Dissertation "dire le monde"

« Thomas Lasserre Dire le monde “Il traduit aussi le Monde, celui qui voulait s’en échapper.

Qui pourrait échapper ? Le vase est clos.” Ces vers d’Henri Michaux, tirés de la préface d’Ailleurs, expriment la tension inhérente à l’entreprise qui consiste à dire le monde.

En effet, il s’agit avant toute chose d’une traduction.

Nous reconduisons les informations du réel dans une forme d’expression, soit-elle ordinaire, mathématique ou poétique.

De plus, nous voyons ici qu’une des motivations d’une telle entreprise, est celle de s’échapper du monde : en sortir par les mots. Or, le vase est clos.

Toute évasion ne fait qu’étendre le domaine de la prison.

Il n’y a pas de dehors, le monde est le lieu de tous les lieux.

Cette conception fait naître une claustrophobie éprouvée dans un espace trop vaste.

C’est l’apeiron.

Nous serions ainsi réduit à ne dire le monde qu’en son sein, sans jamais pouvoir en sortir car il n’a pas de limites.

Retenons alors pour l’instant que dire le monde consiste à traduire dans une forme d’expression les informations du réel dont on ne peut échapper.

Or, est-ce cela dire le monde? N’est-ce pas plutôt dire des choses du monde? Peut-être faudrait-il alors dégager son essence, sa structure fondamentale.

Seulement, lorsque je dis que le monde est fait d’atomes et de vide, n’ai-je précisément rien dit du tout? Ou bien ai-je la prétention d’enfermer le monde dans un ensemble de caractères conventionnels, propres à une communauté linguistique ? Ainsi, si on ne peut s’échapper du monde par les mots, il semble qu’on puisse l’y réduire.

De cette manière, nous nous débarrassons justement de l’angoisse, nous rendons au monde des limites qui nous paraissent acceptables.

Nous circonscrivons le monde à l’aide de l’expression qu’on en fait.

Par les sens nous subissons le monde, par la parole, nous le domestiquons.

Nous concevons maintenant la parole comme est une brèche ouverte entre lui et nous, qui nous permet d’y voir clair justement parce qu'on ne voit pas tout.

Il est bien sûr légitime de questionner les fonctionnements sous-jacents d’une telle prouesse.

Comment un ensemble de signes et de règles conventionnels humains peuvent-ils, même partiellement,. »