Est-ce dans la solitude que l'homme peut prendre conscience de lui même ?
Publié le 01/09/2005
Extrait du document
«
la solitude absolue lui permet une prise de conscience de soi, mais le « soi » concerné n'est pas le soi unique del'individu mais un soi abstrait qui concerne chacun.
Cela amène à demander s'il n'est pas nécessaire de s'inclure dans le monde, d'éprouver le rapport aux autres, etdonc de refuser la solitude, pour prendre conscience de nous-mêmes non pas en tant que conscience abstraite maisen tant qu'individus uniques inclus d'une manière elle aussi unique dans le monde.
* Rapport aux autres et prise de conscience de soi
Marx
« Plus on remonte dans le cours de l'histoire, plus l'individu - et par suite l'individu producteur lui aussi - apparaîtdans un état de dépendance, membre d'un ensemble plus grand : cet état se manifeste tout d'abord de façon toutà fait naturelle dans la famille et dans la famille élargie jusqu'à former la tribu ; puis dans les différentes formes decommunautés, issues de l'opposition et de la fusion des tribus.
Ce n'est qu'au dix-huitième siècle, dans la "sociétébourgeoise", que les différentes formes de l'ensemble social se présentent à l'individu comme un simple moyen deréaliser ses buts particuliers, comme une nécessité extérieure.
Mais l'époque qui engendre ce point de vue, celui del'individu isolé, est précisément celle ou les rapports sociaux (revêtant de ce point de vue un caractère général) ontatteint le plus grand développement qu'ils aient connu.
L'homme est, au sens littéral, un animal politique, nonseulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut s'isoler que dans la société.
La production réalisée endehors de la société par l'individu isolé - fait exceptionnel qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasarddans un lieu désert et qui possède déjà en puissance les forces propres à la société - est chose aussi absurde quele serait le développement du langage sans la présence d'individus vivant et parlant ensemble.
»
Pour travailler la question du lien entre le rapport aux autres et la prise de conscience de soi, on peut s'interrogersur l'identité sociale de tout individu : le rapport au groupe définirait celui-ci dans une très large mesure, si bien quela solitude gommerait toute une partie de la conscience de soi de l'individu.
Pour prendre conscience de soi commeindividu distinct, séparé des autres, il faut nécessairement que les autres existent – par exemple parce que pourm'identifier je dois acquérir le langage, qui nécessite le rapport avec l'autre.
Seul un être pris dans un réseau derelations avec les autres peut finalement dire « je », et par là avoir conscience de lui-même.
* Une définition dynamique de la conscience comme rapport au monde
Sartre
« La conscience et le monde sont donnés d'un même coup : extérieur paressence à la conscience, le monde est, par essence, contraire à elle.
[...]Connaître, c'est s'éclater vers », s'arracher à la moite intimité gastrique pourfiler, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n'est pas soi, là-bas, près de l'arbre etcependant hors de lui, car il m'échappe et me repousse et je ne peux pas plusme perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi.
Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vospressentiments ? Vous saviez bien que l'arbre n'était pas vous, que vous nepouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres, et que laconnaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à lapossession.
Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire commeun grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, unglissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez « dans » uneconscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près del'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de « dedans » ; ellen'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refusd'être substance qui la constituent comme une conscience.
Imaginez àprésent une suite liée d'éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui nelaissent même pas à un nous-mêmes » le loisir de se former derrière eux, maisqui nous jettent au contraire au-delà d'eux, dans la poussière sèche dumonde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre naturemême dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez saisi le sens profond de la découverte que Husserlexprime dans cette fameuse phrase : Toute conscience est conscience de quelque chose.
» Il n'en faut pas pluspour mettre un terme à la philosophie douillette de l'immanence, où tout se fait par compromis, échangesprotoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire.
La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand'route, aumilieu des menaces, sous une aveuglante lumière.
Être, dit Heidegger, c'est être-dans-le-monde.
Comprenez cet «être dans au sens du mouvement.
Être, c'est éclater dans le monde, c'est partir d'un néant de monde et deconscience pour soudain s'éclater-conscience-dans-le-monde.
Que la conscience essaye de se reprendre, decoïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s'anéantit.
Cette nécessité pour la conscienced'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme intentionnalité.
»
La conception marxiste amène à envisager une conception de la conscience de soi non pas comme un simplecontenu de représentations – qui pourrait exiger un état de solitude pour l'examiner au calme – mais comme unrapport toujours renouvelé au monde qui nous entoure.
La conception sartrienne de la conscience comme activitédynamique rend ainsi impossible de concevoir quelque chose comme une vie intérieure de la conscience qu'il faudrait.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Est-il du devoir de l'homme de prendre conscience?
- « Les lettres, l'art, la philosophie restent, jusqu'à nouvel ordre, les principaux moyens dont l'homme dispose pour prendre conscience de lui-même, acqué-rir le sens des valeurs, s'acheminer vers la sagesse. Et nous serions infidèles à la mission que tout notre passé nous assigne si, cédant à l'entraînement au-quel certains peuples obéissent, nous ne gardions pas une place éminente à la culture littéraire, esthé-tique et philosophique. » Commentez et discutez ces lignes.
- En vous appuyant sur des exemples précis, expliquez et discutez cette opinion d'Albert Thibaudet dans ses Réflexions sur le roman (1938) : « Ou bien le roman fait découvrir au lecteur, dans la vie la plus humble, les mêmes puissances de noblesse et de tragique que dans les vies les plus illustres, les plus éclatantes, les plus dramatiques (...), ou bien il amène le lecteur à se dégonfler de ses illusions, à prendre conscience de sa misère, de son ridicule. D'un côté il découvre à l'ho
- En vous appuyant sur des exemples précis, expliquez et discutez cette opinion d'Albert Thibaudet dans ses Réflexions sur le roman (1938) : « Ou bien le roman fait découvrir au lecteur, dans la vie la plus humble, les mêmes puissances de noblesse et de tragique que dans les vies les plus illustres, les plus éclatantes, les plus dramatiques (...), ou bien il amène le lecteur à se dégonfler de ses illusions, à prendre conscience de sa misère, de son ridicule. D'un côté il découvre à l'hom
- Marcel Proust écrit : « Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L'ouvrage de l'écrivain n'est qu'une espèce d'instrument optique qu'il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que, sans ce livre, il n'eût peut-être pas vu en soi-même. » (Le Temps retrouvé, éd. Pléiade, t. III). Après avoir commenté cette conception de la lecture, vous montrerez, à l'aide d'exemples précis (que vous pourrez emprunter aux moralistes ou au théâtre classique, aux lyri