Dire que les hommes sont agressifs et violents par nature, est-ce justifier la violence ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
· Angles d’analyse
Il s’agit ici de mettre en cause les conséquences d’un discours sur la nature de l’homme. Nombres de théoriciens du droit naturel (tels que Hobbes notamment), on définit l’état de nature – et donc la nature même de l’homme dans son état le plus originel et originaire – comme règne de la violence. Mais, un tel discours sur une violence et une agressivité intrinsèque à la nature humaine, n’est pas sans conséquence une fois passée à l’état social, une fois l’Etat historique instauré.
Il semble pour autant difficile de circonscrire la violence, tant les formes de manifestations sont variées : allant du chantage en passant par des techniques raffinées d’exploitation des faiblesses des hommes, jusqu’à la simple agression physique ou la mise en œuvre de moyens parfaitement rationnels propre à amorcer la destruction de la nature ou d’un peuple. La brutalité – physique ou morale – l’agressivité, ne sont donc que des expressions possibles, ou même accessoires, de la violence. Il faudra néanmoins chercher à distinguer, dans leur concept même, les termes de violence et d’agressivité.
Il est notable que justifier c’est à la fois rendre raison de mais aussi et surtout, dans le cas qui nous intéresse ici, c’est légitimer. Si donc l’on dit qu’il est de la nature de l’homme d’être violent, alors comment, en droit, pourrait-on réprimer la violence en la proclamant illégitime ? Cette condamnation n’est-elle pas contre nature justement ?
On s’interroge donc ici à la fois sur les conséquences d’un présupposé (« l’homme est un loup pour l’homme « selon la formule consacrée) naturel, mais donc aussi à fortiori sur le fondement du droit qui réprime et puni la violence. Il faudra donc trouver la dynamique qui permette de poser sans contradiction de droit que l’homme est naturellement violent, mais que dans l’état social, cette violence est illégitime.
C’est donc le rôle de l’Etat, et plus précisément celui de son instauration comme passage de l’état de nature à l’état de droit qui est ici mis à la question.
Problématique
Pour être conséquent – c’est-à-dire pour que le postulat de départ s’accorde avec les conséquences qui découle de lui –affirmer qu’il est de la nature même de l’homme d’être violent et agressif (c’est-à-dire que la violence et l’agressivité sont des propriétés intrinsèques de l’homme), n’est-ce pas, au fond, légitimer le comportement violent dans l’état de droit, celui des lois et de la justice ? Ou, pour le dire autrement, affirmer la nature violente de l’homme ne revient-il pas à rendre tout Etat, comme maintient de l’ordre passant par la répression de la violence, illégitime ?
Comment concilier le postulat de la violence naturelle de l’homme sans pour autant, non seulement cautionner, mais encore justifier – c’est-à-dire légitimer, rendre raison – de la violence à l’Etat civil ?
C’est donc au fond la légitimité même de l’Etat dans son rôle de répression de toute violence qui est ainsi interroger.
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Pour être conséquent – c'est-à-dire pour que le postulat de départ s'accorde avec les conséquences quidécoule de lui –affirmer qu'il est de la nature même de l'homme d'être violent et agressif (c'est-à-dire que la violenceet l'agressivité sont des propriétés intrinsèques de l'homme), n'est-ce pas, au fond, légitimer le comportementviolent dans l'état de droit, celui des lois et de la justice ? Ou, pour le dire autrement, affirmer la nature violente del'homme ne revient-il pas à rendre tout Etat, comme maintient de l'ordre passant par la répression de la violence,illégitime ?Comment concilier le postulat de la violence naturelle de l'homme sans pour autant, non seulement cautionner, maisencore justifier – c'est-à-dire légitimer, rendre raison – de la violence à l'Etat civil ?C'est donc au fond la légitimité même de l'Etat dans son rôle de répression de toute violence qui est ainsi interroger.
Plan I- Conséquence d'une doctrine belliqueuse de l'état de nature : une légitimation de la violence à l'Etat civil.
La ruine du droit · Foncièrement destructrice, il est nécessaire de voir que la violence se distingue de l'agressivité.
Sans doute l'homme partage-t-il avec l'animal une tendance àdéployer sa puissance qui peut impliquer la neutralisation de tout obstacle, ycompris l'être humain.
En ce sens, l'agressivité se confond avec la vie, et il seraitillusoire de vouloir la justifier ou la condamner.
Mais l'agressivité ne trouve pasnécessairement le chemin de la violence ; la loi le reconnaît, qui ne sanctionne lesintentions agressives qu'au moment où elles se traduisent par des actes. · Dire que la violence est naturelle à l'homme ne va donc pas sans ambiguïté.
Et lorsque Freud met en évidence l'action de « pulsions de mort » qui expliquent en partie le comportement des individus comme des peuples, il ne se contente pasd'établie l'existence d'une agressivité universelle – le constat n'est pas neuf – nimême de lui donner un statut privilégié.
Ce qui est nouveau, c'est l'idée quel'agressivité est d'abord tournée vers le sujet et comme stagnante en lui avantd'être infléchie vers l'extérieur.
Nous voici donc amenés à l'hypothèse d'une violenceinéluctable et foncièrement suicidaire inscrite au plus profond de notre nature.
« L'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d'amour, donc ondit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter aucompter de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité » (Malaise dansla civilisation). · Sans doute philosophes et penseurs d'horizons les plus divers n'avaient-ils pas attendu Freud pour établir l'existence d'une telle pulsion destructrice.
Favorisée parla faiblesse ou l'absence des lois, cette violence débridée définit un état de naturequi, comme le montre Hobbes , porte en lui l'exigence de recourir aux moyens les plus extrêmes pour la conservation de soi.
« Il apparaît clairement par là qu'aussi longtemps que les hommes vivent sans unpouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui senomme guerre, et cette guerre et guerre de chacun contre chacun » (Léviathan). · Mais l'appréciation de Freud est plus pessimiste, puisqu'elle l'amène à considérer que les horreurs des génocides et des guerres sont un exutoire inéluctable, de ces« pulsions de mort ».
La civilisation, dont les fondements sont à la fois le travail, lalimitation et la répression de la sexualité, et enfin l'interdit du meurtre, n'a pas eneffet le pouvoir de résorber la violence.
Dans cette perspective, on comprendqu'une telle affirmation de la violence comme inhérent à l'homme lui-même en rendl'usage légitime.
La justification est ici de l'ordre d'une nécessité de nature. II- L'instauration de l'Etat comme remède à la violence qui devient dès lors illégitime, même considérée comme naturelle · Pourtant, si l'Etat ne peut certes pas résorber définitivement toute violence, il peut néanmoins la rendre illégitime par le fait du droit.
Il en canalise donc le flux.
Lanature violente de l'homme ne fait donc pas droit au sein même du droit dont lafonction même est de juguler et de contrôler cette violence..
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