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Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique

Publié le 09/11/2022

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« Exemple d’explication de texte Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique : La peur de la mort qui est naturelle à tous les hommes, même aux plus malheureux, et fût-ce au plus sage, n’est pas un frémissement d’horreur devant le fait de périr, mais comme le dit justement Montaigne, devant la pensée d’avoir péri (d’être mort) ; cette pensée, le candidat au suicide s’imagine l’avoir encore après la mort, puisque le cadavre qui n’est plus lui, il le pense comme soi-même plongé dans l’obscurité de la tombe ou n’importe où ailleurs. L’illusion ici n’est pas à supprimer ; car elle réside dans la nature de la pensée, en tant que parole qu’on adresse à soi-même et sur soi-même.

La pensée que « je ne suis pas » ne peut absolument pas exister ; car si je ne suis pas, je ne peux pas non plus être conscient que je ne suis pas.

Je peux bien dire : je ne suis pas en bonne santé, etc., en pensant des prédicats de moi-même qui ont une valeur négative (comme cela arrive pour tous les verba 1) mais, parlant à la première personne, nier le sujet lui-même (celui-ci en quelque sorte s’anéantit) est une contradiction. Proposition d’explication : L’anthropologie est la science qui étudie les faits qui nous distinguent en tant qu’espèce des autres animaux.

Or l’homme a la singularité d’être la seule espèce à accomplir des rites funéraires.

Dès lors, comment ne pas s’interroger sur ces rites présents dans toutes les cultures, sur ces sépultures qui témoignent à la fois de notre conscience de notre mortalité et de notre inquiétude concernant la mort ? Pourquoi l’homme cherche-t-il à cacher ou à faire disparaître ses morts ? Être le seul animal conscient de sa finitude, implique-t-il nécessairement d’être hanté par la frayeur de sa propre disparition ? Dans cet extrait de l’Anthropologie du point de vue pragmatique, Kant explique cette peur proprement humaine par le fait que la mort est à la fois impensable et inéluctable. Personne ne peut se représenter sa propre mort, elle ne se pense pas, on ne peut même pas l’imaginer car la pensée et la mort s’excluent l’une l’autre : pour penser, il faut vivre. Kant précise dans un premier temps la nature de cette crainte (« La peur de la mort (…) n’importe où ailleurs.

» l.1-5) : ce n’est pas l’événement lui-même qui fait véritablement peur mais le fait d’être mort, c’est-à-dire de n’être plus.

Ainsi toutes les images qu’on se forge de la mort décrivent un changement d’état de l’individu et non une radicale négation de soi.

Puis, dans un deuxième temps (« L’illusion ici (…) une contradiction.

» l.6-12), Kant affirme que la peur de la mort est indépassable car elle tient à la nature même de notre conscience : nous savons que nous sommes mortels, et pourtant nous sommes incapables de nous représenter notre propre anéantissement, car le « Je » ne peut pas penser logiquement qu’il n’est pas. Il est un constat que chacun peut faire : tous les hommes ont peur de la mort, c’est une vérité universelle.

Qu’il soit ignorant ou « sage », heureux ou « malheureux », l’être conscient se sait mortel et craint, au plus profond de lui, cette mort inéluctable. 1 Verba : attributs d’un verbe Pourtant ne peut-il pas arriver que certains individus veuillent mourir et semblent par là même totalement affranchis de la peur de mourir ? Kant va montrer que même si les « plus malheureux » semblent parfois souhaiter leur mort, c’est parce qu’ils s’en font une image illusoire.

Le « plus sage », quant à lui, croit qu’il suffit de méditer sur la mort pour ne plus la craindre : déjà Platon disait dans le Phédon que « philosopher, c’est apprendre à mourir », et cette idée est commune aux grandes écoles de la philosophie antique (stoïcisme et épicurisme).

Or pour Kant, la sagesse ne permet pas mieux que l’ignorance d’envisager sa propre mort sans crainte et en toute tranquillité d’âme : le sage et l’ignorant sont égaux devant la peur de la mort. Il cite pourtant Montaigne qui pense justement que la sagesse consiste à apprivoiser l’idée de sa propre mort.

Tandis que la plupart des hommes fuient la peur de la mort en y pensant le moins possible, en se divertissant de mille manières différents, le philosophe se doit de refuser de mourir dans l’aveuglement volontaire : il faut dompter sa peur en l’affrontant en face, ce qui suppose de penser quotidiennement sa mort.

Or Kant va montrer que cette pensée est impossible : si l’homme a peur de la mort, ce n’est pas parce qu’il ne philosophe pas, mais parce qu’être un homme, c’est être, par nature, angoissé par sa propre disparition. En effet, la peur est l’émotion qui naît face à ce qu’on ne parvient pas à anticiper : un danger peut survenir mais je ne sais pas précisément lequel.

La peur suppose à la fois un savoir (celui qui ignore tout du danger ne l’appréhende pas) et une ignorance (celui qui connaît tout du danger a les moyens d’agir efficacement) : la peur se traduit donc par une incapacité à agir et par un doute incessant, elle nous rend alors malheureux.

Or l’homme sait qu’il doit nécessairement disparaître, mais il ne sait ni quand ni comment – et plus fondamentalement, il ne sait même pas ce qu’est la mort.

La seule chose qu’il connaît de la mort est sa nécessité, cela s’arrête là : dès lors, comment surmonter cette peur ? Cette peur n’est d’ailleurs pas véritablement « le fait de périr », même si le passage de vie à trépas peut être craint en raison de la douleur éprouvée lors de l’agonie : Kant, en cela d’accord avec Montaigne, affirme que l’homme a moins peur de souffrir en mourant que de ce qu’il y a après.

Ce qui effraie, c’est « avoir péri », c’est-à-dire avoir disparu, n’être plus rien.

Voilà pourquoi, selon Kant, le sage ne peut évacuer cette peur de la mort en se libérant de la peur de la douleur, comme le pensait Épicure.

Pour ce dernier, la mort étant absence de sensation, elle ne peut nous faire souffrir puisque nous ne sommes plus dès lors que la mort vient nous frapper, donc il n’y a rien à craindre d’elle.

Mais ce n’est pas là, selon Kant, ce qui effraie véritablement les hommes :.... »

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