En quoi les pratiques culturelles révèlent-elles une appartenance sociale?
Publié le 04/10/2014
Extrait du document
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perçues par les agents comme allant de soi, comme exprimant des choix souverains.
Cela
explique aussi pourquoi, dans les milieux fortement dotés en capital culturel, il va de soi que l’on
aime la musique baroque et le jazz et que l’on ne va pas visiter une ville sans fréquenter le musée
dés lors qu’il présente un certain intérêt culturel.
Cet habitus est lui même incorporé au cours du processus de socialisation (primaire et
secondaire).
Par exemple, même si la relation n’a rien de mécanique, il existe un lien fort entre
les pratiques de lecture des parents et le goût pour la lecture des enfants.
Plus
fondamentalement, la socialisation permet d’acquérir un type de langage, de prendre
l’habitude de certains centres d’intérêt, elle donne une aisance et une familiarité dans le rapport
aux oeuvres culturelles.
Dans certains cas d’ailleurs (voir les travaux de Michel Pinçon et
Monique Pinçon-Charlot sur la bourgeoisie) les oeuvres d’art font partie du patrimoine familial
et l’intérêt pour les productions culturelles fait l’objet de normes sociales très contraignantes.
A
l’inverse (voir les romans d’Annie Ernaux) dans certains milieux défavorisés, l’intérêt pour
certains produits culturels, considérés comme étrangers à l’univers familial et social, fait l’objet
d’un discrédit.
Cela joue même sur la socialisation scolaire où, dans certains cas, les bons élèves
sont traités de « bouffons ».
Socialisation familiale, influence de l’école, influence des groupes de
pairs, poids des normes sociales, facteurs économiques : autant de facteurs qui se combinent et
qui font que, selon Pierre Bourdieu, il existe une « loi » qui fait que le capital culturel va au
capital culturel.
B.
La théorie de la légitimité culturelle et les limites de la démocratisation de la
culture
Ce processus de reproduction des inégalités culturelles est paradoxal dans une société
démocratique où les progrès de la scolarisation ont été importants, où l’Etat a mis en place des
politiques culturelles visant à démocratiser l’accès à la culture et où les dépenses du poste «
culture et loisirs » du budget des ménages augmentent.
On constate, de fait, une tendance à
l’augmentation de la proportion des diverses catégories sociales qui participent à des activités
culturelles et certains sociologues se demandent si, sous l’effet du développement d’une « culture
de masse », on n’assiste pas à une certaine indifférenciation des pratiques culturelles.
Il semble
bien qu’il n’en soit rien et la participation aux diverses pratiques culturelles reste fortement
influencée par le milieu social d’origine et par le milieu social d’appartenance.
La théorie de la
socialisation comme intériorisation et incorporation de l’habitus explique bien cette
détermination sociale des pratiques culturelles.
Mais pour rendre compte de la persistance de ces
inégalités culturelles, il faut prendre en compte la théorie de la légitimité culturelle.
Celle-ci
s’inscrit dans une théorie plus large de la reproduction sociale qui souligne que les hiérarchies
sociales ne sont pas naturelles et ne sont pas produites une fois pour toutes.
Il existe, comme
l’écrivait Pierre Bourdieu : « une lutte de classe pour le classement ».
Les catégories dominantes
ne peuvent conserver leur position qu’au prix de la mise en oeuvre d’une série de stratégies
visant à leur conserver le contrôle des différentes catégories de capitaux : capital économique
bien sûr, mais aussi capital social, capital symbolique et capital culturel.
Dans cette approche, les
pratiques sociales et en particulier la consommation et les pratiques culturelles, permettent aux
individus et aux groupes de se distinguer, de marquer une barrière avec les catégories sociales.
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