En quel sens la connaissance scientifique peut-elle être un désenchantement du monde ?
Publié le 13/03/2004
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HTML clipboardIl est fréquent que le langage, quotidien ou journalistique, fasse allusion aux «mystères de la science«. Ce que désigne cette expression, c'est aussi bien les mystères que la science peut résoudre que les résultats paradoxaux ou les démarches énigmatiques (pour qui n'y est pas initié) qu'elle met en oeuvre. Si, au premier sens, la science parvient à enrichir les connaissances en nous proposant les solutions de ce qui paraissait antérieurement «mystérieux«, cela signifie-t-il qu'elle constitue, tant par sa démarche que par ses résultats, un désenchantement du monde?
I La connaissance scientifique comme dévoilement de la réalité
II Connaître c'est ne plus rêver
III le désenchantement comme l'exercice de la vérité
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Introduction
Il est fréquent que le langage, quotidien ou journalistique, fasse allusion aux «mystères de la science».
Ce quedésigne cette expression, c'est aussi bien les mystères que la science peut résoudre que les résultats paradoxauxou les démarches énigmatiques (pour qui n'y est pas initié) qu'elle met en oeuvre.
Si, au premier sens, la scienceparvient à enrichir les connaissances en nous proposant les solutions de ce qui paraissait antérieurement«mystérieux», cela signifie-t-il qu'elle constitue, tant par sa démarche que par ses résultats, un désenchantementdu monde?
I.
Que peut-être un monde enchanté ou enchanteur?
— C'est celui de l'enfance : tout objet, toute forme de vie, y obéit à une intention, y est doté d'une présencesubjective (cf.
Comte, état théologique, ou Piaget).— C'est celui du passé: contes et légendes (Merlin «l'enchanteur») où interviennent des forces et des êtrescapables de surmonter irrationnellement n'importe quel obstacle et de produire des effets «miraculeux» (par magie,par le pouvoir des formules sacrées, par la force du langage).— C'est bien le monde d'avant la science — en Occident et ailleurs:• en Occident, cf.
la complicité que les Grecs entretenaient avec une nature proche d'eux, tout entière habitéed'esprits et de divinités;• hors d'Occident (dans les sociétés «primitives») cf.
la non différenciation entre naturel et surnaturel.— Point commun: un monde enchanté, c'est un monde où il peut arriver, sinon n'importe quoi (le surnaturel obéit luiaussi à des lois), du moins des événements beaucoup plus variés, plus surprenants et plus «poétiques» que ceuxauxquels nous nous attendons d'un point de vue rationnel ou scientifique.— Recours à Comte, plus complet: le monde enchanté, c'est encore celui des états théologique et métaphysique.«Enfance» de la connaissance humaine que revit chaque individu dans ses premières années, lorsqu'il prête à laGaronne l'intention ou la volonté de ne pas couler à travers Paris.
II.
Pourquoi la science rompt ces enchantements
— Principe d'objectivation générale: il y a rupture entre la Nature (désormais constituée d'objets déspiritualisés) etl'esprit connaissant.— Substitution d'un déterminisme rigoureux (schématiquement: une cause, un effet) aux déterminismes complexeset multiples de la magie.— Principe d'efficacité: les objets, une fois expliqués dans leur fonctionnement et leurs relations, deviennentmaîtrisables.— Le monde devient un domaine à exploiter de façon rentable, il prête moins à rêver, il a perdu ses aspectsmystérieux.
III.
D'autres formes possibles d'enchantement
— Il existe toutefois une «poésie» propre à la connaissance scientifique:• pour le mathématicien, l'univers des nombres et des relations constitue un monde indéfiniment explorable et quiréserve des surprises;• la connaissance astronomique ou physique empêche sans doute de prêter des intentions aux planètes ou auxneutrons, mais elle propose à l'imagination de nouveaux espaces (infiniment grand, ou petit) où trouver desoccasions de rêverie, sinon de délire.— La mutation d'une mentalité est lente pour passer de l'enchantement pré-scientifique à l'enchantementscientifique, mais rien n'interdit de concevoir que des formes artistiques ou littéraires s'élaborent pour exalter lesecond (poésie didactique — cf.
en son temps Lucrèce — plus près de nous Queneau et Le Chant du Styrène).
Cf.la science-fiction (même si bien souvent elle témoigne d'une vive inquiétude face aux retombées techniques ou'politiques de la science).— Le techno-scientifique produit des modes spécifiques d'émerveillement — auxquels on s'habitue très vite, par lesimple usage, et c'est pourquoi on les perçoit mal ou peu: spectacles (cinéma, hologrammes), communication (TV).
Conclusion
Il est incontestable que l'enchantement ancien du monde ne peut être connu par la société scientifique que sous unangle désormais fictif, critique ou nostalgique.
Mais outre que la science est capable, dans ses retombées.
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