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Empirique et expérimentation : Expérience vulgaire et expérience scientifique

Publié le 04/09/2015

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scientifique

A. Elle en diffère d’abord par son origine, c’est-à-dire par la façon dont elle s ’acquiert.

 

Il n’y a rien de systématique, de méthodique, ni même d’intentionnel, dans l’activité par laquelle s’acquiert le -savoir empirique. Pourquoi le cultivateur sait-il que le blé ne réussit pas dans sa région ou dans tel de ses champs, que telle espèce de pommes de terre est préférable ? Parce que les gens de son pays, ses ascendants ou lui-même ont constaté que le blé n’avait d’ordinaire qu’un rendement médiocre, qu’avec une variété particulière de pommes de terre, on obtenait habituellement une excellente récolte. Jamais le paysan qui en est au stade empirique n’a semé un sillon pour voir le résultat, pour s’instruire : il ne sème que pour récolter.

 

Au contraire, dans les champs d’expérience d’une école d’agriculture, les semis ont pour but essentiel, non pas la récolte, mais le savoir : les maîtres désirent connaître la valeur d’une semence ou d’un engrais et surtout apprendre à leurs élèves comment s’acquiert le savoir.

 

En somme, le paysan qui se contente des procédés empiriques de culture peut bien acquérir, en observant et en réfléchissant sur ce qu’il a observé, une véritable expérience; à proprement parler, il ne fait pas d’expériences. Ne méritent le titre d’expérience que les essais ayant pour but le savoir

scientifique

« médicale.

Les médecins empiriques, ou ,;implement les « empiriques », étaient des médecins qui profes-saient de ·se guider d'après l&.

seule expé­ rience, sans faire aucun appel, comme les « dogmatiques n, au raisonne­ ment ni même à la c.onnais·sance de l'anatomie.

Cette expérience, d'ailleurs, loin d'être strictement personnelle, comp-ortait surtout des traditions plus -ou moins ,;ecrètes que les membre-s de la secte 1se transmettaient, des recettes dont la magie n'était pas absente.

Aussi LITTRÉ peut-il dé.finir 1' « empirique '' : « un homme qui traite les maladies par des remèdes secrets, et sans aucune notion -scienti.fique du corps et de ses maladies ».

A la médecine empirique s 'o·ppose la médecine expérimentale dont Claude BERNARD a fixé la méthode et pour laquelle le levier du progrès consiste dans l'expérimentation.

Mais comme l'expérimentation en médecine e,st limitée par le re-spect dll à l'homme et que, par ailleurs, il faudrait être médecin pour donner des exemples convenables, nous nous adresserons à un autre domaine du sav-oir : l'agronomie.

Le paysan qui, après son école primaire, n'a appris ,;on métier que par le travail de ,;es terres, a des connaissances agricole-s, tout comme l'ingénieur agronome qui dirige les services agricoles du dépar­ tement.

Mais il y a des différences fort sensibles entre les connaissances de l'un et celles de l'autre.

Il.

Ressemblances.

- Relevons d'abord ce que présentent de commun le ,;av-oir empirique du paysan et le savoir expérimental de l'ingénieur agronome.

Les adjectifs '' empirique " et cc expérimental n ont la même étymologie : tous deux dérivent du grec 7tEtp:x, qui -signifie : épreuve, expérience, essai Cette identité d'origine est déjà suggestive.

Effectivement, en effet, le sens fondamental des termes dérivé,; de cette racine n'a pas changé : la connaissance empirrique, comme la connai,;sance expériment&le, a son origine ctans l'expérience, c'est-à-dire dans un contact immédiat avec l'objet connu lui-même.

Ces deux sortes ,de cQnnai•&sance s'oppüsent aux connai·ssances innées admises par certains philosophes, ainsi qu'à celles que le mathématicien acquiert par simple déduction à partir de ,propositions données.

Pour qu'une connaissance soit empirique ou expérimentale, il n'est pa,; nécessaire que toutes les ex,périences d'où elle dérive soient exclusivement personnelle-s : les expériences des autre·s, elles aussi, sont instructives.

Le savoir de l'ingénieur agronome est fondé sur les travaux de ses maîtres et de leurs devanciers beaucoup plus que sur se·s travaux personnels.

De même, le jeune paysan a reçu de •son père une masse de connaissances acquises par 1 'expérience de plusieurs générations de cultivateurs qui ont travaillé sur les terres qu'il exploite aujourd'hui.

Cependant, une connaissance fondée exclusivement sur l'expérience des autres et puisée -soit dans les livres, soit dans la tradition familiale ou locale, ne mériterait pas le qualificatif d' « empirique " ou d' « expéri­ mentale "· La connaissance empirique, comme la connaissance expéri­ mentale, requiert une certaine part d'expérience personnelle .qui donne au savoir résultant de l'expérience des autres sa portée et 'SU signification.

Faute d'expérimenter pel.'sonnellement, on n'acquiert pas des connaissances réelles, mais simplement : soit des connaissances purement UQtionnelles, sans rapport avec la réalité - c'est le cas de l'ingénieur qui se contente cl 'étudier dans les liYre~ -; soit des routines étrangrres ù la naie connaio-. »

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