Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, Première partie : Doctrine du droit.
Publié le 27/10/2012
Extrait du document
«
Vouloir établir la paix perpétuelle implique l’existence d’une Constitution entre États, qui
ait un rôle d’harmonisation.
Chaque État jusqu’à présent n’a œuvré que par rapport à ses
propres intérêts : il y a sur le plan pol itique un égoïsme comparable à celui auquel tout individu
est tenté d’obéir avant sa découverte de la loi morale universelle qui est en lui.
Ne prenant la
guerre comme fin suprême des ses préparatifs intérieurs, l’État ne fait que confirmer cette
tendance égoïste et se prive de tout salut .
À cette fin mal définie — le fait qualifier de
« suprême » est en contradiction avec son caractère local ou national —, il s’agit d’opposer
entre fin — celle de la paix — comme authentiquement suprême — puisque aucune ne peut
l’excéder sur le plan politique.
La volonté et la recherche de la paix perpétuelle procède en effet par l’universalisation :
ce qui est obtenu en politique intérieure (paix entre les citoyens) doit désormais se généraliser
en politique extérieure (paix entre les États).
Il s’agit donc de reconnaître la nécessité d’une loi
interétatique qui pourra contredire et empêcher la tendance spontanée de chaque État.
Dans ce
cas, on retrouvera un salut à la fois général pour tous les États à la fois et particuli er pour
chaque État.
La paix internationale est donc un devoir pour les États de même nature que le devoir
moral pour tout individu.
Il s’agit en conséquence d’y travailler, de tendre toutes les volontés
vers cette fin comme si la réalisation devait suivr e.
Et Kant de reprendre ici dans une dimension
politique la sentence, le précepte moral pour tout individu: « Si tu peux, tu dois).
Par contraste pour mieux faire ressortir la thèse kantienne, on peut se tourner vers
Spinoza pour qui, dans son Traité de l ’autorité politique, la paix, en priorité entre les citoyens
d’une nation, n’est pas une simple absence d’hostilités, mais une situation positive.
À partir de
quoi on soulignerait que la paix n’ est pas un s impl e fait dont on bénéficie en fonction de
circon stances favorables, mais résulte bien de l’ activité morale des hommes.
Spinoza affirme
d’ailleurs dans le m ême écrit que la vie humaine se définit, non point par la circulation du sang
et les différentes autr es fonctions du règne ani mal, ma is surtout par l a raison : vraie valeur e t
vraie vie de l’esprit — ce qui préfigure tout à fait la conception kanti enne, mais Spinoza
n’envisage pas encor e la qu estion de la paix dans sa dim ension internationale, qui constituerait
de ce point de vue un e avancée pr opre à la philosophie de s Lumières pour laquelle l’ universalité
qui devint prioritaire — au-delà des particularismes locaux ou nationaux — pour pe nser
l’humanité.
Ne doit-on pas objecter à cette défense radicale de la paix qu’elle trouve rapidement
ses propres li mites.
Que peut et doit faire un État lorsqu’il est agressé militairement par un autre
État puissant ? Pour accéder à la fin ultime qu’est la paix, ne faut -il pas avoir recours à des
moyens a- ou immoraux ? N’y a -t- il pas nécessairement des distorsions ou des incompatibilités
entre l’ordre politique et les exigences morales ? L’éthique de la responsabilité qui doit prévaloir
en politique n’est pas toujours conforme, loin s’en faut, à l’éthique de la conviction.
Ne faut -il ici ne voir d’une utopie, un veux pieux, généreux, mais inaccessible ?
Ce plaidoyer inconditionnel en faveur de la paix semble ne pas devoir tenir suffisamment
compte de la réalité politique et morale.
Les réflexions kantiennes sur la paix sont souvent
convoquées comme une anticipation sur ce que seront les efforts des organisations
internationales comme l’ancienne S.D.N.
ou aujourd’hui l’O.N.U.
On sait bien que ces dernières
n’ont pas su empêché les guerres de continuer entre l es États .
Cela signifie -t- il que la position
de Kant est seulement utopique au sens d’ eu-topia, lieu de bonheur comme non- lieu, donc en
un sens négatif, donc proprement irréalisable ? Kant lui-même est tout près de le penser : il se
peut que la paix perpétuelle ne soit qu’une « chimère », « qui peut -être ne sera pas ».
Il n’en.
»
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