Encyclopédie des sciences philosophiques - Hegel
Publié le 22/03/2015
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La substance de l'esprit est la liberté, c'est-à-dire le fait de n'être pas dépendant d'un Autre, de se rapporter à soi-même. L'esprit est le concept effectivement réalisé qui est pour lui-même, qui a lui-même pour objet. C'est dans cette unité, présente en lui, du concept et de l'objectivité que consistent en même temps sa vérité et sa liberté. La vérité — comme le Christ, déjà, l'a dit — rend libre l'esprit ; la liberté le rend vrai. Cependant, la liberté de l'esprit n'est pas simplement une indépendance à l'égard de l'Autre à l'extérieur de l'Autre, mais une indépendance à l'égard de l'Autre conquise dans l'Autre, — elle ne parvient pas à l'effectivité par la fuite devant l'Autre, mais par la victoire sur lui. L'esprit peut sortir de son universalité abstraite étant-pour-soi, de sa relation à soi simple, il peut poser en lui-même une différence déterminée, effective, un Autre que ce qu'est le Moi simple, par conséquent un négatif ; et cette relation à l'Autre est, pour l'esprit, non pas simplement possible, mais nécessaire, parce qu'il parvient, grâce à l'Autre et à la suppression de celui-ci, à s'avérer comme cela même et à être en fait cela même qu'il doit être selon son concept, à savoir l'idéalité de l'extérieur, l'Idée retournant, de son être-autre, en elle-même, ou — si on
l'exprime plus abstraitement l'universel se différenciant lui-même et étant-auprès-de-et-pour-soi dans sa différence. L'Autre, le négatif, la contradiction, la scission, appartiennent ainsi à la nature de l'esprit. Dans cette scission réside la possibilité de la douleur. C'est pourquoi la douleur n'est pas venue du dehors à l'esprit, comme on se l'imaginait lorsqu'on soulevait la question [de savoir] de quelle manière la douleur était venue dans le monde. Pas plus que la douleur, le Mal, le négatif de l'esprit infini étant-en-et-pour-soi, ne vient à l'esprit du dehors ; il n'est, au contraire, rien d'autre que l'esprit se plaçant à la pointe de sa singularité.
Encyclopédie des sciences philosophiques, lll. Philosophie de l'esprit, Addition au § 382, trad. B. Bourgeois, Paris, © Vrin, 1988, p. 392 sq.
«
Textes commentés 53
Si les choses de la nature ont leur centre hors d'elles (la
pesanteur), l'esprit a son centre en lui-même : tout ce qui, pour lui,
est, procède de lui-même ; partout, donc, il est auprès de lui, chez
lui : il est libre.
L'être ne peut être, échapper à la contradiction qui
en ferait un non-être, que si, en son sens,
il a la structure de ce que
Hegel appelle le
« concept».
Celui-ci est l'identité à soi qui
enfante (
« conception » ), crée ses différences ou déterminations,
et par là, de façon pleinement immanente et indépendante, se
donne un riche contenu et
se fait totalité concrète.
Une telle auto
détermination ou liberté du concept existe, un tel sens se réalise,
dans l'esprit, concept qui est ainsi pour lui-même, objet à lui
même.
Puisque l'esprit est alors l'identité du sens (le concept) et
de la réalité ou objectivité, ou -pour reprendre un langage
traditionnel -l'adéquation de l'intellect et de la chose, il est
vérité, liberté réalisée, tout comme la liberté est la vérité en son
principe idéal.
Vérité et liberté ne font qu'un dans l'esprit.
Il apparaît donc que la liberté n'est telle que parce que l'identité
à soi de l'être libre, au lieu d'avoir hors d'elle, comme sa limite
négatrice, la différence ou l'altérité, l'a en elle en tant qu'elle se
différencie, s'aliène en elle-même, et peut de la sorte triompher de
l'altérité dont elle dispose puisqu'elle la pose.
L'esprit n'est lui
même, libre, qu'en
se niant, auto-négation où resplendit son
affirmation.
Rationalisation du thème chrétien du Dieu qui
s'incarne, meurt et ressuscite.
Mais, pour Hegel, l'auto-négation de
l'absolu lui est essentielle ; l'esprit n'est qu'à s'extérioriser ou
manifester.
Une telle scission intérieure par laquelle il s'oppose,
en son identité alors réfléchie en elle-même comme un Soi
singulier, à sa substance universelle différenciée comme à un tout
qui lui est autre, c'est là, pour lui, l'épreuve même du Mal au
dedans de lui-même.
Mais la réconciliation ou rédemption est
d'autant plus intense que l'aliénation
ou le Mal a été plus intime..
»
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