable.

Tout bon commentaire de cette oeuvre se doit d'aborder ces modifications. Nous avons donc pu déceler l'importance du contexte historique de la création d'une oeuvre, puis celle desmodifications qu'elle a subi pour nous parvenir.

Mais pour aborder objectivement un tableau, ne faut-il paségalement prendre en compte le contexte de la création de l'oeuvre ? L'état d'esprit dans lequel elle a été exécutéeavant de tenter toute interprétation ? Le contexte en lui-même de la création de l'oeuvre présente également un intérêt : un grand décalageexiste entre une peinture faite sur commande et une oeuvre exécutée par goût de l'artiste.

Prenons l'exemple despeintures du XVème siècle : pour la plupart, elles sortent d'ateliers et sont faites selon le goût du client : il ne s'agitgénéralement pas de paysages mais du client lui-même ou bien de portraits de personnes qui lui sont chères.

Seulsles artistes ayant trouvé un mécène étaient plus libres dans leurs oeuvres.

Quant aux autres, c'était le client quidemandait que tel ou tel objet soit peint et il ne laissait à l'artiste que le soin de représenter le plus fidèlementpossible la réalité.

Fut-ce à cause de l'avènement de la reprographie puis de la photographie que l'art devint pluslibre dès le XIX siècle avec le mouvement impressionniste ? Toujours est-il que les artistes ont peint plusouvertement des sujets plus différents et à leurs goûts, privilégiant la nature.

Le besoin de représenter fidèlement laréalité ne se faisait alors plus sentir : la photographie s'en chargeait.

Ce tournant décisif dans l'histoire de lapeinture est très important en ce qui concerne l'interprétation des oeuvres d'art : il ne convient pas d'évoquer unepart d'inconscient de l'artiste révélée dans une peinture de chevalet d'une école flamande du XV siècle ! En effet :ces peintures étaient réalisées par plusieurs personnes : maîtres et élèves ; elles étaient de plus structurées paravance et rien n'est « improvisé ».

Il n'y a donc dès lors aucune place pour une révélation de l'inconscient desartistes.

Au contraire, l'art moderne actuel laisse une part beaucoup plus grande à l'imagination de l'artiste : celui-ci peut en effet comme Nikki de Saint-Phalle, envoyer selon son humeur sur une toile blanche des oeufs decouleurs : il est alors tout à fait possible de se poser la question du pourquoi cette couleur à tel endroit… Il convientdonc, avant de tenter une interprétation ou une explication d'une oeuvre d'art, de s'assurer du contexte de créationde l'oeuvre, de sorte qu'elle soit justifiée. Ainsi, le contexte historique dans lequel s'inscrit la création d'une oeuvre, le contexte pluspersonnel de l'état d'esprit dans lequel l'artiste l'a créée, et enfin les modifications que l'oeuvre a subies jusqu'à nousparvenir sont décelables et explicables la plupart du temps grâce à la science.

On peut dès lors expliquer ladimension historique d'une oeuvre.

Mais une oeuvre d'art ne se réduit pas à sa dimension historique.

Dès lors, y a-t-il d'autres aspects explicables ? Au niveau de la technique ? Au niveau de la symbolique ? Expliquer, c'est établir les étapes et la technique de l'élaboration.

En effet, au-delà de la dimensionhistorique, on peut retracer les étapes et la technique utilisées pour l'élaboration d'une oeuvre d'art. Une oeuvre d'art, et plus particulièrement un tableau recèle en effet des « clés » qui permettent deretracer les étapes de son élaboration.

Une fois de plus, ces clés sont décelables grâce à l'analyse scientifique dutableau.

Prenons l'exemple de la Prédiction de Saint Etienne de Victore Carpaccio.

Grâce à une analyse par réflectographie infrarouge, les chercheurs ont pu mettre en évidence le tracé du dessin sous-jacent.

Au niveau dudessin de la plupart des vêtements étaient lisibles en tout quelques 35 inscriptions sous-jacentes telles que« ruxene » qui veut dire rouille sur le chapeau du personnage au milieu gauche de la composition, ou encore « roxetaganzante azuro » qui veut dire rose se muant en bleu.

La découverte de ce type d'inscriptions a permis de tirer desconclusions quant à la répartition du travail au sein de certains ateliers : un maître effectuerait le dessin etlaisserait à ses apprentis le soin de peindre ? Il est important de savoir en abordant un tableau quel en fut l'auteuret le réalisateur, surtout si ce sont des personnes différentes.

Ce caractère intervient nécessairement dansl'explication d'une oeuvre. L'analyse scientifique d'un tableau permet également de détecter les matériaux employés grâce notamment àl'analyse par rayons X.

Par étude du spectre de masse obtenu en comparaison avec les masses molaires desmolécules connues, on arrive à établir les molécules utilisées par l'artiste dans son vernis par exemple, et ainsi enretrouver la composition.

Il en va de même pour les pigments.

La microphotographie et la stratographie permettentégalement de retrouver l'ordre de pose des pigments : donc les étapes de l'élaboration d'un tableau.

Cette. »

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