Est-ce un progrès de ne pas croire ?
Publié le 11/03/2005
Extrait du document
Au sens large, la croyance se définit comme une adhésion à une idée, à une théorie ou à un dogme : la foi, l’opinion et le savoir sont dans cette perspective des modes différents de croyance. En un sens plus restreint, la croyance est opposée au savoir et désigne une attitude de l’esprit qui affirme quelque chose avec un degré plus ou moins grand de probabilité, sans pouvoir en donner de preuves. Enfin, en un sens particulier, la croyance peut être synonyme de foi, et consiste à adhérer à une vérité transcendante sans justification rationnelle. Se demander si ne plus croire est un progrès semble amener à considérer les sens restreints de la croyance, au sens où il s’agit de savoir si la croyance est une attitude imparfaite de l’esprit, qui peut être dépassée par un mode de connaissance supérieur : il faut donc se demander si l’on peut comprendre la croyance comme une étape dans une hiérarchie, qui doit mener à son dépassement. Cela amène à poser la question du statut de la croyance, c’est-à-dire de ce que cette attitude de l’esprit peut apporter en termes théoriques et pratiques, et de la possibilité de la dépasser. Ne peut-on penser que la croyance désigne un rapport à soi-même et au monde spécifique, indépendant du mode du savoir et indépassable par lui ? Ou bien que notre esprit, parce qu’il est limité, ne peut toujours dépasser la croyance en donnant des raisons rationnelles d’adhérer à une idée ? Après avoir envisagé que le dépassement de la croyance, loin d’être un progrès, apparaît comme une illusion irréalisable, nous envisagerons la croyance comme une étape de la raison appelant son dépassement dans le savoir scientifique. Nous pourrons alors envisager l’idée que les rapports entre croyance et savoir ne sont pas à comprendre comme un progrès, mais comme deux ordres distincts et tout autant nécessaires.
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Kant, Critique de la raison pure « L'acte de tenir pour vrai (la créance) est un fait de notre entendement quipeut reposer sur des raisons objectives, mais qui exige aussi des causessubjectives dans l'esprit de celui qui juge ; quand cet acte est valable pourchacun, pour peu qu'il ait seulement de la raison, la raison en estobjectivement suffisante, et le fait de tenir pour vrai s'appelle alors conviction.
Quand il a uniquement son fondement dans la nature particulière du sujet,on le nomme persuasion.La persuasion est une simple apparence, parce que le principe du jugement,qui réside simplement dans le sujet, est tenu pour objectif.
Aussi un jugementde ce genre n'a-t-il qu'une valeur personnelle, et la créance ne secommunique pas.
Mais la vérité repose sur l'accord avec l'objet, et parconséquent, par rapport à cet objet, les jugements de tout entendementdoivent être d'accord (consentientia uni tertio consentiunt inter se).
La pierrede touche servant à reconnaître si la créance est une conviction ou unesimple persuasion est donc extérieure : elle consiste dans la possibilité de lacommuniquer et de la trouver valable pour la raison de chaque homme ; caralors on peut au moins présumer que la raison de l'accord de tous lesjugements, malgré la diversité des sujets entre eux, reposera sur unfondement commun, je veux dire sur l'objet, avec lequel, par suite, tous lessujets s'accorderont, prouvant par là même la vérité du jugement. La persuasion ne peut donc pas, à la vérité, se distinguer subjectivement de la conviction, si le sujet a devant lesyeux la créance simplement comme un phénomène de son propre esprit ; l'épreuve que l'on fait sur l'entendementd'autrui des raisons qui sont valables pour nous, afin de voir si elles produisent sur une raison étrangère le mêmeeffet que sur la nôtre, est cependant un moyen qui, bien que purement subjectif, sert, non pas sans doute àproduire la conviction, mais à découvrir la valeur toute personnelle au jugement, c'est-à-dire à découvrir en lui cequi n'est que simple persuasion.
Si l'on peut en outre expliquer les causes subjectives du jugement, causes que nous prenons pour des raisons objectives de ce jugement, et par conséquent expliquer notre créance trompeuse comme un événement de notreesprit, sans avoir besoin pour cela de la nature de l'objet, nous mettons alors l'apparence à nu et nous ne seronsplus trompés par elle, bien qu'elle puisse toujours nous tenter jusqu'à un certain point, si la cause subjective decette apparence tient à notre nature.
Je ne peux affirmer, c'est-à-dire exprimer comme un jugement nécessairement valable pour chacun, que ce quiproduit la conviction.
Je puis garder pour moi ma persuasion, si je m'en trouve bien, mais je ne puis ni ne dois vouloirla faire valoir hors de moi.La créance ou la valeur subjective du jugement par rapport à la conviction (qui a en même temps une valeurobjective) présente les trois degrés suivants : l'opinion, la foi et le savoir.
L'opinion est une créance qui aconscience d'être insuffisante subjectivement aussi bien qu'objectivement.
Quand la créance n'est suffisante quesubjectivement, et qu'en même temps, elle est tenue pour objectivement insuffisante, elle s'appelle foi.
Enfin cellequi est suffisante subjectivement s'appelle savoir.
La suffisance subjective s'appelle conviction (pour moi-même), lasuffisance objective, certitude (pour chacun).
Je ne m'arrêterai pas à éclaircir des concepts aussi faciles àcomprendre.
» La critique que le sujet invite à formuler à l'égard de la croyance peut aussi amener à poser le problème du lieninévitable entre croyance et subjectivité.
On peut développer ce lien, demander ce qu'apporterait le fait derenoncer à cette subjectivité de la croyance, ce que cela apporterait en termes de progrès.
Si la croyance estsubjective elle est figée, elle ne permet peut-être pas d'élaboration commune de la pensée – or cette élaborationpeut être envisagée comme une des conditions du progrès.
* La singularité et les limites de la croyance : faut-il refuser la croyance ou simplement la limiter par laraison ?.
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