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En quel sens peut-on dire que le monde ne serait pas visible sans l'art ?

Publié le 22/09/2005

Extrait du document

Cependant, la thèse qui soutient que l'art révélerait le monde est discutable, car elle repose sur le présupposé selon lequel il y aurait une vérité derrière ce monde d'illusion, et que cette « vérité « mériterait d'être vue plus que le monde qui nous est donné. Mais si la vérité était quelque chose dont on pouvait vraiment s'emparer, cela n'aurait-il pas déjà été fait depuis longtemps ? Depuis le temps que les hommes courent après la vérité, comment se fait-il qu'ils ne l'aient toujours pas acquise ? La croyance en la vérité, nous rappelle  Nietzsche, n'est en fait qu'une manière de cacher sa soif de pouvoir. La prétendue vérité permet à ceux qui la postulent de soutenir qu'ils ont raison, d'affirmer leur moi, de flatter leur ego, de s'illusionner eux-mêmes et d'ainsi illusionner les autres en assurant détenir la vérité. L'idée de la vérité constitue une source de puissance parce qu'elle permet à l'homme de convaincre ses comparses en prétextant une soi-disant « objectivité «. La vérité n'est ainsi qu'une autre forme d'illusion, un tour de passe-passe à l'aide duquel les plus malins séduisent les plus crédules. En réalité, ainsi que l'écrit Nietzsche, « les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont. « (Vérité et mensonge au sens extra-moral, I). La réalité du monde est donc bien plutôt celle de l'illusion et l'illusion humaine a cela de supérieur qu'elle est une illusion créatrice.

 

Analyse du sujet :

 

-          Pendant longtemps, l’art a été considéré sur le modèle de l’imitation : on affirmait que l’art se contentait de reproduire ce qui existait déjà dans la nature.

-          Suivant cette conception, l’art aurait pour tâche de conserver ce qui n’est plus, de figer dans le temps ce qui ne ferait sinon que passer.

-          Cependant, on assure maintenant que l’art a peut-être une tâche plus métaphysique, car l’art nous révèle quelque chose du monde, quelque chose qui serait resté caché à nos yeux sans lui.

-          L’artiste pourrait être ainsi un génie qui voit la réalité du monde et qui parvient à la montrer à ses pairs.

-          Mais cette conception est inféodée à l’hypothèse de la vérité. Pour qu’elle soit fondée, il faudrait que, d’une manière objective, le génie voie la vérité du réel.

-          Or l’art est également profondément subjectif et il est problématique aujourd’hui de soutenir qu’une œuvre d’art est plus « vraie « qu’une autre.

-          Peut-être est-ce justement là qu’est la fonction la plus essentielle de l’art : nous montrer à quel point ce monde est subjectif ?

 

 

Problématisation :

Le sujet pose problème parce qu’il sous-entend que sans l’art, nous passerions à côté du monde, que nous ne le verrions pas. Or, on a tendance à considérer que l’art est quelque chose de secondaire, qu’il y a d’abord le monde, et que l’art vient ensuite. Sous-entendre que le monde ne serait pas visible sans l’art, c’est admettre que ce que l’on voit avant l’existence de l’art, ce n’est pas le monde, ou en tout cas, pas le vrai monde. Comment se pourrait-il que l’art change notre regard sur le monde à tel point qu’il nous permette de le voir vraiment ?

 

« L'art comme révélateur. 2. Mais l'art imitatif ne nous trahit-il pas autant qu'il nous informe ? Au livre X de la République , Platon explique que pour un seul lit, on peut imaginer trois niveaux de réalité : le niveau le plus vrai, c'est l'Idée du lit en soi, Idée quiexiste dans le monde intelligible et qui ne peut être l'œuvre que d'un Dieu.

Ledeuxième niveau, c'est le lit réalisé par l'artisan.

Ce lit est un exemple particulier delit, une apparence engendrée par l'Idée.

Le troisième niveau, c'est le lit de l'artiste,qui est une copie du lit de l'artisan, et donc une apparence de l'apparence. C'est pourquoi Platon se trouve justifier d'écrire que : « L'art de l'imitation est doncbien éloigné du vrai, et c'est apparemment pour cette raison qu'il peut façonnertoutes choses : pour chacune, en effet, il n'atteint qu'une petite partie, et cettepartie n'est elle-même qu'un simulacre.

» ( République , X, 598b) D'après Platon l'art imitatif nous trahit, puisqu'à chaque « copie » de l'original, ilperd quelque chose.

L'artiste offrirait ainsi à voir une version dégradée du réel. Pour que l'art ne nous trahisse pas, il faut donc que ce qu'il nous montre, ce ne soit pas une copie du réel, mais le réel lui-même. C'est d'ailleurs ce que croient certains penseurs pour qui l'art révèle le réel.

Pour eux, l'art est un mode d'accèsprivilégié à la réalité, un mode d'accès direct à la vérité, alors que le monde qui nous environne est illusoire. Ainsi pour Schopenhauer, l'art est « une connaissance spéciale qui s'applique à ce qui dans le monde subsisteen dehors et indépendamment de toute relation, à ce qui fait proprement parler l'essence du monde et lesubstratum véritable des phénomènes (…).

Son origine unique est la connaissance des Idées ; son but unique, la communication de cette connaissance.

(…) Il arrête la roue du temps, les relations disparaissent pour lui ;ce n'est que l'essentiel, ce n'est que l'Idée qui constitue son objet.

» ( Le Monde comme volonté et comme représentation , III, 36) On peut alors considérer que, de ce point de vue, l'art nous permet de voir le monde, puisqu'il nous montre lavérité elle-même, la vérité nue, alors que nous baignons dans l'illusion. L'art comme perspectivisme. 3. Cependant, la thèse qui soutient que l'art révélerait le monde est discutable, car elle repose sur le présupposéselon lequel il y aurait une vérité derrière ce monde d'illusion, et que cette « vérité » mériterait d'être vue plusque le monde qui nous est donné. Mais si la vérité était quelque chose dont on pouvait vraiment s'emparer, cela n'aurait-il pas déjà été faitdepuis longtemps ? Depuis le temps que les hommes courent après la vérité, comment se fait-il qu'ils ne l'aienttoujours pas acquise ? La croyance en la vérité, nous rappelle Nietzsche, n'est en fait qu'une manière de cacher sa soif de pouvoir.

Laprétendue vérité permet à ceux qui la postulent de soutenir qu'ils ont raison, d'affirmer leur moi, de flatter leurego, de s'illusionner eux-mêmes et d'ainsi illusionner les autres en assurant détenir la vérité.

L'idée de la véritéconstitue une source de puissance parce qu'elle permet à l'homme de convaincre ses comparses en prétextantune soi-disant « objectivité ». La vérité n'est ainsi qu'une autre forme d'illusion, un tour de passe-passe à l'aide duquel les plus malinsséduisent les plus crédules. En réalité, ainsi que l'écrit Nietzsche, « les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont.

» ( Vérité et mensonge au sens extra-moral , I). La réalité du monde est donc bien plutôt celle de l'illusion et l'illusion humaine a cela de supérieur qu'elle estune illusion créatrice. En effet, l'homme s'invente un monde à son image, il ne se contente pas de recevoir le réel, il l'interprète.

Maisce qu'il retiendra du monde, c'est l'interprétation, qui seul s'imprimera en son esprit.

D'où l'assertion deNietzsche selon laquelle : « Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations.

» ( Volonté de puissance , Tome I, Livre II, chapitre 2, §133) Oscar Wilde s'approche d'une conception similaire des choses.

Pour lui, par exemple, la Nature est notrecréation : « Les choses sont parce que nous les voyons, et ce que nous voyons, et comme nous le voyons,. »

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