dissertation les sciences satisfont-elle notre désir de vérité?
Publié le 21/01/2023
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«
Les sciences satisfont-elles notre désir de vérité ?
« les sciences » : pluralité et diversité des approches de la nature (ou réalité).
« science » : connaissance objective et rationnelle de la nature établissant des lois
nécessaires entre les phénomènes étudiés et rassemblant au sein de théories, ces lois
(physique, chimie, mathématiques…).
Modèle théorique a priori pour connaître la réalité.
« satisfaire » : contenter un besoin, un désir.
« désir » : élan vital vers ce qui peut combler.
« vérité » : adéquation entre l’objet, le réel et la pensée ou le discours (langage).
Problématique : notre culture et notre société vivent sous le signe de la primauté des sciences,
considérées souvent comme seules capables de répondre à notre désir de vérité.
Si nous
expliquons que les sciences ne détiennent pas seules les moyens d’accéder à la vérité ie
qu’elles laissent quelque chose d’essentiel de côté dans cette quête, alors notre démarche a
pour conséquence de montrer que, par exemple, la philosophie, la religion voire l’art, sont à
même de satisfaire ce désir.
Paradoxe : le progrès des connaissances scientifiques n’élimine, n'épuisent pas le
questionnement philosophique.
Plus, certaines avancées techniques, qui concrétisent les
connaissances scientifiques théoriques, donnent à penser que la finalité des sciences
modernes ne serait pas la vérité mais la rentabilité, l’efficacité… en vue du bien-être matériel
(qui est une façon de définir le bonheur).
Problème philosophique : quel est le sens du terme « vérité » pour les sciences ? La pluralité
des approches scientifiques permet-elle de satisfaire le désir d’une vérité par définition
globale et une ? Le désir de vérité relève-t-il d’une démarche rationnelle hypothéticodéductive (la démonstration scientifique) ou de l’intelligence ie d'une rationalité élargie ?
Intérêt philosophique : les sciences nous fournissent-elles une connaissance intégrale de la
nature ? Quid de l’esprit, des questions morales et politiques et, encore plus
fondamentalement, des questions existentielles que les hommes ne peuvent pas ne pas se
poser ? Est-il légitime de réduire la faculté rationnelle en l’homme à sa dimension
démonstrative en science ie calculatrice ?
Notions : raison/ nature/ vérité; perception/sujet; matière/esprit ; théorie/expérience ;
religion/liberté/morale/politique ; culture/société.
Repères : subjectif /objectif ; abstrait/concret ; idéal/réel ; médiat/immédiat ; a priori/ a
posteriori ;
I Seules les sciences peuvent satisfaire notre désir de vérité.
a) point de vue épistémologique : pour l’esprit, càd la connaissance intellectuelle, nos pensées
ne sont d’abord que des opinions.
Ce terme désigne des représentations subjectives, partielles,
voire assez obscures.
La vérité, si elle existe, se caractérise par une essence ie un ensemble de
propriétés (ou prédicats) qui définissent nécessairement quelque chose, par exemple la justice,
la liberté, le bonheur… Or, sur ces notions nous constatons des divergences des points de vue.
Les jugements sont contraires voire contradictoires.
L’opinion, fruit de l’héritage culturel, est parfois proche du préjugé qui constitue le contraire
de la vérité.
En effet, nous croyons avoir un jugement vrai sur les choses, les événements
alors, qu’en réalité, nous reproduisons inconsciemment des pensées communes à notre
situation familiales et sociale.
Nos jugements sont parfois purement et simplement
idéologiques càd un ensemble de représentations collectives par lesquelles un groupe, une
communauté, justifie ses intérêts (prendre un exemple en politique, quant à la conception de
la justice sociale, un autre en histoire, quant à la signification du colonialisme, du racisme,
etc).
La pluralité des opinions nous conduirait alors au dogmatisme càd au choix d’une opinion à
laquelle nous décidons opiniâtrement de nous tenir.
Mais, logiquement, cette même pluralité
peut nous conduire au relativisme ie à l’attitude qui consiste à dire que toutes les opinions
sont également vraies.
b) point de vue métaphysique (ie philosophique) : seules les sciences, définies comme
système de connaissances établissant des relations nécessaires entre des phénomènes, peuvent
satisfaire notre désir de vérité.
La vérité, conçue comme adéquation entre la pensée et la
réalité naturelle doit échapper à l’instabilité de la perception par les sens et la pluralité des
opinions.
Ainsi, seule la raison scientifique (la scientificité) permet d’obtenir une
connaissance permanente.
Comment ? Par la méthode expérimentale qui s’impose
progressivement à tous les domaines de la connaissance.
Le rapport rationnel entre la théorie
et l’expérimentation permet d‘éviter une connaissance générale plus ou moins floue,
l’arbitraire de la subjectivité humaine et la contingence de la réalité elle-même.
Plus
précisément, ce sont les mathématiques qui, en apportant l’idée de quantité, permettent des
mesures objectives et la formulation de lois permanentes (le KM/H pour la vitesse d'un corps,
l'année lumière pour la distance-temps dans l'espace, etc).
A la différence de la philosophie ou
de la religion, les sciences peuvent se prévaloir d’une démarche instrumentale ie technique.
Bref, les sciences seules permettent de satisfaire notre désir de vérité en réduisant le plus
possible le rôle des croyances dans la connaissance de la réalité.
Les sciences mettent ainsi au
jour une loi naturelle et irréversible de l’esprit humain.
A.
Comte déclare : « Dans l’état
positif, l’esprit humain reconnaissant l’impossibilité d’obtenir des notions absolues, renonce
à chercher l’origine et la destination de l’univers, et à connaître les causes intimes des
phénomènes, pour s’attacher uniquement à découvrir, par l’usage bien combiné du
raisonnement et de l’observation, leurs lois effectives, c’est-à-dire leur relations invariables
de succession et de similitude.
L’explication des faits n’est plus désormais que la liaison
établie entre les phénomènes particuliers et quelques faits généraux, dont les progrès de la
science tendent de plus en plus à diminuer le nombre.
», Cours de philosophie positive, 18301842, Tome I, première leçon.
Conclusion : tout problème ne peut plus se poser qu’en terme
scientifique et tout autre mode d’investigation de la nature, matériel ou spirituel est
définitivement dépassé.
C’est évidemment la question de la finalité des choses et de la réalité
dans son ensemble qui est ici récusée.
Transition : la thèse comtienne présuppose que le développement de l’esprit est uniforme et
linéaire.
L’histoire des sciences montre, au contraire, que l’esprit humain en science avance
par une suite d’essais et d’erreurs.
Le cas de la mémoire de l’eau, défendue par un scientifique
français, Jacques Benvéniste, directeur de l’INSERM, est un exemple connu.
D’autre part, le
positivisme comtien présuppose que la démarche scientifique se développe isolément, sans
influence sociale politique, ce qui là encore est contesté par l’approche historique de la
constitution de la théorie darwinienne de l’évolution.
II les sciences ne sont qu’une porte d’entrée vers la vérité
a) les sciences modernes, du fait de l’utilisation des mathématiques, procèdent à partir d’un
présupposé d’abstraction à l’égard de la nature,du réel dans son ensemble (exemples :le
corps vivant est a priori assimilé à un mécanisme ; le cerveau est a priori comparé au disque
dur de l'ordinateur).
D’un point de vue épistémologique, les sciences modernes se constituent
avec Galilée, physicien et mathématicien italien (1564-1642) qui est le premier véritable
expérimentateur.
Que fait-il ? Pour connaître la réalité matérielle, il impose un modèle
géométrique mathématisé qui deviendra le paradigme de toutes les sciences.
Mais, ce faisant,
il dissocie l’union naturelle d’une matière et d’une forme pour privilégier cette dernière.
L’usage des mathématiques conduit donc à s’abstraire de la réalité telle que nous la percevons
afin de pouvoir formuler des rapports constants entre les phénomènes : mouvements des
planètes, croissance d’un végétal ou d’un animal, fonctionnement du cerveau.
Or, le premier
contact avec la réalité naturelle s’effectue par et dans la perception.
Cette dernière porte
nécessairement sur l’association d’une matière et d’une forme.
L’expérience première que
nous faisons de la réalité, par exemple d’une fleur qui se développe, inclue son odeur, son
association avec d’autres plantes, son biotope… que l’approche purement quantitative, par
exemple chimique, ne prend pas en compte.
Une connaissance vraie doit inclure toutes les
informations données dans l’expérience.
Ainsi, paradoxalement, l’abstraction qui est une
démarche seconde, conduit à une connaissance plus objective que l’expérience immédiate, qui
elle est première, mais moins vraie qu’elle car elle commence par exclure des données bien
réelles.
Les sciences ne produisent des connaissances fragmentaires qui ne peuvent pas nous fournir
une vérité globale et unique càd absolue.
Chaque science procède selon son objet propre (la
matière, le vivant et, au sein du vivant, la génétique et biologie moléculaire).
Cette diversité
des objets conduit nécessairement à une diversité des méthodes.
La vérité n’est pas l’addition
des connaissances fragmentaires de chaque science.
La pensée humaine ne peut isoler parfaitement une démarche scientifique qui serait
totalement rationnelle et sans influence de la subjectivité ou du milieu culturel propre au
chercheur.
L’histoire des sciences montre que l’idée de progrès chère à la culture occidentale a
influencée Darwin dans sa conception de l’évolution du vivant.
Mais, évoluer signifie-t-il
nécessairement progresser ? Nous partageons communément l’idée que la théorie
darwinienne de l’évolution est une théorie de la complexification et du progrès et du vivant
càd que la science démontrerait que la sélection naturelle conduit nécessairement à une
amélioration des organismes.
Or, nous savons aujourd’hui, grâce à l’histoire, que cette idée est
un raccourci très contestable.
Complexification et progrès se trouvent effectivement dans les
écrits de Darwin : « J’ai donné le nom de sélection naturelle ou de persistance du plus apte à
cette conservation des différences et des variations individuelles favorable à cette élimination
des variations nuisibles », L’origine des espèces, Paris la Découverte, 1989, p.
126.
La
responsabilité de ces deux arguments, complexité et progrès, en incombe à Herbert Spencer,
ingénieur et sociologue anglais contemporain de Darwin, très respecté à cette époque.
C’est
en effet lui qui, dans ses recherches des mécanismes régissant le fonctionnement des sociétés
humaines, forge l’expression de « survie du plus apte ».
Darwin est réticent à l’adopter, elle
n’apparaît que dans la 5e édition de l’Origine des espèces.
C’est aussi Spencer qui popularise
le terme « évolution », absent du texte de Darwin, dans une Angleterre victorienne où les
notions de changement et de progrès étaient intrinsèquement liées.
Bref, philosophiquement,
cela signifie que tout savant ne peut faire abstraction de tout, notamment les idées (croyances,
préjugés) d’une époque.
Pour Darwin, tout changement devait être pensé comme un progrès.
Ce dernier écrit que « ce perfectionnement de l’évolution conduit inévitablement au progrès
graduel de l’organisation des êtres vivants ».
Pourtant, sa position est plus nuancée, sinon
contradictoire, car il déclare ailleurs qu’il « n’existe aucune tendance innée à un
développement progressiste ».
Darwin est-il tiraillé entre la logique de sa théorie et son
conformisme à l’époque victorienne, où la notion de progrès est essentielle ? Darwin s’est-il
conformé au préjugé admettant l’existence d’un progrès ? Cela est-t-il un moyen de faciliter
l’acceptation de sa théorie ? Pour finir, indiquons que Darwin explique les caractères sexuels
dits « secondaires » par la théorie de la sélection sexuelle : ils auraient été sélectionnés par
l’avantage qu’ils confèrent aux mâles dans leur compétition pour accéder aux femelles.
Il y
voyait une préférence esthétique des femelles.
Cette approche est mise en question par Ronald
Fisher, en 1915, qui explique que chez les hirondelles rustiques par exemple, la longueur des
plumes externes de la queue est certes un gage auprès des femelles mais également le coût de
leur perte d’agilité en vol… L’histoire de la vie montre un chemin erratique, parfois
réversible.
Les sciences doivent faire abstraction, le plus possible, à la fois de la subjectivité et des idées
qui ont court à leur époque, mais ne peuvent pas les refouler totalement.
Par contre, comment
la notion de vérité pourrait-elle faire abstraction de cette réalité subjective ?
b) l’univers existe et subsiste, avant nous et après nous.
Tous les êtres ont leur signification,
puisqu’ils existent et nous donnent leurs propriétés.
Descartes (Discours de la méthode, IV ;
Méditations métaphysiques, II, III, a beau faire l’hypothèse que tout cela n’est qu’un rêve, que
l’homme est un dormeur éveillé, personne ne peut nier que cette harmonie et cet équilibre
nous est donné, avec un sens immédiat.
Donc, l’existence de l’interrogation philosophique,
l’existence des sciences, avec ses hypothèses, ses lois et ses théories, sont le meilleur signe
que le désir de vérité anime, finalise la raison humaine càd la pensée en général.
Contrairement à ce qu’affirme le positivisme d’A.
Comte, qui exclue qu’on puisse poser la
question de la finalité et de l’essence des êtres, le désir de connaître une vérité globale et
unique est naturel à l’homme.
Sinon, pourquoi les hommes chercheraient-ils à connaître ?
Les hommes adoptent différentes approches parce qu’il a désiré, désire, désirera comprendre,
comme le dit Baudelaire, « le langage des fleurs et des choses muettes ».
Les investigations
scientifiques, nécessairement parcellaires, ne sont qu’une porte d’entrée vers cette vérité de
la nature du réel dans son ensemble.
Comme le dit François Cheng, « Puisque l’univers
vivant est là, il faut bien qu’il y ait une vérité pour qu’une telle réalité, en sa totalité, puisse
fonctionner.
», Cinq méditations sur la beauté, Paris 2006, p.
26
Ainsi, la scientificité n’est pas toute la rationalité.
Comment distinguer, isoler une démarche
purement scientifique de l’esprit humain ? Est-ce seulement possible ? La scientificité n’est
pas toute la rationalité et la philosophie ne peut à elle seule apporter la vérité.
Lorsque nous
regardons l’ensemble de l’histoire de la pensée,....
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