Est-ce que le sacré est une illusion mensongère ou plutôt une création vitale ?
Publié le 03/09/2005
Extrait du document


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autre dans toutes les cultures humaines, c'est précisément qu'il est une catégorie anthropologique qu'il s'agirait depenser comme telle.
Par le mythe, l'homme se raconte des histoires sur lui-même et la genèse du monde qui luipermet d'habiter la terre.
En effet l'homme ne vit pas d'abord dans le monde, mais il naît dans un espace informechaotique qu'il doit organiser par sa parole et son action.
Le monde humain comme totalité organisée se fonde alorssur la catégorie du sacré.
C'est par le sacré que l'homme peut découper l'espace en distinguant les espacesprofanes et sacrés._ Est sacré ce qui dans le réel dépasse le réel et permet de l'organiser.
Pour faire un monde, il faut un centre.
Alorsl'homme crée un centre du monde qui est reliée à une réalité transcendante lui déléguant un peu de son pouvoir.
Sil'on prend l'exemple de l'église dans la civilisation chrétienne occidentale, l'Église est un bâtiment construit dans lemonde, mais se référant à une réalité transcendante : une église n'est pas seulement un bâtiment parmi les autresau sein d'une ville, elle est aussi pour les croyants « la maison de Dieu ».
C'est ce ue l'on peut soutenir avec MirceaEliade dans le Sacré et le Profane : il y a dans le monde certains types d'objets qui concentrent le maximum de réalité.
Par ces objets, le monde humain devient réel, et quand il s'en sépare, il perd de sa réalité et devientprofane.
Profane signifie devant le temple._ L'objet sacré assure une fonction hiérophanique.
« Hiéros » signifie sacré et « phanein » en grec apparaître.L'objet sacré comme la relique de saint ou le totem est un objet comme les autres qui est paradoxalement en mêmetemps un objet où se manifeste une transcendance.
Le poteau du totem ne cesse pas d'être un poteau de bois enmême temps qu'il incarne l'esprit des ancêtres de même que l'hostie ne cesse pas d'être un peu de farine et d'eaumélangée en même temps qu'elle devient le corps du christ grâce au mystère de la transsubstantiation.
C'est par lerite que l'objet sacré réactualise sa puissance sacrée à travers le monde.
En d'autres termes, l'objet n'est sacré quepar la création humaine qui le « fait parler« , c'est-à-dire par la décision d'imprimer et de lire une signification dansdes objets qui sont de simples objets mondains.
Le sacré est une création en tant qu'il constitue une nouveauté parrapport à ce qui était simplement là à titre de matière insignifiante.
Et l'on peut affirmer que cette création estvitale en tant qu'elle permet de donner une signification à l'organisation mythique du monde humain.
Néanmoins, si les hommes assument le caractère produit du sacré, il semble difficile qu'ils continuent à lire en lui lamanifestation d'une transcendance.
En effet, une fois le sacré pensé comme une création vitale, on ne voit pascomment le sacré pourrait encore être tenu pour sacré dans la mesure où ce dernier se définit essentiellementcomme manifestation d'une transcendance dans le monde.
III Le sacré est une illusion vitale _ La croyance vit de son illusion, c'est-à-dire qu'elle vit de se tenir elle-même pour vraie alors qu'elle n'est qu'unecréation humaine.
Or si les hommes savent qu'ils créent eux-mêmes le sacré, on ne voit pas comment le sacrépourrait survivre à cette démystification.
En effet si le sacré ne vit que de la croyance, la croyance une foisdéniaisée risque bien de ne plus permettre l'adhésion qui constitue essentiellement le sacré.
Ainsi prendreconscience du sacré comme une création humaine, ce serait par là même perdre le sacré, et ne plus voir dans lesreliques, que des fragments d squelettes humains et dans la Bible une compilation d'auteurs anonymes elle-mêmeformée au IIème siècle après Jésus-Christ par l'Eglise tentant de définir une orthodoxie; le rite religieux lui-même serapprocherait d'une Pièce de théâtre et perdrait sa fonction première qui est de relier l'immanence du monde à latranscendance de Dieu.
C'est ce que l'on peut soutenir avec l'analyse de la mauvaise foi faite par Sartre dans l'Etre et le néant II, 1 : croire, c'est toujours vouloir coire.
En effet lorsque je prend conscience que je crois, je sais que ma croyance n'est elle-même fondée que sur ma conscience elle-même.
Or si je crois que je crois, alors je ne croisplus.
Par conséquent, la réduction du sacré à une création vitale produit sa destruction._ Le sacré ne vivrait donc à titre de catégorie anthropologique effective que s'il demeure inconscient de lui-même.Pour croire, il ne faut pas savoir que l'on croit.
Autrement dit, si le sacré est une illusion, il ne peut être une illusionqui s'assume en tant qu'illusion, mais il doit être tenu pour vrai par ceux qui croient en lui dans la mesure où c'estleur croyance qui le fait perdurer dans la culture humaine.
En effet pour préserver le sacré qui est une créationhumaine, il ne faut pas opérer un retour réflexif sur lui-même, mais au contraire s'y livrer avec ferveur.
Par exempledans le rite religieux qu'est la messe, si l'on veut ressentir la présence du sacré, c'est à dire la manifestation de latranscendance dans cet endroit du monde qu'est l'Eglise, il faut d'abord croire en l'existence de la transcendance eten la validité du rite lui-même.
C'est ce que l'on peut soutenir avec Pascal dans le fragment 821 de ses Pensées en édition Lafuma : puisque nous sommes automates autant qu'esprit, il ne faut pas seulement croire par raison, maisfaciliter sa relation au sacré par des rites.
Si vous voulez que Dieu que vous apparaisse à travers des objets dumonde, il faut commencer par s'agenouiller et à joindre les mains.
Conclusion :
le sacré procède d'une création humaine vitale.
Néanmoins il ne constitue une catégorie anthropologique opérantedans le monde humain que s'il n'est pas connu comme création de l'esprit humain, mais est au contraire tenue pourvérité par les croyants.
Toute illusion en ce sens ne serait pas mauvaise, et il ne faut pas toujours substituer lavérité à l'illusion : il y a des illusions qui l'emportent sur la vérité en tant qu'elles nous permettent de vivre : le sacréferait partie de celles là.
Ainsi le sacré n'est ni une illusion mensongère, ni une création vitale, elle estessentiellement une illusion vitale, c'est une croyance qui n'est viable qu'en méconnaissant son statut de produit..
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