Devoir de Philosophie

Doit-on satisfaire, maîtriser ou renoncer à ses désirs ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

En réalité, cette difficulté apparente souligne plutôt les limites de cette comparaison. Les hommes ne peuvent pas changer les « lettres » de leur destin, mais ils peuvent modifier leur attitude d'esprit vis-à-vis de ce qui arrive. Cette attitude, Épictète l'appelle « faire un bon usage de ses représentations », c'est-à-dire reconnaître ce qui dans l'existence ne dépend pas de nous (tous les événements de la vie) et ce qui seul en dépend (le fait d'accepter ou non ce qui arrive). Le sage qui ajuste son jugement à la nécessité ne connaîtra alors plus les tourments de ceux qui croyaient plier les événements à leur volonté. Au lieu de se lamenter contre ce qui lui arrive il sera dans cette paix intérieure que suscite la conscience de participer par notre vie à la vie divine. En effet, pour les stoïciens, chaque existence individuelle est comme le rôle qu'un acteur joue dans une grande pièce de théâtre dont l'histoire générale constitue la vie même de Dieu. Le sage qui a compris cela ne s'opposera plus inutilement au destin et il aura saisi que la vraie liberté consiste à « adhérer au destin », ce qui ne signifie pas simplement l'accepter, contraint et forcé, c'est-à-dire résigné, mais « vouloir que les choses arrivent non comme il te plaît, mais comme elles arrivent ». ■ Ce à quoi s'oppose cet extrait: Ce texte d'Épictète a pour objet de définir ce qu'on doit véritablement entendre par le mot « liberté ». Une conception contraire à la raison, et qui pour cela ne peut être que « folie », consiste à croire que la liberté se réalise lorsque « tout m'arrive comme il me plaît ». Cette définition est pourtant largement répandue, et en la faisant tenir par un « fou », Épictète souligne de manière forte combien la conception de la liberté qu'il défend ici s'oppose à elle.

« Satisfaire, maîtriser ou renoncer à ses désirs ? a) Objections de Socrate à Calliclès Socrate, dans le dialogue platonicien, interroge le sophiste à sa façon,avec l'ironie qui invite à approfondir l'examen du problème.S'il faut manger quand on a faim, se désaltérer quand on a soif, et s' «il faut avoir tous les autres désirs, pouvoir lessatisfaire, et y trouver du plaisir pour être heureux », comme l'affirme Calliclès, on en vient à poser que «c'est vivreheureux quand on a la gale et envie de se gratter, de se gratter à son aise et de passer sa vie à se gratter» (id., p.238). Autrement dit, selon Socrate, on ne doit pas mettre tous les désirs sur lemême plan.

L'agréable n'est pas forcément bon, il y a des plaisirs bons etdes plaisirs mauvais.

N'est raisonnable et souhaitable que la satisfactionde certains désirs.Plus précisément, souhaiter satisfaire certains désirs, nos passions par exemple, c'est ignorer qu'une tellesatisfaction est impossible.

Il y a des désirs sans limite, insatiables, qu'on ne peut pas plus contenter qu'on ne peut«remplir des tonneaux percés avec un crible troué de même» (id., p.

237).

Celui qui ne renonce pas au désir desatisfaire tous ses désirs, est un être déraisonnable, un insensé qui, loin d'être heureux, est perpétuellementtourmenté, menant «une existence inassouvie et sans frein ». A une telle existence, Socrate préfère «une vie réglée, contente etsatisfaite de ce que chaque jour lui apporte » : une vie raisonnable. b) Un idéal moral : limiter ses désirs Socrate esquisse là un idéal moral classique, que l'on retrouve dans toute l'histoire de la pensée occidentale.

Lebonheur est bien le fruit d'une satisfaction des désirs ; mais pour y parvenir, le sage, qui réfléchit et raisonne, saitque pour satisfaire ses désirs, le meilleur moyen est encore de les limiter, puisque plusieurs sont nuisibles ou sourced'inquiétude.

Ce thème est présent en particulier :— chez les Épicuriens : le bonheur, plaisir stable, exclut la satisfaction, trop incertaine, des désirs ni naturels ninécessaires (ambition, vanité) ainsi que des désirs naturels mais non nécessaires (bien manger, désirs sexuels, etc.); le sage vise l'apaisement des désirs naturels et nécessaires, son hédonisme est ascétique ; — chez les Stoïciens : «Ne demande pas, conseille Épictète, que les choses arrives comme tu les désires, maisdésire qu'elles arrivent comme elles arrivent, et tu couleras des jours heureux» (Pensées, XIV). « Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout m'arrivecomme il me plaît.

- Eh ! mon ami, la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble.

La liberté est une chose nonseulement très belle, mais très raisonnable et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former desdésirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées.

Quand j'ai le nom de Dion àécrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre.

Il est demême dans tous les arts et dans toutes lessciences.

Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, onvoie régner le caprice et la fantaisie.

Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non commeil te plaît, mais comme elles arrivent.

» Épictète, Entretiens, trad.

J.

Souillé, Les Belles Lettres. Ce que défend ce texte: Ce que ne voit pas le « fou », selon Épictète, concerne le fait que les événements n'arrivent jamais « comme nousles avons pensés », et que nous ne pouvons jamais les modifier pour les soumettre à nos désirs, car ils ne font quedéployer un destin qui nous dépasse.Pour illustrer cette thèse, Épictète utilise une comparaison: « Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que jel'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre.

» L'ordre de ces lettres estsemblable à l'ordre des événements qui « écrivent » le cours de mon existence.

De même qu'il est impossible dechanger une lettre (car c'est nécessairement avec celles-là que s'écrit le nom de Dion), il est de même impossiblede changer le cours des événements de ma vie, car c'est nécessairement avec ceux-là qu'elle se déploie.Bien écrire et respecter la bonne orthographe des noms est chose importante.

Mais il est encore plus important debien vivre, c'est-à-dire de se soumettre à ce que nous dit notre raison, en respectant le cours de notre destinée,par une adhésion pleine et entière à la nécessité qu'elle déroule.

Or c'est ce que ne comprennent pas ceux quiveulent que tout arrive comme il leur plaît.

Ils respectent sans problème l'orthographe des noms et se refusent à lamodifier à leur fantaisie.

Toutefois, « sur la chose [...] la plus importante de toutes les choses », leur liberté, ilsn'hésitent pas à vouloir faire régner cette fantaisie, en essayant de changer les événements au gré de leur bonvouloir.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles