Enquête sur les principes de la morale, Appendice IV, traduction Ph. Baranger — Ph. Saltel, éd. Flammarion, 1991, p. 241-242.
Publié le 23/03/2015
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De quoi, alors, pouvons-nous bien discuter ici ? Si le bon sens et le courage, la tempérance et l'application, la sagesse et le savoir forment, de l'aveu général, une part considérable du mérite personnel, si un homme qui possède ces qualités est à la fois mieux satisfait de lui et mieux désigné à la bienveillance, à l'estime et aux services des autres qu'un homme qui en serait totalement dépourvu, si, en un mot, sont semblables les sentiments causés par ces dons et par les vertus sociales, existe-t-il une raison pour être si extrêmement scrupuleux à propos d'un mot, ou pour savoir s'ils ont droit à la dénomination de vertus ? On peut, il est vrai, prétendre que le sentiment d'approbation que font naître ces qualités, outre qu'il est inférieur, est aussi quelque peu différent, si on le compare à celui qui accompagne les vertus de justice et d'humanité. Mais cela ne semble pas une raison suffisante pour les ranger dans des classes et sous des appellations entièrement distinctes.
Enquête sur les principes de la morale, Appendice IV, traduction Ph. Baranger — Ph. Saltel, éd. Flammarion, 1991, p. 241-242.

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Textes commentés 51
En matière de morale, la philosophie sceptique ne peut être, comme
d'autres, prescriptive ; faute d'évidence des obligations universelles, elle se
doit plutôt de recueillir, le plus largement possible, les appréciations des
hommes comme autant de noms du
bien.
La tâche n'est pas plus facile, et le
lecteur aura sans doute l'occasion de lire, ici ou là, un Hume en partie victime
des préjugés de son temps.
Toutefois, le catalogue paraît complet et, pour
le
philosophe, la possibilité de le « raisonner » en séparant vertus artificielles et
naturelles, vertus utiles et agréables, en donnerait une attestation.
Au terme de ce travail, voici donc que sont comptées parmi les vertus des
qualités pour lesquelles l'individu n'a aucun effort à faire, ou qui ne lui coû
tent rien, qui seraient donc plutôt
talents que vertus.
Elles sont classées parmi
les vertus naturelles (approuvées pour l'utilité ou l'agrément qu'elles procu
rent par elles-mêmes) : qualité du jugement ou fertilité de l'imagination,
habileté, persévérance, constance, tempérance, résolution, bonne humeur,
mais aussi décence, mémoire, charme ou beauté paraissent appartenir à un
homme indépendamment de ses décisions.
C'est l'une des conséquences de la
voie sceptique empruntée, et Hume juge
« verbales » toutes les querelles
qu'on pourrait lui chercher sur ce point.
Il faut, sans doute, faire valoir d'abord l'incertitude qui accompagne la
thèse du
libre arbitre, indispensable à la distinction du volontaire et de
l'involontaire.
Elle revient à poser que l'homme pourrait, de lui-même,
commencer une action, quand toutes choses dans
le monde sont produites par
des causes, par ailleurs si difficiles à connaître ; nos inférences n'étant jamais
démontrées, il est bien possible que nous puissions avoir un sentiment de
liberté, mais l'inextricable question du
pouvoir d'agir d'une faculté supposée,
volonté ou raison pratique, demeure irrésolue, alors que la théorie des
passions offre un modèle plus simple et plus cohérent.
Dans ce chapitre de la seconde
Enquête, Hume s'appuie également sur le
fait que les langues, où se déposent les croyances des hommes,
ne font pas de
différence nette entre les vertus et les talents, et pour cause, le sens moral
attribuant à la personne des
qualités agréables d'après les seules apparences.
Alors, certes, les qualités que l'on suppose obtenues par courage paraissent
plus méritantes et, de ce fait, plus louables ; mais Hume, à la suite des
Anciens dont
il s'autorise 1
, ne fait ici qu'une différence de degré.
Il veut ainsi
corriger
le dévoiement de la philosophie par la théologie, qui a conduit à
traiter
« toute la morale comme si elle était sur le même pied que la loi civile
et, comme elle, gardée par des sanctions de récompense et de châtiment2
».
!.
Cicéron, Horace, Polybe, Plutarque et Sénèque sont cités dans ce chapitre.
2.
EPM, Appendice IV, p.
248..
»
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