dissertation corrigée: "faut-il se méfier des croyances ?"
Publié le 31/10/2023
Extrait du document
«
Le capitoul David de Baudrigue était convaincu que les Calas, protestants, avaient assassiné leur
fils, Marc-Antoine, pour l’empêcher de se convertir au catholicisme en 1761 et non qu’il s’était
suicidé.
Cela conduisit à l’exécution de Jean Calas, le père en 1762.
Voltaire (1694-1778) combattit
ce déni de justice en écrivant notamment son Traité sur la tolérance (1763).
Devons-nous nous
méfier de nos convictions ?
Il est vrai que nos convictions, c’est-à-dire ce que nous considérons comme vraies sans doute
possible, nous amènent à rejeter toutes les idées contraires et apparaissent ainsi comme des sortes
de fermeture d’esprit qui rendent impossibles non seulement le savoir, mais également une
attitude morale.
Il apparaît sain de s’en méfier, c’est-à-dire de les mettre à distance.
Toutefois, s’il fallait se méfier de nos convictions, on tomberait apparemment dans le scepticisme
et c’est la recherche et l’attitude morale elle-même qui seraient renversées.
Y a-t-il donc des conditions qui expliquent ou justifient que nous nous méfions de nos
convictions ?
Certaines de nos convictions, même lorsqu’elles ne sont pas prouvées, sont fondées malgré que
la raison en ait, mais elles exigent un examen, et cet examen présuppose qu’on s’en méfie pour
qu’il soit possible.
Nos convictions : l’expression désigne tout ce que nous considérons comme vraies.
Il peut s’agir
de croyances, notamment religieuses, mais également de connaissances.
En effet, lorsqu’on est
convaincu, cela peut être parce que nous avons compris et fait nôtres des preuves.
Certaines de
nos convictions sont donc fondées.
Elles proviennent de la raison et il paraît absurde de chercher à
s’en méfier.
En effet, cela voudrait dire ne pas faire confiance à la raison elle-même, source de la
conviction.
D’un point de vue pratique, il est nécessaire aussi de ne pas se méfier de nos
convictions fondées.
L’intime conviction que mentionne le droit pénal dès 1791 ne concerne pas la
croyance, mais l’exigence d’user de toutes les preuves possibles avant de porter un jugement qui
ne doit laisser place à aucun doute.
Sinon, le scepticisme conduirait à refuser de ne jamais juger.
Qu’en est-il alors des convictions qui sont de simples croyances mais auxquelles nous tenons
particulièrement ?
Nos autres convictions sont donc celles qui ne sont pas fondées.
Il semble nécessaire de s’en
méfier et nous le devons parce que nous le pouvons.
En effet, si la conviction est bien une croyance
à laquelle nous adhérons, elle s’oppose toujours à d’autres convictions.
Dès lors, tout esprit qui se
possède comprend que ses convictions sont susceptibles d’être fausses ou mauvaises.
Non
seulement, c’est la condition pour savoir, mais aussi pour pouvoir juger.
En effet, les convictions
qui sont en moi sans réflexion m’empêchent de savoir, mais elles font que ce n’est pas moi qui
juge.
Dire qu’il s’agit de mes convictions est en un sens illusoire.
Or, est-il possible de toujours
savoir ?
Il faut bien commencer pour pouvoir savoir.
On ne peut tout remettre en cause.
Aussi ne faut-il
pas se méfier de nos convictions lorsqu’elles portent sur les principes premiers.
En effet, comme
Pascal le soutient dans les Pensées [posthume, 1670, n°110, Lafuma], il faut admettre deux
sources du savoir, à savoir le cœur et la raison.
Grâce au premier, nous connaissons les principes
premiers sans quoi la raison ne peut rien prouver ou démontrer.
Ainsi, nous connaissons sans le
prouver par raison que nous ne rêvons pas ou bien ce que sont l’espace et le temps.
Et sans les
premiers principes, il serait impossible de ne rien savoir.
C’est pourquoi nous ne devons pas nous
méfier de ces convictions qui sont bien nôtres, qui sont comme implantées en nous par la nature.
Toutefois, la difficulté est de reconnaître les premiers principes qui impliquent de ne pas se
méfier de ce type de convictions.
Si nous les acceptons sans les examiner nous ne pouvons pas ne
pas les confondre avec de simples croyances.
Si nous les examinons, c’est finalement que nous
nous en méfions.
Dès lors, ne devons-nous pas nous méfier de toutes nos convictions ? Ne faut-il
pas y voir une sorte de devoir moral ?
Il faut examiner les convictions et donc se méfier de celles qu’on a acquises sans examen de la
raison.
S’il s’agit d’un devoir moral, c’est parce que sans cet examen, nous pourrions faire le mal
sans nous en rendre compte.
C’est ainsi que les préjugés peuvent entraîner des erreurs judiciaires
ou nous empêcher de traiter d’autres êtres humains comme ils le méritent.
Qu’on pense à la
conviction que les Amérindiens n’étaient pas des humains qui conduisit les Européens à les
massacrer systématiquement [cf.
Jean-Claude Carrère (né en 1931), La controverse de Valladolid,
1992].
Nous sommes d’autant plus coupables de ne pas examiner nos convictions, donc de ne pas
nous en méfier au sens de ne pas leur accorder notre confiance.
C’est qu’en effet, il dépend de
nous d’user de la raison que nous possédons.
C’est ce que soutient à juste titre Diderot dans
l’article « Croire » de l’Encyclopédie [1751, tome 4, p.502b].
Il y soutient que nous sommes fautifs
de croire sans examen et de trouver la vérité alors que nous sommes justifiés de nous tromper
après avoir usé de notre raison.
Or, lorsque l’examen a eu lieu, s’agit-il encore de convictions ?
Certainement, puisque nous leur donnons notre assentiment.
On ne peut pas se méfier des
convictions fondées.
Il faut comprendre par là que....
»
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