En quoi l'esclavage et la misère peuvent-ils accompagner l'accroissement des richesses ?
Publié le 27/02/2008
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l'accroissement des richesses ? Ces effets sont-ils évitables ou bien sont-ils coextensifs à tout accroissement desrichesses ?
Plan
I.
L'accroissement des richesses : entre contrainte et liberté
Il est nécessaire d'emblée de remarquer que la notion d'accroissement des richesses ne peut aller de pair avecla notion, tout aussi fondamentale, qui est celle de travail.
C'est en effet par le travail qu'est rendu possiblel'accroissement des richesses.
Dire que l'accroissement des richesses peut-être la source paradoxale dubonheur et de la liberté mais aussi de l'esclavage et de la misère c'est mettre en évidence les contradictionsinhérentes au travail lui-même.D'un côté l'accroissement des richesses par le travail a été vu comme une funeste nécessité pour dépasserune nécessité naturelle animale, de l'autre, il a été loué comme l'expression et le garant de la liberté humaine.Cette dualité esclavage/liberté contient trois formes particulières.L'étymologie du mot travail rend l'idée d'une souffrance.
Tripalium, d'où le travail est né, était en latin letriangle de bois qui maintenait tranquilles les bêtes difficiles à marquer ou à ferrer.
Le travail du bourreau étaitsingulièrement la torture qu'il infligeait aux prisonniers.
Quant à celui de la femme enceinte, il désignait lesdouleurs de l'enfantement (la femme « en travail »).
La Bible fait du travail la conséquence du péché originel,et la Grèce antique établit un lien si étroit entre le travail et l'esclavage que la liberté y est inséparable.
Onvoit donc qu'en tant que l'accroissement des richesses est dépendant du travail, qu'il est lui-même issue decette même nécessité qui enchaîne l'homme à la nature.Le protestantisme réhabilitera le travail : la marque de la fatalité qui pèse sur l'être humain est aussi le moyend'y échapper.
Dans sa Phénoménologie de l'Esprit, Hegel montre l'esclave se libérant de sa servitude grâce à cequi constitue sa servitude même : travailler, c'est prendre du recul par rapport à son corps, à sa jouissanceimmédiate.
C'est aussi donner de soi une forme objective reconnaissable par autrui.
Grâce au travail, l'esclaveprend conscience de lui-même, et par conséquent se met en position de libération future.
Ce qui avilit l'hommepeut donc l'élever au-dessus de lui-même.Une autre contradiction sépare la nécessité (naturelle) liée au besoin et le droit (social) lié à la justice.
Il n'y apas satisfaction sans acquisition et pas d'acquisition sans travail : le geste de cueillir un fruit au paradis estdéjà un travail, et quand bien même des fleuves de lait et de miel couleraient qu'il faudrait les rejoindre et s'ypencher pour boire.
La distance entre le besoin et sa satisfaction ne peut être annihilée – excepté dans nosrêves d'abondance qui nous font oublier qu'il n'y a pas de vie sans effort.D'un autre côté, les progrès techniques et les crises économiques ont écarté, à partir de la révolutionindustrielle, un nombre grandissant d'hommes du travail.
La proclamation d'un droit au travail est à la fois juste,scandaleuse et paradoxale.
Juste parce que sans travail les hommes ne peuvent plus satisfaire leurs besoins,donc ne peuvent plus mener une vie normale d'homme, scandaleuse parce que dès lors qu'un droit estproclamé les choses ne vont plus de soi, paradoxale enfin puisque si le travail était une nécessité il n'y auraitnul besoin d'en faire un droit.
On n'imagine pas un droit à la digestion ni un droit au sommeil.
Justement « droitau travail » cela signifie que le travail a perdu son lien avec la nécessité naturelle et qu'il est désormais unedonnée sociale et historique parmi d'autres.L'artisan produit de ses mains et de son cerveau une œuvre où il peut se reconnaître : celle-ci est son habiletématérialisée.
Ce plaisir d'une reconnaissance de soi commence avec les jeux de l'enfant.
Hegel reconnaissaitdans cette confrontation entre l'être humain et la réalité objective une origine de la conscience.
Travaillerc'est modifier la réalité telle qu'elle est pour la remplacer par une réalité telle qu'elle sera pour nous.Mais le travail est aussi la négation la plus brutale de soi lorsqu'il n'appartient plus à celui qui l'exerce.
Marxmontre dans le Capital comment le travailleur moderne est séparé à la fois de sa force de travail (qu'il a vendu)et du produit de son travail (qui ne lui appartiendra plus jamais).
S'exprimer c'est sortir de soi-même pour seretrouver ; être aliéné (que l'on songe à l'usage psychiatrique du mot), c'est être perdu à jamais : le travail estséparé du travailleur.Comprenons donc en ce sens que l'accroissement des richesses, en tant qu'il est ordonné à une certaineorganisation sociale autour du travail, produit des effets somme toute ambivalents.
Et pour l'instant il sembleque ces effets, si paradoxaux et contradictoires soient-ils, lui sont coextensifs.
II.
L'accroissement des richesses : disparité entre soi et autrui
A l'origine du travail, il y a toujours un homme qui travaille, mais l'on ne travaille jamais seul.
Le travail est uneactivité sociale, collective, même lorsqu'il s'effectue de manière solitaire ou indépendante.
En fait, travailler etfaire partie d'une société s'équivalent.
C'est pourquoi le chômage est une tragédie non seulement économiquemais également psychologique : celui qui a perdu son travail a perdu une part essentielle de son être, la.
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