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Est-il dans la nature du pouvoir politique de mettre en péril les libertés ?

Publié le 27/02/2008

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  • a) Remarque : Le « pouvoir politique « étant une expression assez vague, nous l'entendrons ici au sens d'Etat, lequel se définit comme « l'Autorité souveraine s'exerçant sur l'ensemble d'un peuple et d'un territoire déterminé« (Petit Robert).
  •  b) Le problème : Le but poursuivi par l'Etat est en principe d'assurer la sécurité et la liberté des citoyens. Mais on peut relever une contradiction qui lui est inhérente :

 1° l'Etat garantit un espace de liberté à chaque individu en réalisant l'ordre social ;

2° il exerce un pouvoir de coercition sur chacun en s'érigeant au-dessus de la société. L'Etat prétend donc, au nom de la sécurité, garantir la liberté de tous en la limitant, ce qui ouvre la porte à tous les totalitarismes. On peut alors se demander s'il n'est pas dans la nature de l'Etat de mettre en péril les libertés.

« être réellement libres, c'est-à-dire libres dans l'Universel en ayant dépassé leurs particularismes dans le cadre deslimitations réciproques nées du contrat social : « L'Etat ne se contente pas de soumettre la société à des relationsde droit ; en tant que communauté morale d'ordre réellement supérieur, il produit l'unité de mœurs, de formation,l'universalité des modes de pensée et de conduite (chacun voyant et reconnaissant en autrui son universalité demode spirituel) » (id., § 54).• La thèse hégélienne s'accorde cependant avec les théories du contrat social en ce sens que la vie sociale estposée comme naturellement problématique (contradiction particulier/ universel), justifiant la fonction conciliatrice del'Etat.

Elle marque cependant un progrès sur les théories du contrat social en ce sens que l'Etat est appréhendécomme réalité en soi, autonome et distincte de la société. c) L'Etat, mal absolu ?• C'est au nom de ce caractère étranger que l'Etat, qui se place au-dessus de la société, que les anarchistesrejettent toutes les limitations imposées de l'extérieur par celui-ci à la liberté individuelle.

Cf.

Bakounine : « Toutethéorie conséquente et sincère de l'Etat est essentiellement fondée sur le principe de l'autorité, c'est-à-dire surcette idée éminemment théologique, métaphysique, politique, que les masses, toujours incapables de se gouverner,devront subir en tout temps le joug bienfaisant d'une sagesse et d'une justice qui, d'une manière ou d'une autre,leur seront imposées d'en haut.

Mais imposées au nom de quoi et par qui ?» (Œuvres, I, p 205).• L'Etat n'est donc pas l'expression des individus ni de la société.

Il ne peut au contraire exister que contre eux.C'est pourquoi, nous dit Bakounine, il est foncièrement mauvais et dangereux : « Je n'hésite pas à dire que l'Etatc'est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard sonextinction complète, aussi nécessaire que l'ont été la bestialité primitive et les divagations théologiques deshommes.

L'Etat n'est point la société, il n'en est qu'une forme historique aussi brutale qu'abstraite » (id., p.

319). d) TransitionCependant, il faut pouvoir réfuter la thèse (justifiant l'Etat) d'une vie sociale posée comme naturellementproblématique pour fonder la possibilité d'une liberté individuelle existant au-delà des limites de l'Etat, ce qui appelleune approche historique. 3 critique historique de l'Etat a) L'état de nature n'a jamais existé• P.

Clastres a montré qu'il existe des sociétés sans Etat, qui refusent l'institution d'un pouvoir politique au-dessusde la société en s'appuyant notamment sur leur conception religieuse et mythique du monde : ce sont les sociétésdites primitives où comparativement paraît régner une plus grande liberté que dans les sociétés étatisées.

L'absenced'Etat n'est donc pas synoyme de barbarie et d'asocialité.

« Ce que nous montrent les Sauvages, c'est l'effortpermanent pour empêcher les chefs d'être des chefs, c'est le refus de l'unification, c'est le travail de conjuration del'Un, de l'Etat.

L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes.

L'histoire despeuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'Etat » (P.Clastres, La Société contre l'Etat, p.

186).• Les recherches ethnologiques confirment ainsi la thèse de Marx selon laquelle la société est la condition naturellede l'être humain : la société a toujours existé sous différentes formes.

La thèse de l'état de nature et de l'asocialitéoriginelle de l'individu apparaît donc fausse.• La limitation étatique apportée à la liberté individuelle perd de ce fait sa justification idéologique d'autant plus quel'individu, toujours naturellement social, n'a pas à choisir « librement » la société et l'union dans l'Etat.

Le mythe ducontrat social s'écroule.

Il faut donc chercher dans des causes purement sociales et historiques l'origine de l'Etat. b) La théorie marxiste de l'Etat• Pour Marx, l'Etat est certes, comme l'affirmait Hegel, la force de conciliation des contradictions de la société.

A ladifférence de celui-ci toutefois, Marx estime que ces contradictions ne sont pas naturelles, mais historiques, donctransitoires, et l'Etat n'est pas une force transcendant les individus et les classes en tant qu'Universel, car il agittoujours dans l'intérêt d'une classe dominante afin d'organiser la société au profit de cette dernière, en contenanttoutes les révoltes des classes dominées.• Le pouvoir de coercition de l'Etat signifie donc que les individus ne sont pas libres, mais qu'ils sont soumis à unordre social déterminé par la division de la société en classes.

L'Etat ne dépasse pas cette division, contrairement àla thèse hégélienne, mais la gère et l'entretient.• Etat n'est cependant pas « l'ennemi de la liberté en soi », car la succession des sociétés de classes, et donc desdifférentes formes d'Etat est un progrès dans l'histoire tant que les classes ne peuvent être supprimées : laformation de l'Etat bourgeois a constitué un enrichissement relatif de la liberté humaine par rapport à l'Etat féodal.Cependant le capitalisme a créé les conditions matérielles d'une société sans classes et par conséquent sans Etat.L'Etat bourgeois est donc devenu l'ennemi de la liberté en freinant cette évolution vers une société sans classes.• Les théories du contrat social, qui servirent longtemps de fondement théorique à l'idéologie libérale, sont le refletidéologique du capitalisme concurrentiel (concurrence des individus atomisés) nécessitant une codification de laconcurrence par l'Etat protecteur de la propriété privée.

Le libéralisme n'est pas contre l'Etat, contrairement auxapparences, mais pour un Etat protégeant et assurant la liberté de la concurrence, un Etat qui ne sort donc pas deslimites du capitalisme et de la société de classes.

Un tel Etat apparaît ainsi dans la perspective marxiste comme uneentrave à la véritable liberté.• Devant l'échec du dépassement de l'Etat dans les pays socialistes qui se réclament du marxisme, et dans lesquelsau contraire l'Etat se renforce et accroît son emprise totalitaire, on observe aujourd'hui un certain retour à uneconception naturaliste pessimiste : le mal politique serait absolu, éternel.

L'Etat est certes l'ennemi de la liberté,. »

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