Espace scientifique et espace théologique : les Pensées de Blaise PASCAL
Publié le 16/01/2020
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Pascal, savant, vit pleinement la révolution qui arrache l’humanité à un monde clos et centré (qui est encore celui des disciples d’Aristote) pour les jeter dans un univers dont les limites deviennent inassignables et où, corrélativement, le centre le devient également (1). Telle est, à travers la limette astronomique et le microscope, la double conséquence de la révolution galiléenne. ■
L’espace de la science (celui du monde physique), c’est désormais l’espace euclidien, infini et homogène. Tout point y est centre et aucun ne l’est véritablement. Mais, alors qu’ici l’infini a chassé le centre (et avec lui : le point fixe, le repère, la divinité) laissant l’homme à l’effrayant silence des espaces physiques, le même infini permet, par le biais de la géométrie nouvelle (celle du cône) de réintroduire un centre nouveau, comme une ultime perspective. A parler le langage des physiciens, nous pourrions dire que ce nouvel espace échappe à l’isotropie puisque un point au moins y joue un rôle différent de tous les autres et que tous s’ordonnent en quelque manière à partir de lui (le sommet du cône, centre perspectif).
Désormais, la géométrie -du cône va pouvoir soutenir la théologie pascalienne. Le sommet inassignable du cône à partir de quoi tout s’ordonne, c’est le « siège » de la divinité. Installé quant à lui dans le plan (un plan qui ne nous permet point de restituer le « relief » bien qu’il en conserve la trace), le chrétien Pascal est en quelque sorte condamné à développer une théologie de la trace figurée. « Il n’est pas vrai que tout découvre Dieu et il n’est pas vrai que tout cache Dieu » (Pensées, Lafuma 444). « Ce qui apparaît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de la divinité, mais la présence d’un Dieu qui se cache » (Ibidem, Lafuma 449), Chercher Dieu (le site perspectif) par Jésus-Christ (l’invariant conservé dans les variations), c’est chercher la raison conique des effets planaires. Ainsi « Jésus-Christ est l’objet de tout et le centre où tout tend. Qui le connaît, connaît la raison de toutes choses » (Ibidem, Lafuma 449).
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On le voit, les deux espaces de la physique et de la théologie ne se recouvrent pas.
La relativité des centres entraîne« physi quement » au moins deux conséquences auxquelles on pourra réfléchir en reprenant la lecture des Pensées : 1) contre Descartes, il convient d'affirmer que ce n'est point de l'espace mondain (et des sciences qui en traitent) que l'homme doit attendre son salut et le règlement de son existence, 2) contre Descartes encore, il faut affirmer que ce monde décentré est déjà celui de !'Encyclopédie: il appartient au savant de s'installer arbitrairement en un lieu pour y unifier locale ment tel canton du savoir et ainsi " apercevoir quelque appa rence du milieu des choses ».
Alors même que l'auteur des Méditations et des Principes réaffirme que « ce n'est pas assez de connaître les raisons de quelques effets particuliers " mais que le travail du savant consiste à « accéder aux premières causes » (Lettre de Descarte:;.1 à Mersenne, du 11 octobre 1638).
Tels sont quelques-uns des thèmes que l'on retrouvera dans le célèbre fragment des Pensées sur la « Disproportion de l'Homme>) (199 de Lafuma, 72 de Brunschvicg), ainsi que dans les quatre autres fragments que l'on a choisi de présenter ci dessous.
Pascal y rappelle la nécessité de rechercher un centre, un point fixe (Lafuma 198, Brunschvicg 693), un véritable lieu (Lafuma 21, Brunschvicg 381).
Par là, on peut espérer accorder les contradictions apparentes (Lafuma 257, Brunschvicg 684) si on réussit à s'élever jusqu'à Dieu (Lafuma 208, Brunsch- vicg 435).
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