Essai
Publié le 19/01/2013
Extrait du document
«
proclamer « Gloire aux cancres» sur les frontons de ses écoles et de ses mairies.
Dutourd s’en
montre tout
à fait conscient, lui qui reproche aux soci étés actuelles de donner raison aux cancres
non pas dans l’absolu mais dans les faits. Il s’agit donc bel et bien d’une incoh
érence, voire d’une
contradiction.
Contradiction entre, d’une part, les id
ées proclam ées par les tenants de l’ école
r
épublicaine et, d’autre part, la conduite adopt ée dans les faits par les administratifs et les politiques.
Doper artificiellement les notes, diminuer les exigences afin d’augmenter les taux de r
éussite aux
examens et ce afin d’
éviter toute hausse brutale du taux de ch ômage et ainsi acqu érir des votes qui
permettront aux politiques de conserver leurs si
èges tout en évitant d’investir dans l’ éducation; voil à
autant d’
éléments qui d écouragent l’effort et mettent le syst ème éducatif en contradiction avec lui
m
ême, de la m ême fa çon qu’ils mettent en contradiction la soci été avec ellem ême.
L’hypocrisie,
voil
à la qualit é fondamentale que le syst ème éducatif d’une soci été hypocrite d éveloppe selon
Dutourd. C’est qu’une soci
été hypocrite, qui s’abstient d’actualiser dans les faits les principes qu’elle
proclame, finit par promouvoir une
éducation de l’hypocrisie, une éducation par l’hypocrisie et,
finalement, une
éducation pour l’hypocrisie.
Quel avantage y atil donc à encourager l’excessive
tol
érance envers soim ême, la malhonn êtet é et le go ût de la paresse ? De la sorte, les politiques
professionnels se mod
èlent une masse ais ément mall éable et incapable de se montrer lucide vis à
vis des des agissements et des discours de leurs dirigeants. Le constat et la critique de Dutourd sont
amers.
Au reste, que reprocher
à cette th éorie? Si elle semble bel et bien proc éder du bon sens, il
n’en demeure pas moins qu’on peut lui reprocher son exc
ès de fixisme. En effet, Dutourd manipule
les cat
égories de «cancre» et de «bon élève», comme s’il s’agissait de cat égories fixes, d étermin ées
une fois pour toutes, incapables d’
évoluer.
Etre un cancre ne d ésigne cependant pas tant une
identit
é substantielle qu’un moment du soi.
L’identit é personnelle n’est pas fix ée, d étermin ée,
substantielle, monolithique.
Elle est bien plut
ôt évolutive, transitoire, et se situe à la crois ée des
exp
ériences, des rencontres, des erreurs, des projets et des adaptations marginales.
On aurait
cependant tord de ne voir dans la citation de Dutourd que la stricte apologie d’une m
éritocratie.
Certains
éléments qui d éterminent notre identit é ne d épendent pas de nous; notre milieu social,
notre famille, notre corps, nos capacit
és, entre autres. L’id éologie de la m éritocratie constitue bien
souvent l’excuse commode pour s’abstenir d’agir et de compenser les manques et in
égalit és qui
d
érivent des facteurs de notre condition qui ne d épendent pas de nous. Aussi la m éritocratie rec èle
telle un conservatisme, qu’elle dissimule derri
ère un naturalisme. Elle est donc fondamentalement
hypocrite.
Dutourd entendtil donc nous convaincre de prendre acte de ce conservatisme
faussement m
éritocratique? Non, pas si l’on lit bien la citation.
En plus de l’observation et de l’
évaluation, Dutourd prescrit également de mettre en oeuvre
une r
éforme.
Comment d éterminer plus avant cette r éforme? Dutourd la souhaite premi èrement
s
érieuse et, deuxi èmement, de vaste ampleur.
Elle ne doit pas tant concerner le simple syst ème
é
ducatif que la soci été dans son ensemble.
Pourquoi? Parce que le syst ème éducatif ne d ésigne
pas une simple annexe de la soci
été, mais le coeur m ême de cette soci été.
A cet égard, tout
dysfonctionnement local du syst
ème éducatif doit s’analyser comme le sympt ôme d’un
dysfonctionnement global du corps social dans son ensemble.
L’id
ée d’une r éforme s érieuse doit
ê
tre distingu ée de celle d’un semblant de r éforme, ou bien encore, d’une r éforme pour la forme,
d’une agitation politicienne. Cependant,
à travers l’appel à la r éforme que lance Dutourd, retentit une
accusation contre la soci
été civile : une soci été n’a que l’ école qu’elle m érite.
En ce sens, une
r
éforme simplement cantonn ée au syst ème éducatif ne rel ève que du pur et simple traitement .
»
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