Eléments de correction Tle 8 – Devoir portant sur le texte d’Alain, extrait des Vigiles de l’esprit « Quiconque pense commence toujours par se tromper… »
Publié le 24/11/2022
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«
Eléments de correction
Tle 8 – Devoir portant sur le texte d’Alain, extrait des Vigiles de l’esprit
« Quiconque pense commence toujours par se tromper… »
1.
Contrairement à ce que la doxa [opinion commune] tend à penser, la différence entre
l’esprit juste et celui qui ne l’est pas ne se situe pas dans l’absence d’erreur.
L’esprit
juste n’est pas celui qui ne commet aucune erreur.
L’un et l’autre font des erreurs,
c’est là une nécessité (« toujours », « toutes nos vérités, sans exception »), une sorte
de loi de la pensée.
Son élaboration ne peut pas ne pas passer par l’erreur qui, au lieu
de s’opposer à elle comme on le croit habituellement, est une étape incontournable de
la vérité.
Notons que par « penser », on n’entend pas ici l’acte strict et limité de
raisonner, comme, par exemple, lorsqu’on effectue un calcul ou une démonstration,
mais, de façon plus large, l’activité de l’esprit qui cherche à connaître, qui s’interroge à
propos du monde qui l’entoure.
Penser, c’est se questionner, réfléchir, désirer le vrai.
Ce qui fait le « propre » de l’esprit juste, ce qui le définit et le distingue, c’est, non pas
tant le contenu de ses représentations, mais un « travail », c’est-à-dire un certain type
d’action et de conduite marquées par l’effort, la persévérance, et surtout la remise en
question de ses idées et certitudes.
L’esprit juste prend du recul par rapport à luimême ; il n’est pas obtus ou entêté mais capable au contraire de transformer ses
idées, de les rectifier, de les réviser.
Il concentre son attention sur l’extériorité de
« l’objet », sur la différence à laquelle celui-ci l’ouvre et l’astreint, par opposition à
celui qui se complairait dans le confort de ses fausses évidences.
2.
En affirmant qu’ « il faut une première esquisse », Alain compare l’activité de penser à
une activité artistique, le dessin.
Qu’entend-il par là ? Le dessin est un art de la
représentation ; le dessinateur cherche à produire une image du monde qui le reflète
adéquatement.
En ce sens, le rapprochement avec la connaissance semble justifié.
Mais, plus précisément, qu’est-ce qu’une esquisse ? Une esquisse est un dessin
sommaire, réalisé de manière rapide, comprenant seulement les grandes lignes de la
future composition.
Autrement dit, il s’agit d’un premier jet, d’une amorce encore
incomplète qui reste synthétique.
En même temps, ce premier tracé constitue
l’indispensable fondement de l’œuvre finale.
Il joue le rôle d’une étape incontournable,
déterminante.
On voit maintenant plus clairement le sens de la métaphore retenue par
l’auteur : pour pouvoir s’élaborer et se construire, la connaissance doit pouvoir partir
d’une première image ou idée, qui, dans sa généralité, pose un cadre, un contour au
questionnement, qui, ensuite, pourra s’affiner.
Par exemple, les physiologues ou
prédécesseurs de Socrate ont tenté de peindre le monde à travers de grands principes
(explication par les quatre éléments : l’eau, la terre, l’air, le feu).
Certes, nous n’avons
pas retenu leur physique ; la nôtre en est fort éloignée à présent.
Cependant, ils ont,
par cette première approche, généraliste, circonscrit un domaine de recherche : la
connaissance de la nature.
En affirmant certaines propositions, ils ont donné matière à
questionner et explorer, ils ont formulé des hypothèses appelant par là même leur
discussion et leur reprise.
3.
Selon Alain, « toutes nos erreurs sont des jugements téméraires » : de façon quelque
peu ambivalente, la témérité désigne habituellement une forme de courage excessif,
une audace ou une hardiesse trop grandes, exagérées.
Ainsi, nos jugements disent
plus qu’ils ne peuvent, ils s’affirment sans prudence, ils sont, en ce sens, précipités,
hâtifs.
Nous jugeons au-delà de nos propres moyens ; nous dépassons la matière dont
nous disposons effectivement.
Nous nous devançons nous-mêmes.
L’erreur n’est pas
tant manque qu’excès : notre jugement va trop loin, il outrepasse ses limites.
Par
exemple, je perçois la Terre immobile et j’observe le matin le soleil se lever, puis, le
soir, je le vois se coucher.
De là, je juge à tort que la Terre est sans mouvement et que
le soleil, lui, tourne autour d’elle.
A la manière des sceptiques, le jugement devrait s’en
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tenir à la description de ce qui est perçu en tant que seulement perçu (+ suspension du
jugement).
Mais le jugement s’empresse de formuler une affirmation portant sur la
nature de ce qui est, sur l’organisation et la structure de l’univers.
Absorbant de grandes quantités de textes, le liseur, plus encore que le lecteur
ordinaire, a tendance à lire de manière globale ; pour saisir le sens de ce qu’il lit, il ne
lit pas les mots lettre après lettre ; il n’est pas dans la même situation que le jeune
élève qui apprend difficilement à lire ! Il ne déchiffre pas, mais balaye intuitivement
l’ensemble.
De ce fait, il ne s’apercevra pas qu’une lettre manque.
Mais il n’est pas
conscient de sa propre conduite ; il ne se dit pas à lui-même qu’il ne fait que survoler
les mots par identification globale.
Ce qu’il fait ne correspond pas à la représentation
qu’il a de sa propre activité.
De même, le sujet connaissant pense que tout ce qu’il
affirme est fondé, alors même qu’il a anticipé par rapport à des éléments ou preuves
qu’il ne possédait pas.
Pour reprendre notre exemple précédent, celui qui juge la Terre
immobile, croit sincèrement avoir disposé de tous les éléments nécessaires pour
prendre position sur la question qu’il traite ; il considère que son jugement est fondé,
qu’il s’appuie sur tous les indices nécessaires.
Il ne s’aperçoit pas qu’en réalité, son
expérience est lacunaire et incomplète.
Voir le soleil se lever et sentir la terre
immobile, ne revient pas à avoir une vue complète et extérieure du système solaire luimême.
Pourtant, au moment où nous jugeons que la....
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