Est-il légitime de parler d'un pouvoir technique ?
Publié le 05/09/2005
Extrait du document
Le pouvoir technique, c'est la possibilité de manifester une puissance à partir de la manipulation d'outils et d'instruments. En ce sens, la technique me permet de maîtriser la nature et d'exercer sur elle une action visant à la transformer afin d'améliorer les conditions de vie , Pourtant, la technique, si elle est un savoir faire, un savoir appliqué, est avant tout un savoir, un ensemble de connaissances qu'elle peut tenir de la science ou de l'expérience. Réduire la technique a un pouvoir, c'est ne voir que son côté instrumental, non sa dimension intellectuelle. De même, si la technique n'est qu'un pouvoir, alors notre pouvoir se mesure à la réussite d'une action. Or la technique nous pousse aussi des problèmes moraux. Elle nous oblige à nous poser la question " que devons nous faire ? " et pas simplement " que pouvons-nous faire ? ". C'est le passage du fait au droit.
La question ne porte pas essentiellement sur les pouvoirs de la technique, ni sur la légitimité de ses pouvoirs : on serait hors sujet si l'on ne considérait que ces points. La réflexion doit être centrée sur la légitimité d'une expression ; en effet, on parle couramment des « pouvoirs des la technique «, pour s'en réjouir ou s'en inquiéter, et il faut ici se demander si une telle formule a un sens, si elle est justifiée, si l'on a raison de l'utiliser.
«
D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.
La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature.
Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre.
Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».
« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.
Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui luiappartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »).
Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.
C'est ce qu'a fait la métaphysique cartésienne, en établissant une différence radicale de natureentre corps & esprit.
Ce qui relève du corps n'est qu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.
De même en assimilant les animaux à desmachines, Descartes vide la notion de vie de tout contenu.
Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, à tomber.
Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.
La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».
Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.
« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit lechercher. »
La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.
Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».
La science n'a pas d'autre but.
Remarque Le mythe grec de Prométhée permet de penser que les hommes ont toujours considéré l'acquisition des techniques, même artisanales, comme celle d'un pouvoir qui participe un peu de la puissance divine.
En donnant auxhommes le feu et les techniques dérobées aux dieux, Prométhée ne leur donne-t-il pas du même coup les moyens derivaliser avec leur puissance ?
2.
Les techniques comme moyens
Le pouvoir du technicien
• L'analyse de Descartes montre clairement que l'expression « Les pouvoirs de la technique » désigne en fait lespouvoirs du technicien, de celui qui invente et utilise les techniques rationnelles.
Celles-ci sont un ensemble demoyens qui permettent à l'homme de serendre comme maître et possesseur de la nature ».
Les connaissances scientifiques sont ainsi « fort utiles » pour luiqui, en les appliquant, développe toujours sa propre puissance.
Réapparaît alors le rêve prométhéen, le désir des'arracher aux limites de la condition humaine en devenant finalement, comme Dieu, maître de la nature.
Le pouvoir de la nature• Mais « la maîtrise technique de la nature par l'homme » n'est-elle pas encore une simple manière de parler ?Les pouvoirs du technicien sont-ils autre chose que les pouvoirs de la nature elle-même ?Descartes écrit que c'est « la force et les actions du feu, de l'eau », etc.
que « nous pourrions employer [...] à tousles usages auxquels ils sont propres ».
Les techniques rationnelles utilisent les mécanismes naturels dont lessciences formulent les lois ; elles ne créent pas ces mécanismes dont elles tirent leur efficacité.
Le pouvoir industriel et économique
• Les techniques qui nous entourent ne peuvent être comprises indépendamment des révolutions industrielles quigénéralisent peu à peu le machinisme.
L'apparition de la machine-outil à la fin du XVllle siècle inaugure une manièrede produire dont les effets se font toujours sentir.
La machine à vapeur, puis les moteurs à énergie transformée,mettent à la disposition de la production une énergie qui remplace peu à peu la force musculaire.
Mais cetteapparition des machines est contemporaine d'un mode social de production, le capitalisme..
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