Dissertation : Peut-on arrêter le progrès ?
Publié le 08/04/2024
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La fin de 19ᵉ siècle, marquée par la Révolution Industrielle et la multiplication des réseaux ferroviaires en
Europe s’accompagne de l’essor d’une nouvelle religion, celle du progrès.
Baudelaire, à l’Exposition
Universelle de 1855, prend témérairement le contrepied de cette tendance, en affirmant que le progrès est
une quête indéfinie qui ne relève pour autant d’aucune transcendance et donc d’aucune religiosité.
C’est-àdire que le progrès ne procède pas d’autre chose que lui-même : on dira qu’il n’est pas transcendant mais
immanent et est uniquement le résultat d’une volonté humaine, celle a priori de fabriquer des outils
permettant de modifier son environnement, plus qu’une volonté morale d’ériger l’individu en norme
universelle par exemple.
Mais si le progrès technique est inhérent aux hommes et leur est “immanent”, la
question ne se poserait pas, puisque si l’on estime que le progrès dépend des hommes, il est par définition
contingent.
Dès lors, arrêter le progrès serait d’emblée possible au sens de contingent, en ce cas-là faut-il
interpréter le progrès technique comme une permission morale, voire même aborder la dimension morale du
progrès.
Mais c’est dans les deux cas une définition très réductrice du progrès.
Ce dernier peut tout aussi bien ne pas
dépendre des hommes, auquel cas, ils les déterminerait et les mettraient hors d’atteinte de lui nuire.
Or si
aucun homme ne peut arrêter le progrès, qui le peut ? Là non plus, on ne peut pas établir de liens avec une
quelconque possibilité ou une permission morale de mettre un terme à ce progrès, puisqu’il devient une
nécessité imposée aux hommes.
Il conviendra alors de clarifier, quand il le faudra, de quel progrès il s’agit.
Est-ce le progrès technique, ou le
progrès moral, même s’ils peuvent sembler symétriquement opposés ?
Cela nous amène à nous poser les questions suivantes : au nom de quoi affirme-t-on que le progrès n’est pas
transcendant mais relatif aux hommes et en quoi cela justifierait-il qu’il puisse être arrêté ? Si l’on comprend
que le progrès échappe aux hommes, qu’il revêt un caractère nécessaire, pourquoi envisager de disserter sur
son éventuelle contingence ? Ne faut-il pas alors interpréter la possibilité comme relevant d’une dimension
morale ?
I.
Le progrès est techniquement arrêtable, car il provient d’une
volonté, quoiqu’illusoire, des hommes, de maîtriser
intégralement l’environnement qui nous entoure
1.
A.
A priori, les hommes ont la permission morale d’arrêter le progrès
Il n’y a à première vue pas d’obstacles à une vie naturelle.
Rien ne dispense les hommes de ne pas vivre dans des sociétés mues par le progrès
Rousseau : l’homme par nature
En réalité, le progrès n’aurait très bien pu ne jamais avoir lieu, car il est le fruit d’interactions en société.
En
d’autres termes, selon Rousseau c’est la société qui a perverti un homme bon par nature en le coalisant dans
des sociétés de plus en plus complexes.
Puisque le progrès est contingent, il aurait pu ne pas être et aurait
donc pu ne pas avoir à être arrêté à travers l’histoire.
Il y a donc là une certaine légitimité à plaider contre
une société qui obéit à la loi du progrès, si l’on estime qu’elle dénature l’homme.
Il est de ce fait
envisageable, permis, possible moralement de vouloir arrêter le progrès.
C’est d’ailleurs pourquoi certaines
personnes se réclament anti-pub depuis la massification de l’accès à la télévision.
Ces dernières accusent la
publicité, notamment de faire émerger chez eux (au sens propre et figuré) des désirs non voulus qui
dénaturent leur rapport à leurs envies personnelles et qui ne peuvent donc pas être arrêtés.
Mais vouloir quelque chose n’équivaut pas à œuvrer pour cette chose.
Clamer tout haut la négation de
l’adage “on n’arrête pas le progrès” n’est certainement pas suffisant pour changer toute une société.
C’est en
ce sens que Redecker qualifie le combat des anti-pubs de vain et malhonnête intellectuellement.
De plus, a-t-on déjà vu des sociétés à l’état sauvage ? N’y a-t-il pas par définition une contradiction entre
nature et histoire ? Il s’agit donc d’analyser la possibilité d’arrêter le progrès, plutôt que la permission
2.
B.
Toute l'histoire de l'humanité (telle qu'on la voit) est une histoire de lutte des
hommes
L’histoire, c’est l’ensemble des constructions humaines qui ont formé les sociétés.
Le développement des sociétés est dû à une lutte menée par les hommes contre la nature ( pour se protéger
des dangers naturels) et la sauvagerie (Se définir par la civilisation)
C’est en ce sens que le mot forêt procède du mot latin "Silva" qui signifie Sauvage.
Par opposition, l’homme a employé la "Domus”, c'est-à-dire la domestication d'une force naturelle pour
l'adapter à ses besoins.
Cette dernière est externe : nous nous mettons à l'abri des menaces de la nature, si
bien que nous nous sommes rendus indépendants de la nature (travail de nuit…) et elle est à ce point
domestiquée qu'on la dénature (Poulet en batterie ⇾ viande sur patte)
Le progrès technique devient alors une victoire inouïe sur une puissance hostile dont nous sommes presque
devenus maîtres (nous sommes en meilleure santé, nous résistons aux séismes…).
Certes, le progrès
technique peut sembler continu, mais il procède d’une action humaine, donc par définition contingente et
perfectible.
De ce fait, lorsque Descartes dit que nous devons être comme “maîtres et possesseurs de la
nature” du fait du progrès technique, la comparaison implique que nous ne le soyons jamais vraiment.
Il y a donc de fortes raisons de penser que le progrès est arrêtable parce qu'il procèdera toujours, puisque
immanent, de la volonté des hommes de maîtriser intégralement l’environnement qui nous entoure.
On voit
dès lors que l’homme peut modifier la nature, l’environnement via le progrès technique dans une certaine
mesure.
Mais est-ce puisque l'on se définit par le progrès que celui-ci est éternellement croissant ?
3.
C.
Baudelaire : le progrès n’est pas garanti à jamais
Un tel progrès n’est pas atteignable (une telle quête de progrès ne pourra atteindre son but), car la technique
dépasse l'homme.
Nous sommes par ce biais entrés dans une nouvelle ère, celle de l’Anthropocène.
Effectivement, la recherche même du progrès se heurte à ses propres limites : devant les risques de
l’anthropocène, l’homme se voit contraint de s'abaisser devant la nature à laquelle il a tant nuit.
On a beau
exploiter les mers pour nous nourrir et nous fournir en électricité, ces dernières se retournent contre les
constructions humaines, décimant les digues les plus robustes lors de tsunamis.
Pourtant, il est peu
vraisemblable d’imaginer que ce combat de l’homme contre la nature, par l’intermédiaire du progrès
technique, pourra un jour s’arrêter.
Il est peu probable qu’on décide d’arrêter de perfectionner des digues
pour se protéger de mieux en mieux des tsunamis, peu importe les conséquences qu’elles occasionnent.
A
posteriori des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, la civilisation se reconstruira inévitablement sur
les lieux devenus déserts.
Et tâchera de reconstruire elle-même des bombes nucléaires bien plus
puissantes…
Le progrès semble alors tendre inéluctablement vers quelque chose d’inatteignable, en ce sens Jonas
expliquait que tout ce qui pouvait être techniquement réalisé le sera un jour.
Mais dépassé un certain seuil de
progrès technique, la civilisation est aussitôt mise en danger.
Le progrès au sens propre du terme n’est donc,
ni inarrêtable, ni à arrêter.
C’est un processus.
Mais ce processus est cyclique, car il consiste en des périodes
de destruction et de reconstruction qui procèdent d’une forte ténacité de l’espèce humaine, se construisant
des bunkers, et souhaitant même évoluer vers une nouvelle forme pour survivre au changement climatique :
le transhumain
Cette dimension cyclique des avancées techniques, c’est à dire les progrès technologiques réalisés par l’être
humain entre de ce fait en contradiction mathématique avec l’idée première que le progrès en tant que
volonté, désir de l’homme d’améliorer son environnement serait un idéal vers lequel l’homme tendrait, et
qui lui semble nécessaire pour se détacher de la nature en la transformant à son avantage.
Donc qu’il y ait possibilité ou permission de mettre un terme au progrès, dans ces deux cas, l’idée de
progrès semble inarrêtable, même si les avancées technologiques peuvent être détruites lors des phases de
destructions humaines, dans le cas d’une chute de la civilisation humaine et le passage à un monde
apocalyptique par exemple.
Mais si l’homme ne peut arrêter le progrès, qui le peut ? Peut-on alors concevoir
le progrès comme seulement mu par les activités humaines ? N’y a-t-il pas une dimension transcendante au
progrès ?
Il s’agit donc de définir autrement le progrès, car la volonté de l’Homme de créer de nouveaux objets peut
être inarrêtable, mais cela ne veut pas dire que de nouveaux objets pourront être éternellement créés, après
tout l’homme peut désirer éternellement tendre vers le progrès, mais sa capacité à transformer le monde qui
l'entoure se heurte à des contraintes qui le dépassent, qu’elles soient d’ordre naturelles ou simplement
humaines, c’est-à-dire inhérentes à la nature même de l’Homme.
Sont-ce alors les connaissances qui permettent l’émergence de nouveaux procédés techniques qui
définissent le progrès ?
II.
Envisager le progrès au sens des avancées scientifiques
1.
A.....
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