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Est-ce seulement l'ignorance qui explique la croyance ?

Publié le 04/09/2005

Extrait du document

1 : la science du concret) « Nous ne revenons pas, pour autant, à la thèse vulgaire [...] selon laquelle la magie serait une forme timide et balbutiante de la science : car on se priverait de tout moyen de comprendre la pensée magique, si l'on prétendait la réduire à un moment, ou à une étape, de l'évolution technique et scientifique. Ombre plutôt anticipant son corps, elle est, en un sens, complète comme lui, aussi achevée et cohérente, dans son immatérialité, que l'être solide par elle seulement devancé. La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'un tout non encore réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre système que constituera la science, sauf l'analogie formelle qui les rapproche et qui fait du premier une sorte d'expression métaphorique du second. Au lieu, donc, d'opposer magie et science, il vaudrait mieux les mettre en parallèle, comme deux modes de connaissance, inégaux quant aux résultat théoriques et pratiques [...], mais non par le genre d'opérations mentales qu'elles supposent toutes deux, et qui diffèrent moins en nature qu'en fonction des types de phénomènes auxquelles elles s'appliquent. » La pensée « magique », qui désigne la pensée « primitive » (Lévi-Strauss est ethnologue et anthropologue) ne se distingue pas par nature de la science. Elle consiste plutôt en une sorte de bricolage (selon les termes de Lévi-Strauss) intellectuel et peut prétendre à la même objectivité que nos sciences. Elle n'est donc pas moins vraie, mais seulement moins efficace théoriquement et pratiquement. Or au sein de cette pensée première interviennent les rituels magiques, qui jouent un rôle primordial dans l'élaboration de cette vision « primitive » du monde.
Analyse du sujet :
  • La forme du sujet (question fermée) invite à y répondre par « oui « ou par « non « avec toutes les précisions qui s'imposent
  • Il fait intervenir les notions d'ignorance et de croyance et nous interroge sur le lien qui les unit : la croyance est-elle le corollaire de l'ignorance ?
  • La croyance peut être définie comme l'adhésion à une idée, par exemple : la croyance en l'existence de Dieu, en l'efficacité du modèle social européen, en la possibilité d'une mathématique universelle etc. Dans toutes ces illustrations, nous relevons deux traits caractéristiques de la croyance : premièrement, la vérité de son objet demeure incertaine. La croyance est donc une adhésion non entièrement objective. Mais pourquoi croire en quelque chose, autrement dit y adhérer alors que des raisons manquent, plutôt que de laisser en suspend son jugement ? C'est ce qui nous conduit au second point : la croyance suppose l'investissement du croyant. Tant que la croyance dure, il agît et pense comme si la vérité de son objet était certaine, voire s'efforce à la réaliser.
  • L'ignorance est un défaut de connaissance, conscient ou non. Elle disparaît donc ou bien par l'apprentissage de ce dont on a conscience qu'il fait défaut, ou bien par la découverte de ce que l'on ne soupçonnait même pas.
Problématisation :
Le sujet s'appuie sur un fait : les hommes ont des croyances. Nous devons statuer sur la légitimité de l'affirmation selon laquelle la cause de ce fait serait l'ignorance. Prenons le problème à l'envers et demandons-nous :
  1. Le savant pourra-t-il se passer de croire ?
Par ailleurs, l'ignorance conçue comme défaut de savoir suppose que la croyance, qui viendrait combler l'ignorance, serait elle-même affectée par un défaut d'objectivité, privilège exclusif du savoir. Mais :
  1. Toute croyance est-elle dénuée d'objectivité ?

« "Oui, mais il faut parier.

Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqués.

Lequel prendrez-vous donc ? Voyons;puisqu'il faut choisir voyons ce qui vous intéresse le moins.

Vous avez deux choses à perdre: le vrai et le bien,et deux choses à engager: votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude, et votrenature deux choses à fuir: l'erreur et la misère.

Votre raison n'est pas plus blessée puisqu'il fautnécessairement choisir, en choisissant l'un que l'autre.

Voilà un point vidé Mais votre béatitude ? Pesons le gainet la perte en prenant croix que Dieu est.

Estimons ces deux cas: si vous gagnez vous gagnez tout, et si vousperdez vous ne perdez rien: gagez donc qu'il est sans hésiter.

Cela est admirable.

Oui, il faut gager, mais jegage peut-être trop.

Voyons puisqu'il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n'aviez qu'à gagner deuxvies pour une vous pourriez encore gager, mais s'il y en avait trois à gagner ? Il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer) et vous seriez imprudent lorsque vous êtesforcé à jouer de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et degain.

Mais il y a une éternité de vie de bonheur.

Et cela étant quand il y aurait une infinité de hasards dont unseul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agirez de mauvais sens,en étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu où d'une infinité de hasards il y en aun pour vous, s'il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner: mais il y a ici une infinité de vieinfiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vousjouez est fini.

Cela ôte tout parti partout où est l'infini et où il n'y a pas infinité de hasards de perte contrecelui de gain.

Il n'y a point à balancer, il faut tout donner.

Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncerà la raison pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte dunéant." B.

PASCAL, Pensées , 418 L-233 B, in Œuvres complètes, Paris, Ed.

du Seuil, 1963, pp.

550-551 Il y a des questions auxquelles la raison ne peut apporter aucune réponse, en particulier, la question de l'existencede Dieu.

Même le savant le plus éminent, qui aurait parcouru toute l'étendu du savoir, ne peut y répondre.

Ildemeure cependant une solution raisonnable : celle du pari.

Nous avons en effet toutes les raisons de préférercroire en Dieu plutôt que de nier son existence selon Pascal. C'est bien ici notre ignorance qui nous conduit à croire : l'objet de la croyance (ici, l'existence de Dieu) n'est certespas objectif puisqu'il échappe à la raison, mais le choix de croire n'est pas non plus déraisonnable, puisqu'il n'engagepas la raison.

Le savant ne peut alors pas se passer de croire, non pas parce qu'il sait tout, mais parce qu'il ne peutlui-même échapper à l'ignorance, et parce que son savoir et sa raison ne lui interdisent pas de croire. Transition : La croyance n'intervient que lorsque le savoir fait défaut, lorsqu'il ne peut plus prétendre à l'objectivité.

Autrementdit, si la croyance pouvait prétendre à l'objectivité, elle serait un concurrent et non plus seulement un suppléant dusavoir, et pourrait alors naître sur un autre terrain que celui de l'ignorance.

C'est cette possibilité qu'il nous fautmaintenant examiner : II – Toute croyance est-elle dénuée d'objectivité ? Référence : Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage (chap.

1 : la science du concret) « Nous ne revenons pas, pour autant, à la thèse vulgaire [...] selon laquelle la magie serait une forme timide etbalbutiante de la science : car on se priverait de tout moyen de comprendre la pensée magique, si l'on prétendait laréduire à un moment, ou à une étape, de l'évolution technique et scientifique.

Ombre plutôt anticipant son corps,elle est, en un sens, complète comme lui, aussi achevée et cohérente, dans son immatérialité, que l'être solide parelle seulement devancé.

La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'untout non encore réalisé ; elle forme un système bien articulé ; indépendant, sous ce rapport, de cet autre systèmeque constituera la science, sauf l'analogie formelle qui les rapproche et qui fait du premier une sorte d'expressionmétaphorique du second.

Au lieu, donc, d'opposer magie et science, il vaudrait mieux les mettre en parallèle, commedeux modes de connaissance, inégaux quant aux résultat théoriques et pratiques [...], mais non par le genred'opérations mentales qu'elles supposent toutes deux, et qui diffèrent moins en nature qu'en fonction des types dephénomènes auxquelles elles s'appliquent.

» La pensée « magique », qui désigne la pensée « primitive » (Lévi-Strauss est ethnologue et anthropologue) ne sedistingue pas par nature de la science.

Elle consiste plutôt en une sorte de bricolage (selon les termes de Lévi-Strauss) intellectuel et peut prétendre à la même objectivité que nos sciences.

Elle n'est donc pas moins vraie, maisseulement moins efficace théoriquement et pratiquement. Or au sein de cette pensée première interviennent les rituels magiques, qui jouent un rôle primordial dansl'élaboration de cette vision « primitive » du monde.

D'un point de vue occidental, ces rituels relèvent de lacroyance.

Ils sont pourtant à la base de la construction du savoir indigène.

Lévi-Strauss nous présente un exemplede croyance qui peut légitimement prétendre à l'objectivité.

Elle devient par conséquent une concurrente légitime dusavoir, et ne se développe pas uniquement à partir de l'ignorance des hommes.. »

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