Est-il facile de penser librement ?
Publié le 05/03/2005
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Ainsi, si l'Océania déclare la guerre à l'Estasia alors que deux jours avant elle était en paix avec cet État, les autres membres du Ministère de la Vérité où travaille Winston, devront s'assurer que plus aucune trace écrite n'existe de l'ancienne alliance avec Estasia. Or, Winston a pu trouver dans sa chambre un petit coin qui échappe à la surveillance des caméras, un angle mort, et en profite pour tenir un journal intime. Dans ce journal, il peut écrire que la liberté consiste à pouvoir penser que « 2+2=4 «. Nos pensées semblent donc être notre dernier retranchement face au totalitarisme : rien ne peut les contrôler. C Transition : Pourtant, aux côtés de Winston, on voit d'autres personnages qui reconnaissent, sur demande expresse du parti, que 2+2=5, et Winston lui-même, à la fin du roman, finit par le reconnaitre sous la torture. Est-il donc si évident qu'il y parait que nos pensées sont libres ? II. Mais cette impression vient peut-être plutôt du fait que l'aliénation de la pensée est difficile à percevoir. A. Spinoza, dans sa célèbre Lettre à Schuller nous explique que la liberté est une illusion, et rend compte du processus de cette illusion par une comparaison : celle de l'homme avec une pierre.
La pensée est l’activité propre à la conscience de tout un chacun. Elle nous concède une certaine liberté grâce à son indépendance. Je pense est l’expression même de notre liberté, personne ne peut penser pour nous. Cependant notre pensée ne se construit elle pas à partir de notre éducation? Cette éducation d’est elle pas issue du faits d’influences extérieures? Comment puis je clairement déterminer les pensées qui me sont propres et celles qui me sont dictées dan un conditionnement que je ne puis maîtriser? Suis je facilement maître de mes propres pensées?
«
Bretagne postérieure à une guerre nucléaire entre l'Est et l'Ouest censée avoir eu lieu dans les années 1950, oùs'est instauré un régime de type totalitaire fortement inspiré à la fois du stalinisme et de certains éléments dunazisme.
La liberté d'expression en tant que telle n'existe plus.
Toutes les pensées sont minutieusement surveillées,et d'immenses affiches trônent dans les rues, indiquant à tous que « Big Brother vous regarde ».
Le personnageprincipal, Winston Smith a pour travail de falsifier les archives historiques afin qu'elles correspondent à l'idéald'omniscience de Big Brother.
Ainsi, si l'Océania déclare la guerre à l'Estasia alors que deux jours avant elle était enpaix avec cet État, les autres membres du Ministère de la Vérité où travaille Winston, devront s'assurer que plusaucune trace écrite n'existe de l'ancienne alliance avec Estasia.
Or, Winston a pu trouver dans sa chambre un petitcoin qui échappe à la surveillance des caméras, un angle mort, et en profite pour tenir un journal intime.
Dans cejournal, il peut écrire que la liberté consiste à pouvoir penser que « 2+2=4 ».
Nos pensées semblent donc être notredernier retranchement face au totalitarisme : rien ne peut les contrôler.
C
Transition : Pourtant, aux côtés de Winston, on voit d'autres personnages qui reconnaissent, sur demande expresse du parti, que 2+2=5, et Winston lui-même, à la fin du roman, finit par le reconnaitre sous la torture.
Est-il donc siévident qu'il y parait que nos pensées sont libres ?
II.
Mais cette impression vient peut-être plutôt du fait que l'aliénation de la pensée est difficile à percevoir.
A.
Spinoza, dans sa célèbre Lettre à Schuller nous explique que la liberté est une illusion, et rend compte du processus de cette illusion par une comparaison : celle de l'homme avec une pierre.
Imaginons une pierre qui rouleparce qu'on lui a donné un coup de pied.
Si, tout en roulant, la pierre prenait conscience du fait qu'elle roule, elle endéduirait que, si elle roule et si elle sait qu'elle roule, c'est parce qu'elle a choisis de rouler.
Peut-être en est-il demême de la pensée : sous prétexte que nous savons que nous pensons et que tout ce que nous croyons, noussommes conscients de le croire, nous nous imaginons que c'est librement que nous pensons.
B.
Pourtant, il est évident que certaines de nos pensées sont déterminées par les circonstances sociales et historiques dans lesquelles nous vivons.
C'est peut-être là le plus grand danger : c'est justement ce qui nous semblele plus naturel dont nous sommes le moins conscient.
Marx dans la Préface à la contribution de la critique de l'économie politique explique qu'il faut distinguer entre une infrastructure, qui est constituée par les modes de production historiquement déterminés (parexemple le fait qu'à une certaine époque on vit de l'agriculture, à une autreplutôt de l'industrie).
Ces modes de production, nous ne les choisissons pas :ils sont déterminés par les progrès technologiques et scientifiques.
Or, cesont ces conditions matérielles d'existences qui déterminent ce que latradition a appelé la superstructure (par opposition à l'infrastructure) : lesrapports juridiques (la propriété par exemple) mais aussi les idéologies : lareligion, l'histoire, la politique, la philosophie etc.
Tout ce qui relève de lapensée est donc déterminé par les conditions matérielles d'existence.
C'estpourquoi les hommes pensent le plus souvent que le système dans lequel ilsvivent est un système naturel : pour le grec du Vème siècle avant JC,l'esclavage est un mode de production naturel, de même que les valeurs qu'ilcontient.
Pour un économiste du XIX, le système capitaliste est le seulpossible et ainsi de suite.
Nous ne pouvons donc pas penser librement tantque nous avons le sentiment que la façon dont on vit est la seule possible etest naturelle.
C.
Platon distingue entre l'opinion et le savoir : ce qui relève de l'opinion, c'est ce que nous pensons sans trop savoir pourquoi, cela est bien souventsuffisant pour les ouvrages quotidiens que nous avons à accomplir.
Mêmecette pensée reste une pensée qui n'est pas libre, puisqu'elle n'est pas entièrement voulue et réfléchie.
Toute la méthode de Socrate consistera à faire passer de l'opinion au savoir enmontrant à ses interlocuteurs que si l'on considère sérieusement ce qu'ils disent, on en arrive à de grandescontradictions.
Tout le processus revient à montrer à celui qu'il interroge que ce qu'il pense, il ne sait pas pourquoi ille pense, et qu'il ne connait pas les véritables enjeux de ce qu'il croit.
Transition : il ne va pas du tout de soi que l'on puisse penser librement sans un effort réel.
La pensée libre n'est jamais première : elle exige une sorte d'arrachement à notre comportement « naturel ».
Penser librement n'est doncpas facile, car cela comporte toujours un risque.
III. Penser librement est toujours un risque
A.
Kant dans Q u'est-ce que les Lumières ? définit le courant philosophique, historique et littéraire des Lumières comme la sortie de l'homme de sa minorité.
Par minorité, il faut entendre l'état dans lequel se trouve l'homme lorsqu'ilest incapable de penser par soi-même.
Dans la minorité, l'homme pense par le biais d'autrui, et non par ses propres.
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