En quel sens peut-on parler de conscience collective ?
Publié le 26/07/2012
Extrait du document
Durkheim a eu le mérite de s’affronter avec la question de la conscience collective. Mais en réifiant, le concept de « société, pour ne retenir dans l’expression que les causes collectives, en y cherchant une sorte d’idole morale, en faisant complètement l’impasse sur la dimension de la conscience, il a largement manqué la perspective qu’il venait d’ouvrir. Ce sont ces erreurs qui ont finit par jeter un discrédit sur la notion de conscience collective qui a pourtant une importance essentielle. De ce fait, la sociologie reste une discipline dont les résultats sont assez minces. Elle n’est pas parvenue à unifier les différentes disciplines scientifiques, afin de mieux cerner la complexité de l’humain comme elle était pourtant sensée le faire. La représentation scientifique résultant de l’analyse tend au cloisonnement et à une extrême fragmentation. Notre vision de l’homme est éclatée en une multitude de disciplines plus concurrentes que complémentaires et qui manquent singulièrement d’esprit.
«
(Napoléon débarquant au golfe Juan après son évasion).
Le point de vue de l’histoire est horizontal, il suit la ligne tracée par une chronologie.
L’historien s’attacheexclusivement à la compréhension du passé.
Par contre, le point de vue du sociologue se situe d’avantage dans l’actuel, il vise plutôt un phénomène général (cf.
larumeur, le suicide), dont il tente de dégager des lois.
Il n’y a pas de lois en histoire, parce qu’elle ne comporte pas de généralités, et si on en trouvait, elles serattacheraient à la sociologie plus qu’à l’histoire.
Le sociologue tente de rendre compte d’un phénomène dans sa structuration et son fonctionnement collectif.
Parexemple, la rumeur est un phénomène remarquable par lequel une pensée se répand, comme une traînée de poudre, suivant des conditions qui doivent pouvoir êtreprécisées.
L’attachement de l’adolescent postmoderne à des marques de vêtements ou de chaussures est très typique et a bel et bien un caractère collectif.
Il doit êtrepossible de décrypter ce phénomène social en partant d’enquêtes.
Le travail de l’ethnologie consiste à aller à la rencontre des cultures différentes de la culture occidentale en marge de l’occident, pour tenter de les comprendre.
Allerétudier les indiens Jivaros, Hopis, les Bororo, les tribus du Mexique qui descendent des Aztèques, etc.
L’œuvre de Claude Lévi-Strauss a dévoilé cette immensediversité humaine que nous ignorons en occident et montré à quel point nous sommes portés à l’ethnocentrisme.
Disons que la différence entre l’ethnologie et lasociologie vient du fait que le sociologue travaille sur ses contemporains, dans notre société occidentale et qu’il adopte un point de vue qui ne s’appuie pas sur unecomparaison entre société archaïque et société moderne.
La différence entre la sociologie et l’économie politique n’est pas très nette et le plus souvent, elles sont, en tant qu’enseignement, associées.
La tâche de l’économiepolitique est de déchiffrer le fonctionnement du système de l’échange économique et sa structure.
L’économie politique se sert de concepts fondamentaux tels queceux de valeur d’usage, de salaire, de valeur d’échange, de taux d’intérêt etc.
par analogie, on dira de même, que la linguistique étudie un autre système, celui de lalangue.
3) Maintenant, qu’est-ce tout qu’un fait social ? Nous pourrions penser d’emblée à tout phénomène se produisant en société et ayant une ampleur caractéristique ; ouencore, à un type de comportement ayant caractère collectif : par exemple, les phénomènes de foule, mais aussi le phénomène de la rumeur, la mode, les coutumesdiverses dans leur inscription contemporaine, le rituel institutionnel et religieux, les habitudes sociales liées au travail, les habitudes de consommation, les usagesconcernant l’habillement, des phénomènes typiques de comportements tels que le mariage, la naissance, le suicide, ou encore, les comportements liés au loisir, lesformes de révolte collective etc.
On pourrait construire une sociologie de la rumeur, une sociologie du mouvement punk, une sociologie de la mode, une sociologie duvacancier, une sociologie de la mort en occident etc.
(texte)
Mais ce n’est pas la définition à laquelle s’attache Emile Durkheim, premier sociologue du nom.
Le fait social, selon Durkheim, se caractérise en ce qu’il est d’abordun type de conduite extérieure à l’individu et s’imposant à lui.
Ce sont les tâches dont chacun d’entre nous s’acquitte en fonction d’engagements qui sont préétablis,et dont la définition se situe en dehors de nous.
Ce sont les obligations sociales qui nous incombent de droit, les croyances et les pratiques religieuses, les pratiquesdans lesquelles nous souscrivons un contrat, le système de signes du langage avec lequel nous communiquons, le système des échanges, etc.
Tout système dont se sertl’individu mais qui existe avant lui, et qui existera encore après lui.
Comte avait insisté sur l’idée selon laquelle nous devons tout à la société, selon laquelle la sociétéexiste avant l’individu.
Le fait social, selon Durkheim, est caractérisé par son pouvoir de contrainte s’exerçant sur l’individu.
Les fait sociaux sont « des manièresd’agir, de penser et de sentir extérieures à l’individu, et qui sont douée d’un pouvoir de coercition en vertu duquel elles s’imposent à lui ».
Curieusement, Durkheimse réfère immédiatement aux règles du droit que l’individu ne saurait violer en société sans encourir une sanction, à la morale et à ses obligations.
Ce serait donc envertu d’une contrainte implicite issue de la « société », que l’individu se soumettrait aux conventions sociales, s’habillerait suivant les usages de son pays ou de saclasse etc.
Pour que cet ordre de faits reçoive une consécration à part entière, il faut qu’il soit nettement distingué d’autres phénomènes qui pourraient se rattacher à une sciencedifférente de la sociologie, et auxquels on pourrait les ramener.
Il faut être assez précis.
Les faits sociaux se distinguent des phénomènes vivants dont traite labiologie.
Ils se distinguent aussi des phénomènes psychiques dont traite la psychologie.
Ils ne sont pas réductibles aux phénomènes matériels dont traite la physique.Ils caractérisent non pas une individualité ou une conscience particulière, mais une conscience collective.
« Ainsi dans une assemblée, les grands mouvementsd’enthousiasme, d’indignation, de pitié qui se produisent, n’ont pour lieu d’origine aucune conscience particulière.
Ils viennent à chacun de nous du dehors et sontsusceptibles de nous entraîner malgré nous ».
Il y a une puissance autonome de la conscience collective qui s’exerce sur l’individu.
Elle est présente, comme nousl’avons vu, dans la formation de l’opinion et son rôle, elle est la puissance du conformisme, la prescription des moeurs et le diktat de la mode.
Elle forme unestructure d’influence qui s’exerce sur chacun.
Durkeim évoque à ce propos les phénomènes de foules dans lesquels l’individu semble comme dépossédé de sa raisonpersonnelle : « des individus, parfaitement inoffensifs pour la plupart, peuvent, réunis en foule, se laisser entraîner à des actes d’atrocité ».
Ce cas de la violencecollective est en fait symptomatique d’une phénomène plus global : « ce que nous disons de ces explosions passagères s’applique identiquement à ces mouvementsd’opinions, plus durables, qui se produisent sans cesse autour de nous ».
Cette idée de conscience collective ouvre en effet des perspectives nouvelles.
Mais la sociologie naissante ne s’est gère préoccupée de la préciser et encore moinsd’examiner le lien entre la société et la conscience.
Inscrite dans l’attitude naturelle et son réalisme, la sociologie a surtout cherché à justifier l’existence d’une entitéà part, « la société », pour en rechercher l'action sur l’individu et sa causalité intrinsèque.
Chez Durkheim, l’idée de contrainte sociale est le concept qui joue ce rôle.Elle est tellement constitutive du concept de fait social selon Durkheim, qu’il la déploie partout, jusqu’à en donner l’exemple dans l’éducation : « toute éducationconsiste dans un effort continu pour imposer à l’enfant des manières de voir, de sentir et d’agir auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé.
Dès les premierstemps de sa vie, nous le contraignons à manger à boire, à dormir à des heures régulières, nous le contraignons à la propreté, au calme, à l’obéissance ; plus tard, nousle contraignons pour qu’il apprenne à tenir compte d’autrui, à respecter les usages, les convenances, nous le contraignons au travail etc.
».
Définir la société par la contrainte qu’elle exerce sur l’individu est assez étrange.
Il est vrai que la Modernité,a vanté les mérites du sacrifice social, de l’héroïsme dudevoir, comme elle a sacralisé le travail.
Dans un tel contexte, on pouvait, avec Auguste Comte, voir dans l’Humanité un « grand être » auquel chacun devait un culteet voir dans la société l’unique Tout auprès duquel l’individu n’est rien.
Il y a chez Durkheim une volonté très explicite de restaurer une morale absolue, une volontéde montrer que c’est la « société » qui est fabricatrice d’idéal.
L’homme postmoderne aurait plutôt tendance à exacerber son individualisme.
Il n’adhère pas à lasociété pour l’héroïsme du devoir social, mais parce qu’il cherche seulement à profiter de ses avantages.
Cependant, ce que Durkheim présente comme l’essence dufait social, est une forme d’explication qui peut être aisément détournée sur le plan psychologique.
On a pu écrire que la postmodernité est une société qui courtéperdument après l’adolescence.
Si on part de la psychologie de l’adolescent, on peut dire avec lui : « c’est la société qui nous contraint à suivre la morale », « c’est lasociété qui nous inculque des connaissances », « qui nous imposent des lois », « qui nous impose la politesse et le respect» etc.
Il est très facile de tout rejeter surl’entité « société », la morale, la religion, la loi, la culture, le travail, etc.
Cela permet à l’individu de se situer dans l’opposition, en dehors de la pensée, de touteobligation et de toute contrainte.
Ce qui est commode pour justifier ma liberté naturelle, « liberté de faire ce que je veux, sans que la société m’en empêche » !B.
La constitution de l’objectivité en sociologie
Admettons que l’entité « société » se constitue effectivement comme une réalité en soi, existant indépendamment de moi.
Mais que peut-on expliquer de cettemanière ? Peut-on vraiment prétendre que la morale est seulement « imposée » du dehors par la « société » ? La connaissance, est-ce seulement ce qui est « inculqué »à titre de savoir par la « société » ? Pourrions-nous respecter une règle de droit, si elle n’était que l’effet d’un pouvoir de contrainte extérieur de la « société » ? Êtreautonome, n’est-ce pas, comme le mot l’indique, se donner à soi-même la loi ? Tout ce que nous considérons comme venant de la société, tout ce que nous pensonscomme subi par l’individu, peut aussi bien être considéré comme étant voulu par lui.
Toute ce que je projette sur l’entité « société » a son origine dans ma propresubjectivité.
A y regarder de plus près, si nous étions un peu plus lucide, peut-être découvrions-nous que ce que ce nous surimposons sur l’entité « la société », a sonorigine en nous-mêmes, n’existe que par l’individu qui ne fait que perpétuer, par répétition, imitation et conformisme des structures que l’on appelle au bout ducompte « structures sociales ».
Or la différence de point de vue est extrêmement importante.
Autant d’un point de vue théorique que d’un point de vue pratique.
La « société », si je la considèrecomme extérieure et réelle, m’écrase sous le poids de son extériorité et de sa réalité, je ne peux rien.
Que peut donc un individu face à la "société"? Elle est seulementun poids de contraintes.
Tandis que si je la considère de l’intérieur, comme ayant son origine en moi, je peux comprendre que la société, c’est avant tout ce qui est.
»
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