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Doit-on chercher le bonheur à tout prix ?

Publié le 25/08/2005

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Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc. ! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience. [...] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, cad représenter des actions d'une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils que pour des commandements de la raison ; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie... » Kant, « Fondements de la métaphysique des moeurs ». L'objet de la « Dialectique » de la raison pure pratique, c'est le souverain bien , défini comme l'accord de la vertu et du bonheur, dont nous avons besoin en tant qu'êtres doués d'une sensibilité. La vertu et le bonheur sont liés dans le concept du souverain bien. Par suite, il faut déterminer la nature de cette liaison, de cette unité. Ou bien elle est analytique et il faut affirmer l'identité de la vertu et du bonheur ; ou bien elle est synthétique et il faut dire alors que la vertu engendre le bonheur. Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, stoïcisme et épicurisme, ont adopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais elles l'ont conçu de façons différentes. Tous deux se trompaient en ceci qu'ils considéraient l'unité du concept de souverain bien comme analytique, alors qu'elle est synthétique ; en d'autres termes, leur erreur commune était de considérer comme identiques deux éléments hétérogènes ou du moins de regarder l'un des deux comme faisant partie de l'autre : « Le stoïcien soutenait que la vertu est tout le souverain bien et que le bonheur n'est que la conscience de la possession de la vertu, en tant qu'appartenant à l'état du sujet. L'épicurien soutenait que le bonheur est tout le souverain bien -et que la vertu n'est que la forme de la maxime à suivre pour l'acquérir, cad qu'elle ne consiste que dans l'emploi rationnel des moyens de l'obtenir.

« ne jamais être comblé.La première et principale leçon d'Epicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter desdésirs naturels.

Vivre en accord avec la nature consiste d'abord à ne pas céder au vertiges des désirsillusoires.

Epicure les nomme vains, notre époque parlerait d'une course à la consommation.Il y a plus.

Certes tout plaisir est un bien en soi.

Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles.

Certestoute souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile.

Il ne faut pas recherchertout plaisir, ni fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences.

Il ne faut pas céder àl'attrait de l'immédiat, mais avoir une certaine intelligence du plaisir.

On voit que nous sommes loin de l'imagedu « bon vivant », de celui qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s'offrent à lui.Epicure va même jusqu'à prôner une certaine austérité.

Il faut dit-il « savoir se suffire à soi-même » ; celaveut dire savoir se contenter de peu.

Car « Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, mais tout ce quiest vain est difficile à avoir.

»L'habitude de vivre simplement met à l'abri des coups du sort, tandis que l'habitude de vivre richement y rendplus vulnérable.

De plus l'habitude, par exemple, d'une bonne table, de mets précieux, transforme ce qui étaitau départ un plaisir (manger tel plat raffiné) en habitude voire en besoin.

Privé de ce superflu dont je me suisrendu dépendant, je vais en souffrir par ma propre faute.

Par contre, le sage épicurien se réjouira d'une tablesomptueuse, mais ne souffrira pas de son absence ; car il a compris que ce n'est pas l'objet qui crée le plaisir,mais la cessation du désir, du manque.

Naturellement, ce n'est pas tel grand vin qui me fait plaisir, mais de neplus avoir soif.

S'habituer aux grands crus, c'est se condamner et à y trouver moins de plaisir, et à souffrir sipour une raison ou pour une autre on ne peut plus s'offrir ce produit et à ne plus être capable d'apprécier uneboisson plus « ordinaire ».Ce souci d'autarcie, d'une vie simple qui nous rende le plus indépendant possible du hasard, des coups dusort, des autres, s'explique en partie par l'époque troublée, instable pendant laquelle Epicure écrit ; uneépoque où les solidarités traditionnelles de la cité grecque se défont, où la politique est instable, oùl'économie ne l'est pas moins.Mais cela n'invalide en rien le raisonnement d'Epicure, lequel dément l'interprétation déjà présente à sonépoque de sa doctrine : « Quand nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n'entendons pas par làle plaisir des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux quiignorent notre doctrine, ou qui sont en désaccord avec elle ou qui l'interprètent dans un mauvais sens.

Leplaisir que nous avons en vue est caractérisé par l'absence de souffrances corporelles et de troubles de l'âme.Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles des jeunes garçons et des femmes, les poissons et lesautres mets qu'offre une table luxueuse, qui engendrent la vie heureuse, mais la raison vigilante qui rechercheminutieusement les motifs de ce qu'il faut rechercher ou éviter, et qui rejette les vaines opinions grâceauxquelles le plus grand trouble s'empare de l'âme.

» Ceux qui vivent en cédant à l'attrait du plaisir immédiat, qui cultivent les désirs vains, qui accordent uneimportance extrême aux objets de leurs désirs, ceux-là n'ont rien compris au plaisir, et se condamnent à lasouffrance.La vraie philosophie du plaisir est celle, apparemment austère, d'Epicure.

Celle qui prône le plaisir, mais guidépar la raison vigilante.

Si le véritable épicurisme semble austère, proche de l'ascétisme, on conclura par unesentence d'Epicure : « Dans les autres occupations, une fois qu'elles ont été menées à bien avec peine, vientle fruit ; mais, en philosophie, le plaisir va du même pas que la connaissance : car ce n'est pas après avoirappris que l'on jouit du fruit, mais apprendre et jouir vont ensemble.

» Le tétrapharmakon et le bonheurPour être heureux, il faut devenir son propre médecin.

Appliquer des principes qui nous permettent de ne pluscraindre les dieux, de ne plus avoir peur de la mort, de savoir gérer ses désirs, en distinguant les nécessairesdes superflus, et de savoir endurer la douleur.

Ainsi, le plaisir devient la finalité de la vie.

Un plaisir biencompris: non pas la débauche (non naturel et non nécessaire), mais un plaisir modéré par la prudence et laréflexion (naturel et nécessaire) [Le bonheur n'est pas la finalité de la vie humaine.

Il ne faut pas le rechercher à tout prix. C'est la moralité qui donne du sens à l'existence et nous rend dignes d'être heureux.] Le bonheur est trop capricieuxS'il est vrai que nous aspirons tous au bonheur, il faut reconnaître également son caractère très aléatoire.Malgré les conseils d'Épicure, nous n'avons jamais aucune garantie d'être heureux.

Le bonheur se révèlehasardeux, et même parfois injuste.

N'y a-t-il pas des vicieux heureux et des vertueux malheureux ?Comment, dès lors, pourrait-il être la finalité de la vie ?. »

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