ENCYCLOPEDIE: Machiavel
Publié le 19/04/2012
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(Niccolo Machiavelli, 1469-1527) Homme politique et écrivain italien. Au service de la République de Florence, il effectue plusieurs missions en Allemagne et en France auprès de Louis XII et de César Borgia. Après la prise de pouvoir par les Médicis et la chute de la République florentine en 1512, Machiavel est emprisonné et banni de la ville. Pendant son exil, il rédige son oeuvre maîtresse le Prince. Il revient à Florence en 1520 et obtient à nouveau des fonctions officielles en 1526. Admirateur de la République romaine, sa conception nouvelle de la politique est fondée sur l'imbrication de la théorie et de la pratique et sur l'importance des apparences. Oeuvres: - les Discours sur la première décade de Tite-Live (1513-1520) ; - la Mandragore (1520) ; - l'Art de la guerre (1521) ; - les Histoires florentines (1521-1525).

«
Ce n'est pas sur ses amis qu'il s'appuiera; ils se croient trop de droits sur lui.
Il cherchera
plutôt à rallier ses adversaires.
Il leur fera crédit.
Il les prendra au piège de la liberté.
S'ils ne s'y
laissent pas
prendre, alors il frappera, mais vite, et toujours en donnant des raisons.
Quand il
aura réussi à s'attacher ses sujets, il ne craindra pas de leur demander trop d'efforts : on n'aban
donne pas si vite un pouvoir pour lequel on a donné ses biens et son sang.
Les hommes s'attachent
par ce qu'ils donnent autant que par ce qu'ils reçoivent.
Ils aiment ce qui les dévore ...
Voilà quelques-unes des fameuses manœuvres de Machiavel.
Tout cela n'est pas si noir.
Faire crédit, c'est peut-être une ruse, mais on ne sait trop qui est dupé : la liberté gagne à ce sys
tème,
et le pouvoir n'est plus absolu.
Machiavel ne veut pas dire que le pouvoir soit fait pour
duper.
Il veut dire qu'il n'y a pas de pouvoir (peut-être pas de rapports humains) sans quelque
distance.
Celui qui consulte trop les autres, au lieu de les devancer vers le but, il les déçoit et les
rend à leur inertie.
Celui qui ne les consulte jamais et se décide dans le secret, entend trop tard les
objections; il faut
au dernier moment qu'il se ravise, et pour finir il cède au dernier qui a parlé.
C'est d~jà le mot de Lénine, qu'un chef ne doit pas être loin devant les masses, ni marcher avec
elles :
il doit les précéder, d'un pas seulement.
Pour faire ce que les hommes veulent, il faut choisir
cette action qui est la leur, mais qu'ils ne voudront pas tout seuls.
Pour leur faire du bien, il n'y
faut pas trop penser; pour être bon, il ne faut pas vouloir être bon.
La force d'âme, la virtù que
Machiavel exige du prince, ce n'est pas l'astuce ou la ruse, c'est cette maîtrise de ses bons senti
ments
comme de sa colère qui fait qu'il peut écouter sans complaisance et commander sans
offense.
« Un prince doit s'efforcer de se faire une réputation de bonté, de clémence, de piété, de
loyauté, de justice; il doit d'ailleurs avoir toutes ces bonnes qualités, mais rester assez maître de
soi pour en déployer de contraires, alors que cela est expédient ( r).
» Machiavel ne connaît pas
de règle morale qui s'impose du dehors au pouvoir, mais comme une règle intérieure de la vie
à plusieurs
qui l'oblige à tourner au bien et qui exclut l'oppression : « On peut sans injustice
contenter le peuple, non les grands; ceux-ci cherchent à exercer la tyrannie, celui-là seulement
à l'éviter.
..
Le peuple ne demande rien que de n'être pas opprimé (2).
» Il n'est pas pour les vices
contre les vertus.
Mais pas davantage pour les vertus contre les vices.
C'est que, dans la vie
à plusieurs, les vertus appellent le mépris.
Et à bon droit.
Car toute vertu déclarée, qui se sait et
se prend pour but, est finalement mépris d'autrui.
Machiavel est au-delà des vices et des vertus.
Il n'y a pour lui qu'une vertu, la liberté souveraine de celui qui est revenu des vertus non moins
que des vices.
On dira peut-être que lui-même ne s'est pas tenu à cette règle, qu'il s'est rallié à des médiocres
et qu'il a manqué sa vie faute de vertu.
Républicain, on ne voit pas qu'il ait mesuré le pouvoir des
Médicis à
ses propres canons.
Les espoirs fondés sur le fils de Laurent, c'était l'aventure.
Ils lui
ont valu la rancune des républicains, sans lui donner la confiance des Médicis.
Mais l'objection
ne vaudrait que si Machiavel avait eu le choix entre l'aventure et un prince selon ses vues.
Il peut
se faire qu'il ait fort bien compris ce que le pouvoir doit être pour être honorable, et que son
temps
ne lui ait rien proposé de semblable.
Nous avons la vertu facile, parce que nous vivons dans
un monde assez riche en hommes et en moyens pour que le choix politique soit aussitôt un choix
des fins.
Machiavel, lui, vivait dans un temps où la grande affaire était d'empêcher les Français,
les Espagnols ou le Pape de piller l'Italie- et de constituer contre eux un Etat.
Qu'il ait cherché
à user d'un pouvoir tout fait au lieu de bâtir de toutes pièces une cité populaire, c'était raison
nable dans l'état des choses.
D'ailleurs, ce n'est justement pas sa conduite qu'on lui reproche, mais
d'avoir dans son livre détruit les idoles.
C'est lui qui fait l'éloge de Brutus, et c'est Dante qui le
damne.
On ne lui pardonne pas d'avoir laissé là le Pouvoir Légitime et d'avoir en politique remis
l'homme en face de l'homme.
Ce reproche-là est sa gloire.
(1) Le Prince, chap.
XVII.
(2) Le Prince, chap.
IX.
103.
»
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