Est-il nécessaire de travailler pour vivre ?
Publié le 14/02/2005
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Analyse des termes du sujet :
- Est-il nécessaire : La question porte sur la nécessité du travail, c’est-à-dire sur son caractère incontournable et inéluctable. Est nécessaire ce qui ne peut ne pas être. Formulé autrement : Est-ce que l’on peut se passer du travail pour vivre ou bien est-ce un besoin impérieux auquel on ne peut échapper ?
- Travailler : Action d’effectuer un travail, action en vue d’obtenir un résultat. La racine latine du mot travail est trepalium, instrument de torture. Cette notion est vaste et évolue selon les époques historiques. Le travail définit un large panel d’activités humaines socialement rentables : il peut désigner une activité professionnelle rémunérée autant que l’apprentissage de l’écolier. C’est une activité qui transforme la nature et qui est productrice de valeur. Elle joue un rôle économique et social en tant qu’elle met les hommes en relation. Le terme « travail « est donc problématique en soi : puisqu’il désigne plusieurs activités sociales, on peut s’interroger sur sa signification propre, qui varie selon son sens, c’est-à-dire en fonction de ce qui est entendu par ce mot. Il s’agit donc de définir plus précisément ce concept au cours de l’analyse.
- vivre : Ce terme concerne l’existence en général, le fait d’être vivant. Cependant il faut distinguer vivre et bien-vivre. Le premier terme renvoie à un type d’existence animale qui cherche à satisfaire les besoins primaires pour préserver de la mort. Le second dépasse le stade du vivre en lui donnant une dimension humaine. L’être humain ne se contente pas d’échapper à la mort, il transcende ce caractère animal en cherchant à améliorer sa condition, à évoluer, à créer etc. Le bien-vivre s’inscrit dans le cadre d’une évolution de l’humanité.
Problématique :
Le problème de cette question est directement lié à la question du bien-vivre. La nécessité du travail concerne la liberté de l’homme, la réalisation de son caractère d’homme, l’évolution et le progrès de l’humanité en générale. On peut se demander si travailler est une activité indispensable à l’homme pour vivre en tant qu’homme, c’est-à-dire pour devenir homme. Peut-on concevoir un monde sans travail ou le travail reste-t-il un modèle indépassable ?
«
C'est dans « Aurore », dans un paragraphe intitulé « les apologistes du travail », que Nietzsche déclare que le travail constitue la meilleure des polices.
On connaît Nietzsche par ses attaques contre la religion et la morale, par son projet de création de nouvelles valeurs, mais on oublie souvent sacritique de la société de son temps, société du commerce, du travail, de cel'on nommera « culture de masse ».
Dans une optique strictement opposée au socialisme, méprisé par Nietzsche , il s'agit d'une dénonciation en règle du nivellement des valeurs, de la promotion de la médiocrité.
« Dans la glorification du travail, dans les infatigables discours sur la‘bénédiction du travail', je vois la même arrière-pensée que dans les louangesadressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de toutce qui est individuel […] on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matinau soir - qu'un tel travail constitue la meilleure des polices. »
NIETZSCHE comprend la société de son temps (mais la nôtre correspond à ses analyses) comme celle du culte de l'activité, du travail, du commerce.Derrière cette boulimie d'activité se cache toujours le même but : la sécurité« et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême ».
Or le danger, pour la foule, réside toujours dans l'individualité.
Le travail etson culte imposent une fatigue telle, une dépense d'énergie, si immense, quetoute cette force est soustraite « à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour, à la haine, il présence constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. »
La sécurité, c'est la routine et le nivellement.
Le gaspillage des forces à des buts mesquins au lieu d'une pensée durisque.
Le monde moderne est l'anti « il faut vivre dangereusement ».
Le travail et le commerce imposent le manquede distinction entre les choses, les activités et les valeurs, l'incapacité à s'affirmer par soi-même et la nécessité detout juger selon autrui.
Or tout cela signifie refuser l'individu, l'individualité, tout ce qui est grand ou seulement soi-même.
« On assiste aujourd'hui […] à l'apparition de la culture d'une société dont le commerce constitue l'âme tout autantque la rivalité individuelle chez les anciens Grecs et que la guerre, la victoire et le droit chez les Romains. »
Les sociétés antiques étaient des sociétés antagonistes, polémiques, où l'on se battait pour s'affirmer, se faire valoircomme individualité.
Le monde moderne est un monde de commerçants et de travailleurs.
Le commerçant est celui qui taxe « d'après les besoins du consommateur, non d'après ses propres besoins les plus personnels ».
Cela est d'autant plus dramatique que ce type d'estimation est appliqué à l'art et aux sciences, à la politique.
« A propos de tout ce qui se crée, il s'informe de l'offre et de la demande, afin de fixer pour lui-même la valeur d'une chose. » C'est abaisser toute création au rang de marchandise, tout fruit de la culture à celui d'objet de vente, toute réussite d'un individu à une valeur d'échange.
Le travailleur est celui qui s'abêtit en gaspillant ses forces au lieu de se former lui-même, de devenir une œuvre Dès« Aurore », NIETZSCHE voyait le modèle de la société moderne dans la culture américaine, une non-culture en vérité, une « sauvagerie » dans l'aspiration à l'or et la frénésie au travail.
Les textes sont on ne peut plus explicites et scandent la mort de la haute culture, de l'individu, de la méditation etde l'art.
« On a maintenant honte du repos et on éprouverait presque un remords à méditer […] Car la vie, devenue chasseau gain, oblige l'esprit à s'épuiser sans trêve au jeu de dissimuler, duper […] la véritable vertu consiste maintenant àfaire une chose plus vite qu'une autre […] le goût de la joie s'appelle déjà ‘besoin de repos'. » (« Gai Savoir », $329).
Le culte du travail et la valorisation de l'argent imposent une activité continuelle : on se détermine face à autrui ens'oubliant, et le loisir ne peut plus être ce qu'il signifiait pour les Grecs, « le temps libre », mais seulement l'indice de la nécessité du repos.
Nul rapport véritable à soi—même et encore moins aux autres n'est possible dans une tellesociété.
Cette société est régie par la nécessité, cad par l'absence de distinction et de reconnaissance.
« On veut vivre et l'on doit se vendre, mais on méprise celui qui exploite cette situation inévitable et qui achète l'ouvrier. »
Mais elle est surtout une incompréhension de ce qu'est le travail véritable, cad celui par lequel on se forme.
Pour leshommes modernes « le travail leur est un moyen, il a cessé d'être un but en lui-même ; aussi sont-ils peu difficiles dans leur choix, pourvu qu'ils aient de gros bénéfices […] Chasser l'ennui à tout prix est vulgaire, comme de.
»
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