Du Contrat social, livre I, chapitre VIII
Publié le 22/03/2015
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«
Textes commentés 47
Le concept central de ce chapitre du Contrat social est celui de « balance » ou
de comparaison.
Contrairement à l'idée répandue et partiale qui
ne veut voir
dans la pensée de Rousseau qu'une apologie inconditionnelle de la pure
nature, nous lisons ici une sorte de
défen!'.e de la société et des progrès et
avantages qu'elle peut apporter à l'homme.
Comme on l'a vu plus haut et en
particulier dans le texte précédent, la problématique centrale de la philosophie
de Rousseau consiste dans une analyse des causes de l'injustice, de l'oppres
sion, de la méchanceté et du malheur des hommes.
C'est dans ce but que
Rousseau, pour définir la justice, est amené à s'interroger sur l'essence de
l'homme, sa nature, telle qu'on peut la penser abstraitement en le dépouillant
de tout ce que l'histoire et la civilisation ont ajouté à son image, à ses mœurs,
à ses qualités et à ses actions.
De là l'idée directrice, qui commande toutes les
analyses de Rousseau, d'une évaluation des avantages et inconvénients
respectifs de l'état de nature et de l'état civil, de
l'« homme sauvage » et de
l'« homme civil » (social ou civilisé).
Nous avons vu précédemment que
Rousseau soutient l'argumentation, paradoxale et scandaleuse en son siècle et
même encore aujourd'hui, de l'état de société comme un état
de décadence et
de perte par l'homme des privilèges essentiels
de l'état de nature : la liberté, le
bonheur, l'égalité, le
«repos » (la tranquillité d'âme et une vie affranchie des
diverses servitudes comme le travail,
le souci de paraître, la dépendance à
l'égard d'autrui, l'assujettissement au pouvoir politique et aux désirs
sociaux ...
)
Le présent texte vient après les analyses
de Rousseau sur le fondement du
pouvoir politique légitime, la volonté générale et
le pacte social.
La société du
contrat se substitue à l'« horrible état de guerre » de la société commencée
(Discours sur l'inégalité, seconde partie).
La souveraineté est alors fondée sur
une convention, et non plus sur la nature et les inégalités sociales, convention
qui fonde
« une forme d'association qui défende et protège de toute la force
commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun
s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même
et reste aussi libre
qu'auparavant» (Contrat social, 1, 6).
En ce sens, l'état civil est un artefact
par lequel l'autorité politique restitue, sous une forme artificielle (pacte,
convention, institutions, lois) les avantages dont jouissait l'homme à l'état
de
nature, en particulier la liberté et l'égalité.
La vertu, au sens que Montesquieu
donnait à ce mot dans !'Avertissement de l'auteur de
L'Esprit des lois
( « l'amour de la patrie, c'est-à-dire l'amour de l'égalité » ), la « vertu
politique
», ou encore ce que nous appelons le civisme, le sens civique, se
substitue à la solitude heureuse et à l'indépendance de l'homme à l'état
de pure.
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